Déployer ses ailes

"chrink chrink chrink"

Trois petits grattements à la porte de la chambre de Haven, cette nuit là à la taverne de l'astre. La lune était levée depuis longtemps et le silence avait prit le pas sur les rires et les chants qu’ils avaient laissés derrière eux alors qu’ils posaient leurs tête remplies de souvenirs, sur un oreiller propre et moelleux.

Shairya, vêtue de sa simple tenue de ruko blanche, les pieds nus se tenait debout dans ce couloir, aux ombres inquiétantes, mouvantes au gré du vent. Ses ombres elle le savait, n’étaient que la projection des branches des arbres dehors, à travers la petite fenêtre au bout du couloir, et pourtant ce soir, elles lui faisaient terriblement peur. Alors que les mêmes ombres jouaient dans sa chambre, alors qu’elle s’était réveillée en sueur et en pleurs, alors que même les prières les plus intenses n’étaient pas arrivées à la rassurer et la calmer, alors, elle s’était décidé de trouver refuge auprès de la personne la plus appropriée ; Haven.

Tout était parti de sa volonté d’aider le monde entier, c’était son crédo depuis qu’elle était devenue deava. Elle y avait réfléchit pendant longtemps, durant sa semaine de méditation, loin du monde. Son devoir de deava était avant tout d’aider le monde, sa volonté d’atreide était de lutter contre cette guerre absurde, qu’elle ne comprenait pas, et sa volonté de Shairya était de répandre la voix d’Aion sur Atreia.

Alors elle avait commencé à aider le petit peuple de Verteron, récupérant un cochon perdu par ci, retrouvant des bijoux volés par là, ramassant du bois ou des plantes pour untel, livrant différents messages pour d’autres. Tout ceci en bravant moult dangers à longueur de journée, n’en parlant qu’à moitie à Haven, qui serait morte d’inquiétude, chaque minute qu’Aion faisait. La population après l’avoir élue protectrice de Poeta, avait fait de Shairya une sorte d’héroïne d’un temps. Ho oui d’un temps, la jeune fille le savait bien que d’ici quelques mois, ils auraient oublié jusqu’à son nom, mais cela ne l’embêtait pas, bien au contraire, elle préférait rester discrète.

Toujours est il, qu’à force de rendre des services à tout le monde, la jeune rodeuse fut remarqué par certains officiels de sanctum, qui lui demandèrent de travailler pour eux, afin de réaliser certaines missions que les enrôlés dans l’armée ne pouvaient pas exécuter, trop prit qu’ils étaient dans leurs missions en abysse. Trop heureuse de pouvoir aider, Shairya avait accepté.

Arriva malheureusement le moment où, les missions qu’elle accepta furent d’un trop gros calibre pour elle toute seule et après y avoir réfléchit sur le toit de l’auberge avec Zali, elle avait finit par demander de l’aide à ses amis, les atreides !

Ils avaient tous accepté en bloc, de venir prendre l’air chaud de verteron, afin de l’aider à observer l’avant post tursin, récupérer des armes volés et des rations du peuple, trouver des effigies sacrées et prouver sa valeur auprès du général Spatalos en lui rapportant des marques distinctives de Krall. Shairya frissonna en pensant à ce général Spatalos. Quel étrange personnage, elle n’était pas arrivée à cerner son caractère, sans doute parcequ’il s’agissait d’un homme.

Ils étaient donc tous là, à la citadelle de Verteron, où Shairya passait le plus clair de son temps ces derniers jours. Elle s’y était fait quelques amies, elle s’était même liée d’amitié avec un gros chien, ancien Deava maudit, mais essayait de ne pas trop s’attacher aux gens, en vain il faut bien l’avouer.

Il y avait Haven dans une armure resplendissante mais à moitié cachée derrière un bouclier énorme, il y avait Falkhen, lui aussi équipé comme pour aller à la guerre, montagne de métal, de muscle et de sourire, la discrète Leiji les rejoints rapidement, dans son plastron de cuir comme toujours impeccable, tenant son arc magnifique fermement à la main, enfin Teseus arrivait en courant, un peu en retard mais un visage si charmant, il était accompagné d’une créature merveilleuse que Shairya se verra le droit de baptiser Ceylianne. Ils étaient prêts et se dirigèrent donc vers l’avant poste toutes ailes dehors …..

Ho oui toutes ailes dehors en effet, car les ailes de ses amis étaient magnifiques, après avoir remarqué en premier les ailes de Haven, qui avaient pour elle une tendre signification, elle avait pu voir celles puissantes de Falkhen puis celles de Teseus et celles de Leiji. C’est là que la jeune rodeuse apprit que les deava faisaient appel à des artefacts afin de renforcer leurs ailes. Etrange.

La journée se passait à merveille, quelques frayeurs de temps à autres, notamment lorsqu’elle bu une potion infecte afin de se transformer en un magnifique perroquet vert pour réaliser une mission de repérage à l’avant post, mais malheureusement elle se fit repérer et du retourner vers Haven en y laissant quelques plumes.

Mais jusqu’à ce moment là, ce que Shairya avait retenue c’est que ses amis étaient de puissants combattants. A la taverne de l’astre, ils étaient si tendres, si généreux, si ouverts, et pourtant ils étaient des donneurs de mort, à n’en point douter. Cette prise de conscience de la jeune rodeuse s’était fait sans heurt ni pleurs, pour tout dire elle était fière d’être parmi eux, car sa mésaventure avec la jeune shugo qu’elle avait récemment sauvé et le discours de Haven lui avait déjà ouvert les yeux sur la réalité des choses, sur la dureté de la vie. Ils combattaient avec vigueur et bonne humeur, efficacité et ténacité, mais toujours avec le sourire. Shairya était heureuse de rendre service à Atreia en leur compagnie.

Pourtant arriva le moment fatidique, ce moment où tout bascule, où la douleur est si vive et intense, où tout vous échappe, ou rien n’est compréhensible. La conscience de n’être plus, l’inconscience de n’être rien. Puis, plus aucune douleur qui rappelle que l’on est en vie, l’esprit bousculé par tous les sentiments qu’on laisse derrière soi, sensation de n’être pas seule dans ce tourbillon, des chuchotements intenses qui entre dans la tête, sans pouvoir les arrêter, sans pouvoir les comprendre, sans pouvoir se boucher les oreilles car notre corps n’est plus. Combien de temps, un instant, une éternité, aucune idée.

Mais la chaleur, l’amour, la douleur, la fatigue arrivent en même temps que la douce voix de Haven qui par son don divin vous remet tout à l’endroit, même si durant quelques secondes, ou quelques minutes, on a plutôt l’impression d’être compressé.

La vie reprend, la vie continue et les combats ne s’arrêtent pas. Tant mieux, Shairya ne peux pas penser. Le soir on fête la totale réussite de la mission, on mange un bon repas, on rit, on se régale. Mais la nuit, elle, n’oublie pas, elle rappelle à tous les événements passés, et souvent les plus douloureux. Shairya à peur, elle est morte aujourd’hui et cela est terrifiant, elle a besoin de Haven.

Pour la première fois depuis quinze ans, elle à besoin de dormir auprès d’un être aimé et aimant, rassurant, chaleureux : sa maman. Alors elle gratte à sa porte espérant la réveiller tout en ne voulant pas la déranger, opposition des sentiments reflets de son trouble grandissant.

La nuit est calme mais les songes sont agités. L’image de Shairya couchée sur le sol s’impose à son esprit et impose son arrière goût amer. Oh bien sur, elle le sait bien, ce n’est pas si grave, après tout, elle est là aussi pour relever ses amis. Mais ce n’est en rien le rapport entre une Clerc et un Daeva combattant dont il est question. Il est question de sa fille, et elle a bien du mal à se raisonner. Pour peu que dans son état de semi sommeil, la raison puisse exister. Tout tourne sans contrôle, tout se brouille. Les images se mêlent aux images et les sons s’entrechoquent sans aucune cohésion. A force de tourner en rond la couverture gît sur le sol et un léger frisson parcours son corps qui n’est plus protégé de la bienfaitrice mais fraiche nuit.

Criiiiiiiic

Dans son esprit déjà tout embrouillé, le sont du grattement se perd dans des bruits d’armes et de cris rauques. Ce n’est qu’au prix d’un effort et de quelques longues secondes, qu’elle réalise que celui-ci, ne vient pas de ses rêves éveillés. Quelques secondes de plus et la voilà qui se demande bien pourquoi Zali vient gratter à sa porte alors qu’il lui aurait été si facile de rentrer par la fenêtre.

Criiiiiic

Ah par AION, ca vas j’arrive. Se dit’ elle en elle-même. Mais qu’est ce qui lui prend à cette bestiole. Alors elle descend de son lit, doucement pour ne pas perdre un équilibre encore précaire. Son esprit n’est pas encore bien éveillé, et elle se méfie de ne pas confondre une réalité pas encore bien claire avec des rêves pas encore complètements effacés. Enfin la voilà debout, sur le coté de son lit, prête à tenter un aventureux voyage jusqu’à sa porte de chambre, même si pas encore bien éveillée.

Criiiiiic

Pas question de presser le pas et de se casser la figure ! Mais c’est que cet écureuil deviendrait carrément impertinent. Haven ne savait pas encore pourquoi elle était réveillée dans son premier sommeil, mais si vraiment c’était Zali, il allait passer un mauvais moment ! Finalement arrivée devant la porte, elle soulève le loquet et l’ouvre aussi promptement que possible, prête à en découdre avec cet écureuil mal élevé.

« Shairya … oh … »

A cet instant elle se rendit compte de sa situation. Pensant avoir à faire à un petit animal, elle n’avait pas réalisée que sa tenue manquait pour le moins de … de tenue justement. Haven devient rouge en une fraction de seconde, et par réflexe plus qu’autre chose tente gauchement de cacher un peu de son corps. Elle savait bien que Shairya n’était pas en clin à se genre de réaction ou de gène, mais elle si, et elle se sent mal à l’aise.

Puis son regard finit par se poser sur celui d’émeraude aux reflets perturbés de sa fille, son esprit enfin se demande ce qui peut bien la pousser à venir gratter à sa porte en pleine nuit. Et au final, plus intriguée voir inquiète que honteuse, elle fini par la prendre dans ses bras, l’enserrant de tout son amour.

« Viens ma chérie entre et raconte moi».

Ne faisant absolument pas attention à tenue virgniale de la clerc, Shairya se blottit dans les bras qui viennent de l'enserrer tendrement, sans un mot ni une larme, juste profiter de ce contact chaleureux et plein d'amour qui lui était offert, et qu'elle était finalement venu chercher.

Quelques instants plus tard, nul ne saurait dire si des secondes ou des minutes s'étaient écoulées, maintenant ces deux femmes à la lueur de la lune, enlacée, rayonnant d'amour l'une pour l'autre, Shairya leva les yeux vers Haven et secoua la tête en silence. Puis, dans un souffle elle lui dit simplement

"Maman s'il te plait, je peux dormir avec toi cette nuit ?"

La jeune femme aimait s'entendre dire maman, aimait le frisson qui lui parcourait l'échine quand elle appelait Haven, maman, elle chérissait cette bouffée chaleureuse qui envahissait son petit coeur quand ce mot était prononcé. Elle avait tant révée sans jamais se l'avouer, d'avoir une maman avec qui tout partager.

Le contact chaleureux de l’étreinte réchauffe le cœur de la Clerc et un énorme sourire fend son visage. Shairya ne s’imagine sans doute pas ce que cette chaleur humaine représente pour une mère, mais comment expliquer cela à une jeune femme qui n’est plus une enfant, et qui n’a jamais vraiment eu de mère qui plus est. Et puis … était ce vraiment important. Haven savait ce qu’elle donnerait pour sa fille, rien de moins que sa propre vie si cela s’avérait nécessaire. Alors comment expliquer ces choses avec des mots. Souvent ils sont inutiles.

« Bon … d’accord » Dit-elle avec son immense sourire.
« Après tout, … on a du retard à rattraper »

Elle se doutait que sa dernière remarque ne serait pas claire pour Shairya. Mais elle savait aussi qu’un jour la jeune femme comprendrait.

Desserrant son étreinte, presque à regret, Haven prend la main de Shairya et se dirige vers le lit. Elle stoppe juste devant, une question visiblement la turlupine. Alors elle ajoute à voix basse, son regard plongeant dans celui de la jeune femme et trahissant soudain un brin de malice.

« Tu préfère dormir du coté de la fenêtre ou de la porte ? »

La question lui brulait les lèvres bien sur, du retard à rattraper de quoi..de sommeil sans doute se dit la jeune femme sans comprendre l'allusion qu'Haven avait fait à cette absence de relation mère-fille qu'elles avaient toutes deux supportée malgrés elles. Mais la question de Haven mit un terme à la reflexion de Shairya, qui répondit sans réflechir tant la réponse était évidente pour elle

"coté fenêtre !" s'écria t elle plus fort qu'elle ne l'aurait souhaité "heu..si je peux bien sur" ajouta t elle un ton plus bas, les joues légèrement roses, ses yeux émeraudes plongés dans ceux couleurs de terre de la clerc. Elle lui sourit.

Shairya, n'avait plus peur maintenant qu'elle était avec sa mère, dans cette pièce où elle l'avait vu il n'y a pas si longtemps, dans la même tenue certes, mais dans une détresse certaine. Elle refoula ce souvenir dans sa mémoire, secouant légèrement la tete négativement.

La jeune rodeuse fit une courte prière avant de monter dans le lit, prenant la précaution de se frotter les pieds afin de ne pas souiller les draps de ruko blancs, elle regarda Haven qui était toujours debout, et lui sourit.

"Merci maman, tu sais...je n'ai plus peur maintenant avec toi....mais..............j'ai eut tellement peur de la mort et de tout ce qui l'entoure et puis ensuite il y a eut la résurection....c'est dur d'etre immortelle"

Elle l'avait dit et elle était soulagée, elle regarda Haven dans les yeux où passèrent les flammes vertes des sentiments qu'elle ressentait à l'instant présent, sa peur ancienne, ses troubles, ses craintes, son incomprehension, ses passions et son désir de comprendre et d'etre rassurée.

Haven la rejoins calmement sous le drap, et se cale à coté de sa fille. Sa fille. Comme se mot est lourd de sens mais si léger à porter.

« Oh que oui, et tu ne dois jamais l'oublier »
« Si un jour tu oublie que c'est dur, si un jour tu trouve cela tellement normal que cela ne te fait plus aucune impression ... »

La Clerc se tourne lentement vers sa fille, le regard tendre et les yeux brillants.

« Il y a bien longtemps, alors que la guerre commençait à peine, un clerc parmi les plus doués commença à faire parler de lui. Ses faits d'armes étaient si impressionnants, qu'ils furent racontés jusque dans la tour des gardiens de l'éternité. En quelques centaines d'années, tout le monde à Sanctum connaissait le nom de Rodrick. Rodrick le Clerc le plus doué de tous. Certains prétendaient qu'il était plus fait d'Ether que de chair et de sang. Grâce à lui des légions entières furent sauvées, et ceux qui le connaissaient ne tarissaient pas d'éloges envers lui. Jamais il n'hésitait à se jeter au plus noir de la bataille pour sauver un des siens. Aussi, un jour, il fût envoyer quérir par un messager de Usthiel en personne. L'honneur de tous les honneurs pour un Clerc. Il répondit bien sur à l'invitation et se présenta fièrement devant Usthiel.

Tes exploits viennent à mes oreilles depuis bien longtemps Rodrick, lui dit Usthiel.
Vous m'en voyez fort troublé et fort honoré … Maitre de la vie, répondis Rodrick.
N'a tu jamais peur dans la bataille ? Lui demanda Usthiel un sourire bienveillant sur le visage.
Non jamais, la résurrection que j'ai apprise, et qui est votre œuvre me garde des malheurs, lui répondis Rodrick.
Mais tu sait que chaque chose possède ses limites, ajouta un peu embarrassé Usthiel.
Oui, mais j'ai une confiance si grande dans la maitrise et le savoir que vous transmettez, que rien ne peut m'arriver, répondit Rodrick avec une ferveur si intense … Que Usthiel ne répondit rien sur le coup.
Et bien Rodrick vas, vas sauver nos légions nos terres et nos gens, et que la lumière te guide sur le bon chemin, Dit Usthiel en faisant un geste de la main pour le bénir dans sa tache.

Roddirck parti le cœur léger, encore plus motivé et fervent qu'avant sa visite.
Les années passèrent, et Rodrick faisait toujours autant parler de lui, repoussant toujours les limites.

Un jour, alors qu'il patrouillait aux frontières des Abysses avec une légion des plus valeureux guerriers d'Elyséa, ils tombèrent sur une patrouille Balaur. Aussitôt le combats fût engagé. La troupe Elyséenne était sûre d'elle. Elle était composée des plus forts parmi les plus forts. Des plus puissants parmi les puissants. Et en plus, Rodrick veillait sur tout ce petit monde.

D'après la légende, la bataille dura plus de cents jours. Cents jours pendant lesquels les vagues de Balaurs étaient repoussées. Impossible de demander de l'aide là ou ils se trouvaient, ils étaient seuls. Un jour durant la bataille, Rodrick se trouva à court d'Ether. Ils étaient trop loin de tout pour en récupérer dans la zone, ni même pour en ressentir les flux. Et les Balaurs qui ne cessèrent d'arriver par vagues de plus en plus grandes. C'est alors que pour la première fois de sa vie. Rodrick vît un Elyséen se perdre et se disperser dans les Abysses. Bien trop loin de sa pierre de résurrection ou d'un quelconque point de secour. Puis un second vînt à mourir, et un troisième. Le Clerc se sentait si impuissant que ses cris de rages perçaient les tympans des balaurs, mais sans ralentir leur charge. Finalement lui aussi succomba.

On sût plus tard qu'ils avaient probablement à eux seuls, mis en déroute la plus grande attaque Balaur de l'époque. Sans eux, nous serions peut être tous morts. Mais il y a une chose qu'il ne faut pas oublier dans cette histoire. C'est que quelque soit ta force, quelque soit ta foi, aussi inébranlable soit-elle envers certaines choses, il existe toujours des limites. Rodrick ne pensait pas un jour franchir ses limites, et il en est mort.

C'est pour ca, qu'il ne faut jamais croire que la résurrection est normale et sera toujours là pour nous sauver. Un jour, nous aussi nous rejoindrons Rodrick dans l'Ether.
Mais j'espère que se jour est encore loin de nous. »

Fixant toujours sa fille droit dans les yeux, elle la gratifia d'un sourire énorme et plein d'amour.

« Notre tour n'est pas encore arrivé !! »

Shairya avait écouté attentivement l’histoire de Haven, se blottissant au fur et à mesure contre sa mère, ne la quittant pourtant pas des yeux, courbant ainsi la nuque dans un angle un peu étrange.

Elle avait toujours aimé les séances d’histoires à la cime sacrée, un instant privilégié autour d’un feu, où les plus sages et les plus anciennes racontaient toutes sortes d’histoires sur leur peuple de femmes. Des fois, c’est Dame Elyssandre elle-même, qui prenait la parole, contant ainsi des anecdotes de la tour d’éternité. Toutes les histoires finissaient par une conclusion, une doctrine ou un avertissement, souvent religieux d’ailleurs. L’histoire de Haven ne faisait pas exception et shairya l’en remercia intérieurement.

Quand sa mère eut terminé et qu’elle la fixait droit dans les yeux, souriante, Shairya lui rendit son sourire, ravie de ce moment qu’elles partageaient. Sensations si nouvelles pour la jeune rodeuse. Certes, elle avait quatorze ans, à cet âge les jeunes filles ne vont pas dormir dans le lit de leur mère, mais cela elle ne le savait pas et quand bien même elle l’aurait su, elle s’en fichait totalement.

Dans un soupir de satisfaction elle prit la parole, chuchotant pour ne pas déranger ceux qui dormaient dans les chambres à coté.

« Tu sais maman, j’aime bien quand tu raconte des histoires, ta voix est si douce et on a l’impression que tu vis l’histoire au fur et à mesure que tu la raconte. Tes yeux se sont illuminés quand tu as cité le nom du vénérable Usthiel, tes joues se sont enflammées quand tu parlais des balaurs, et ne crois pas que je n’ai pas remarqué les larmes naissantes quand tu as évoqué la mort du héro » elle enlaça Haven, pour lui transmettre tout son amour puis relevant la tête elle lui sourit, mais à sa façon espiègle à elle de sourire et reprit d’une voix trahissant la sagesse acquise à la cime sacrée et durant ces quelques derniers mois.

« Crois moi, jamais je ne penserai que la vie et la mort sont à prendre à la légère. Sais tu que j’ai entendu des voix dans ce moment imperceptible que j’ai vécu entre la vie et la mort ? Sais tu que j’ai ressentit les souffrances de ceux qui étaient présents dans l’ether à ce moment là ? Hoo maman, jamais plus je ne veux revivre cela…jamais. »

Elle frissonna légèrement.

« je me sens en sécurité avec toi, mais également avec Falkhen et Leiji, dans une moindre mesure bien sur. Car vous êtes sages et puissants, et savez respecter la vie. Même si je respecte le don d’aion dont tu as hérité, je ne voudrais jamais en être dépendante, il faut savoir faire preuve de mesure dans la vie, ce que Rodrick, lui n’avait pas comprit. Je crois. Et oui tu as raison, notre tour n’est pas encore arrivé ! »

Elle sourit de nouveau à Haven, mais dans ses yeux l’on pouvait voir la fatigue prendre le dessus.

Milles images, milles moments de vie traversent son esprit à cet instant. Des images et des moments de son passé, de sa famille. Aucun mot n’aurait pu exprimer à cet instant précis l’ampleur de son bonheur. Elle avait eu le courage, le courage d’assumer ses sentiments envers cette jeune femme inconnue il n’y à pas si longtemps. Le courage de voir la mort des siens en face, dans cette clairière. Le courage de se mettre à nue pour ses amis les Atreides, mais surtout pour sa fille. Dans un moment fugace, elle voit une image qui ne fait pas partie de son passé. Une vision de son mari, de ses parents et de sa fille, main dans la main, la regardant, sourire aux lèvres.

Elle était sûre de deux choses, grâce à cette rencontre. Que sa famille vivait encore … quelque part … Ailleurs, mais aussi que cette même famille la félicitait implicitement de ses choix envers la rodeuse. Etait-ce un rêve dicté par son envie, une réalité possible par on ne sait quel miracle, les deux à la fois ? Une pensée la fît sourire, à cette question son mari lui aurait répondu.
« Qu’importe si cette vérité n’est que la tienne, c’est la seule qui compte au final ».

Elle ressent la douce chaleur du corps allongé à coté d’elle. Elle ressent l’immense amour qui émane de cette petite âme, pas si fragile que cela … Elle ressent un bien être et un apaisement sans borne de savoir que sa fille, sa propre fille était déjà d’une si grande sagesse. AION lui offrait une seconde vie aussi belle que la précédente. Elle ne sait pas si elle le mérite, mais une chose est sûre, elle ne laissera pas passer un tel bonheur.

« Tout ceci n’est rien, tu est à coté de moi, et rien dans ce monde ne peut égaler ce bonheur »
« Je t’aime si fort ma chérie, mais tu as raison, il est temps de dormir maintenant »
« Même les héros dorment de temps en temps »

Pendant qu’elle lui parlait de sa voix chaude et protectrice, sa main caressait le front et les cheveux de la rodeuse, sa fille, … sa fille. Son sourire, bien que trahissant une grande fatigue, était tellement radieux qu’il aurait pût à lui seul éclairer la nuit de la forêt.