L’orage était terriblement violent cette nuit là. Le tonnerre grondait à proximité, faisant trembler la terre d'un roulement sourd.
La taverne était silencieuse et vide, les paysans étaient au chaud dans leur chaumière, ne désirant pas braver la pluie battante. Sawyer essuyait délicatement ses verres en commentant les différents éclairs qui baignaient au fil de leur passage la salle principale d’une lumière aveuglante et éphémère.
La porte s’ouvrit violemment, laissant passer une bourrasque violente dans la salle. Plusieurs bougies furent soufflées, laissant la pièce dans la pénombre. Une silhouette se dessinait dans l’encadrement de la porte, voutée et s’appuyant sur un bâton de fortune.
L’inconnu fit un pas, un éclair montrant furtivement un vieillard fatigué vêtu de haillons.
« Je l’ai perdu… elle n’est plus là, je l’ai perdu Sawyer… Elle n’est plus là… Avec elle, je me sentais prêt à changer le monde… Mais elle n’est plus là, son sourire n’est plus là, sa bonne humeur n’est plus là… j’ai échoué, mon éternité ne sera qu’un purgatoire, un enfer… Car elle n’est plus là »
La voix était tremblante et faible, l’eau ruisselait sur les vêtements déchirés, des larmes coulaient de paupières closes. La barbe blanche, sale et mal entretenue… Le vieil homme semblait perdu.
« Elle n’est plus là… Ma douce Miya, ils me l’ont prise. Que suis-je censé faire à présent… »
Le vieillard tomba à genoux tenant ses mains devant son visage couturé de cicatrices.
« Je la tenais entre mes mains, mais ils l’ont prise. J’entends encore ses cris d’effroi, je devine ses larmes… Je la tenais mais elle n’est plus là par ma faute. Sawyer, je me suis égaré… ma vie s'est arrêté en même temps que la sienne...»
Sawyer laissa tomber le verre qu’il tenait dans les mains lorsqu’il reconnut le vieux Turel.