La réalité tourne

Déjà que se balader comme ça, en plein Sanctum, n'est pas très prudent, c'est le moins que l'on puisse dire, mais en plus, marcher vers la tour … là faut pas abuser. Se cacher au milieu de ses ennemis reste un des principes de bases que l'on apprend en tant qu'ombre, et pas forcément la tache la plus compliquée à réaliser. Mais s'engouffrer avec le sourire dans l'antre même de la bête … croiser les meilleurs parmi les meilleurs, les maitres … c'est juste un coup à se faire dévoiler en un quart de seconde.

Un quart de second. C'est le temps qu'il a pour prendre une décision. Laisser tomber et disparaitre, ou prendre les choses en main. Il n'a pas un caractère à brusquer les choses, mais malheureusement pour lui, tout le monde n'est pas dans cette logique. Et notamment une certaine Dame, dont il sait que la rencontre est inévitable, mais qu'il n'est pas, lui, pressé de retrouver. C'est pour cela qu'il opte pour l'action. Et puis, après ce qui venait de se passer à l'auberge, il n'est plus trop question de prendre des gants.

Il ne lui faut qu'un infime instant pour que la belle lui tombe dans les bras, inerte. Bon sang que l'enseignement de la Dame est bon, la grande classe. Connaitre ces points qui peuvent vous paralyser, voir vous endormir en quelques secondes … quelle efficacité ! C'est ainsi que la jeune rodeuse se retrouve inconsciente dans les bras l'asmodien. Quelques personnes se retournent pour voir ce qui se passe, mais Leire les rassure dans son Elyséen bien travaillé.

"Tout vas bien c'est juste un malaise, je m'en occupe".

La chance. Vous connaissez ? C'est un truc que visiblement Leire, lui, ne connait pas. Alors que déjà quelques badauds retournent à leurs occupations, le bras de la belle endormi tombe sur le coté, entrainant dans sa chute la capuche qui masque le visage de l'homme, affichant au grand jour une identité qu'il ne peut plus cacher. Il ne faut pas longtemps pour que des cris retentissent sur la place. Là, ce n'est même pas un quart de seconde qu'a le voleur pour disparaitre …

Quelques heures plus tard, blessé, affaibli, mais libéré de ces poursuivants, il vole vers Eiron, la petite dans les bras. Semer des gardes heureusement un peu endormis par leur inactivité prolongée et des Elyséens enragés n'est pas déjà une tache très simple, mais avec en plus un corps dans les bras, qui entrave ses mouvements, cela devenait presque impossible. Si on ajoute à cela la nécessité de garder la petite en vie, malgré les jets aveugles de lances et autres armes toutes plus tranchantes les unes que les autres, on frôle la gageure. C'est donc tailladé d'un peu partout que l'asmodien prend la décision pour s'en sortir.

Il repli ses ailes autour de lui et de la petite et se laisse tomber. Même pire, il oriente son corps pour que la chute soit la plus rapide possible. Sanctum est très haute, mais le sol monte vers eux à une vitesse incroyable. C'est vraiment au dernier moment qu'il déploie ses ailes de nouveau, dans un hurlement de douleur qui déchire l'air tranquille de la campagne de Poeta. L'atterrissage est chaotique au possible et se termine par un roulé boulé plutôt violent, qui le mène directement dans un fourré épais. Le visage déformé par la douleur, il ne bouge plus et tente de retrouver son calme. Rapidement il vérifie que la petite n'a rien, il aura au moins réussi cela, elle semble indemne, et dort comme une enfant.

Alors que, enfin au calme, il reprend doucement son souffle et ses esprits, une question s'impose. Comment cela était il possible par AION ? Cette voix dans sa tête ! Il est presque sur que c'est elle, la Clerc du cercle, cette Haven. C'est elle qui lui a suggérer la technique de la chute, en lui expliquant sommairement comment ne pas en mourir. Il lui doit la vie, et pourtant il est bien tenté de la maudire de tant de mystère. Quoi qu'il en soit, l'ombre de la nuit aidant, les bruits d'ailes et les cris des soldats finissent par s'éloigner. Il est temps.

Malgré les grimaces que lui arrache encore le fait de voler, avec son surpoids qui plus est, l'asmodien se dirige tranquillement vers Eiron et le cercle tempête. Sur le chemin la routine. Eviter quelques troupes de plumes blanches en vadrouille. Ne pas attirer l'attention des habitants des lieux, plus ou moins belliqueux, le temps de laisser passer l'ennemi, Etc … Le voyage touche rapidement à sa fin. Même si les douleurs de ses blessures ne font que s'amplifier avec le temps. Il tient bon.

Les voilà enfin sur place. Les bourrasques violentes du lieu et les roches qu'elles transportent n'arrangent pas son état général. L'endroit n'est pas bien grand, mais sa progression est chaotique et surtout douloureuse. Une chance qu'il n'ai pas à chercher le fantôme qui l'intéresse. Leiji lui ayant montré l'endroit précis où elle se trouve. A bout de force il se pose … enfin … se laisse tomber aux pieds de celle qu'il veut montrer à la jeune rodeuse, qui après vérification se porte toujours bien. Il ne sait pas encore ce qui vas se passer, mais il est sur que c'est le seul moyen pour faire avancer les choses, et trouver ses réponses. Avant qu'Elle, ne le trouve.

Les voilà donc, tout les deux allongés à même la roche, aux pieds de celle qui semble avoir des réponses. Ou tout au moins, capable de déclencher des choses … Plus qu'a attendre que la belle endormie se réveille. Epuisé, il ferme les yeux. Qu'importe le danger, il n'en peut plus et sombre presque aussitôt dans un sommeil réparateur.

Qui n’a jamais rêvé de chute, qui ne s’est jamais réveillé en ayant l’impression de tomber de son lit ? Shairya en était là, le noir complet autour d’elle, le silence, paisible un instant, la jeune femme ne ressent plus tristesse ni peur ni angoisse, rien. Plus rien ? non d’un coup c’est le brouhaha, l’impression de n’être maitre de rien, de voguer dans une barque laissée à volo sur la rivière de la vie, avec ses accélérations et ces moments de calme.

Elle chute, sans cesse mais ne se réveille pas, très étrange comme sensation car elle chute mais ne tombe pas, voilà un effet de ses songes qu’elle ne maitrise pas. Est-ce un rêve ou la réalité ? Tomber sans jamais chuter, n’est ce pas l’allégorie onirique de sa vie de Daeava ? Immortelle mais mortelle, renaissances après renaissances, elle chute mais jamais ne tombe.

Là, son âme touche quelque chose, ou quelqu’un..Encore une fois elle est trop ensuquée pour comprendre, mais ils sont trois, quatre avec Aion ? Par tous les saints où est elle, que fait elle ? Qui est là crie t elle en silence ! Elle est cahotée, ballotée, secouée…elle sent …non elle ressent une présence bienveillante et dangereuse à la fois…..ça tête tourne, non c’est son corps en entier qui tourne. Un cri, elle entend un cri….quelle douleur, quel déchirement…est ce elle ?? non elle n’a pas mal…..

Quelques fois elle ressent une piqure, un insecte ou une flèche elle ne réussit pas à déterminer l’origine de cette douleur. Rien de grave car elle ne se réveille toujours pas.

Angoisses, douleurs, pleurs et appels …..Tout tourne dans sa tête, plus rien ne va, plus de quiétude, plus de tranquillité. Son âme regrette les tumultes de cette barque sur cette rivière un moment plus tôt. Elle se sent épiée, pesée, touchée,…tous ces visages inconnus qui la regardent d’aucun avec envie, d’un autre avec horreur ou haine….

Le temps passe, les visages sont toujours là, l’esprit de Shairya se sent seule mais elle ne se réveille toujours pas alors que son ravisseur est endormi depuis quelques heures.

« Maman !! » crie t elle alors de toutes ses forces, en se mettant sur son séant . Un crie qui défie les éléments grondants autour d’elle, un cri mêlé de peur, de douleur et de joie.

Elle venait de voir le visage de sa mère, de Haven au milieu des spectres qui tournaient dans ses rêves

Il serait tellement facile de le tuer, des les tuer là maintenant en moins de temps qu’il en fallait pour le dire, en autant de manières qu’il y avait de fantômes dans ce maelstrom de roches. Mais non, elle ne pouvait s’y résoudre, pour plusieurs raisons d’ailleurs, la première étant tout simplement qu’elle n’en avait pas reçu l’ordre. Ou plutôt que ses instructions avaient étés toutes contraires à son idée de vengeance eut égard à la traitrise dont avait fait preuve son ancien élève.

Traitrise, ce mot là ne convenait pas se disait elle en observant les deux jeunes personnes allongées sur ce rocher. A les regarder comme cela dans un silence relatif, paisiblement endormis dans cet endroit improbable, on aurait pu croire à deux amants contre nature …et là encore le mot ne convenait pas finalement, pas des amants plutôt une fratrie étrange, un frère et une sœur discutables.

Lyrianna avait suivit son apprenti jusqu’à Sanctum, sans y pénétrer, elle n’en avait pas besoin elle se doutait bien qu’il en ressortirait. Pour autant elle avait été assez surprise de la façon dont il en sortit, et relativement admirative de sa maitrise de la flèche, cette descente quasi suicidaire en piquée pour accroitre la vitesse de vol mais augmenter ses chances de s’écraser au sol. Il s’en sortait pourtant honorablement bien que non sans douleur. Où donc avait il pu apprendre cette technique, pas au manoir c’était certain.

La Dame de Glace ne pu toutefois pas s’empêcher de penser que cette fuite désespérée laissait supposer que Leire avait du faire une maladresse quelconque fruit de son inexpérience. Il n’avait pas été très difficile non plus de les suivre le long de leur chemin qui les menait à la grande surprise de Lyrianna, au cercle des tempêtes. Que voulait-il faire là bas ? Et pourquoi emmener la petite en un tel endroit ? Quelle inconscience !

Ce qui emmena ses pensées de nouveau sur le mot traitrise qu’elle rapprochait de Leire. Pourquoi était il parti si vite du manoir si c’était pour retrouver ces Atreides et enlever cette enfant ? La Reine en savait bien plus qu’elle ne voulait bien lui en dire, quand elle lui avait interdit de s’en prendre à leur vie. Et Leire, avait il reçu un coup sur la tête pour emporter une si jeune fille dans un endroit aussi dangereux ? Là, elle était inconsciente et les âmes perdues du cercle ne la sentaient pas encore, mais dès que sa conscience reviendrait, ils voudront tous l’attaquer. Non pas que Lyrianna s’en souci vraiment, c’est surtout l’extrémité sentimentale où se trouvait Leire qui la préoccupait.

Elle ne pouvait toutefois pas laisser les choses ainsi, et décida donc de montrer à Leire qu’il n’était pas vraiment seul dans ce monde et lui rappeler que toute action entraine une réaction, une loi immuable de la vie. Elle s’envola donc du rocher où elle se trouvait pour piquer lentement et en silence droit vers cet étrange couple endormit.

Elle jeta un coup d’œil au fantôme de Haven avant de se poser délicatement près de Leire.

C'est une sensation étrange. L'impression de voler, ou plutôt non, de flotter dans l'air comme un nuage. En tout cas ce n'est pas désagréable. Voir même le contraire. Et cette chaleur qui s'insinue dans tout mon corps … C'est terriblement apaisant. En fait le plus étrange dans tout cela, ce n'est pas que je me sente aussi bien, mais plutôt que je ne cherche même pas à savoir pourquoi.

Pour une personne habituellement obnubilée plus ou moins par le contrôle de tout, qui lui permet de rester en vie, ou tout au moins d'éviter tant que faire ce peux les ennuis sérieux, tout ceci est plutôt incongru. Alors même que je ne sais pas ou je suis, ni si je dors ou si je suis éveillé. Mais étrangement, alors que cela devrait m'inquiéter au plus haut point, je me sens en sécurité. Finalement cela aussi devrait me rendre nerveux, personne n'est en sécurité nulle part, je suis bien placé pour le savoir !

En fait. J'ai carrément l'impression que la vie s'écoule dans mon corps. Je me sens en pleine forme. Plus de blessures, plus de douleurs, plus d'inquiétudes, plus de danger. Danger … il me semble bien pourtant que mes sens sont tous au rouge vif. Je devrais me sentir au bord du gouffre mais non. C'est presque effrayant à quel point c'est agréable.

Quelques voix font irruption dans ma tête. Des voix d'enfants, une femme, un homme. Des rires, des images de soleil et de foret, d'eau. Furtives. Des endroits qui me sont inconnus, mais que pourtant je reconnais. Puis d'autres images. Un petit cimetière caché à l'orée des bois, dans une clairière. 5 croix, 4 tombes. Puis une grande demeure, une auberge …

"MAMAN"

Un cri terrible me sort de ma rêverie. Mais je n'ouvre pas les yeux, je ne bouge pas. J'ai souvent constaté, et appris, que les yeux sont parfois de mauvais témoins de la réalité. Alors je hume, j'écoute. Je suis allongé sur de la roche brute. Un vent puissant semble faire danser un brouhaha de voix et de plaintes. Ou bien n'est ce que la plainte du vent lui-même qui se déchire sur le rocher, qui sait. Je perçois un corps à coté du mien. Mes esprits me reviennent presque instantanément. C'est la petite et je suis au cercle. Mais je me sens incroyablement bien … comment est ce possible.

J'ai l'impression d'être physiquement au mieux de ma forme, comme je ne l'ai jamais été. On dirait que mon corps tout entier demande de l'action tant il est rempli d'une énergie incroyable. Ce qui m'entoure devient palpable, même sans le voir.

C'est là que je l'entends, elle. Je ne suis même pas surpris qu'elle m'ait retrouvé aussi vite. Je reconnais le souffle de ses ailes dans l'air, presque imperceptible, et le bruit de ses pieds qui se posent en douceur sur la roche, à coté de nous. Et pourtant je reste serein, imperturbable. Serais-je devenu fou.

Les formes prennent corps autour de moi. Les yeux fermés, j'arrive toujours à les visualiser, sans doute encore un tour de magie. Je nous vois nous, moi et la petite. Je vois le fantôme de la Clerc, celle que l'on nomme Haven. Je vois aussi la Dame, je peux presque sentir son souffle. D'autres formes aussi, pas rassurantes, apparaissent désormais autour de nous. En un clin d'œil nous somment entourés. Mais de qui … je ne sais pas. Tout ce que je sais c'est que je n'arrive toujours pas à me sentir en danger. Pourtant la situation est loin d'être idéale. C'est un peu comme si le pire de mes cauchemars se réalisait. Une perte totale de la notion de danger !

…

Il c'est passé à peine 5 secondes depuis que la Dame c'est posée. Je m'assois lentement et Je pose une main sur l'épaule de la petite, délicate mais virile, je préfère qu'elle reste assise, pour sa sécurité. Puis je me tourne vers là où doit se trouver le visage de la Dame. Pour enfin ouvrir les yeux. Et elle est là, juste devant moi. Son regard est impassible mais je sais qu'il ne faut pas s'y fier. Elle ne laissera pas transparaitre quoi que soit, il est donc impossible de savoir ce qu'elle cherche vraiment, ni pourquoi. Mais un rapide coup d'œil me confirme ce que j'avais senti, nous ne somment plus seuls, un groupe de fantômes c'est formé autour de nous, dans le silence le plus total, à nous toucher.

Alors de nouveau j'ai cet affreux sentiment que les mots ne sont pas les miens. Les yeux calmement fixés dans les siens, j'ouvre enfin la bouche. Ma voix est calme, trop calme, posée, presque … c'est indescriptible.

"Vous avez fait vite, mais ce n'est pas une surprise. Pourtant … Quoi que vous ayez planifié à cet instant, cela devra attendre".
"Un jour, bientôt peut être, mais pas aujourd'hui".
"Il y a tant de réponses que je n'ai pas encore".

Le cœur battant encore une course folle dans sa poitrine, les sens engourdis par ce sommeil artificiel, la petite rodeuse se sent perdue. Elle ne sait pas où elle est, elle ne reconnait absolument rien de ce qui l'entoure, elle se sent flotter, elle entend des gémissements et des cris sans voir personne, le ciel semble vomir des roches en apesanteur et ce vent, un vent glacial et brutal.

La panique s'accentue quand elle n'aperçoit autour d'elle, que des ailes sombres, noires, des ailes asmodiennes. Le dernier sentiment qui l'habitait était l'espoir et à cet instant elle en manquait cruellement. Elle allait se relever pour observer mieux ce qui l'entourait quand le jeune homme avec qui elle avait partagé ce sentiment d'espoir et de joie lui posa une main ferme sur l'épaule l'empêchant de bouger.

De toute façon, elle était pétrifiée en voyant son visage, sa peau et son regard : Asmodiens tous, sans aucun doute. Et d’un coup tout s’accélère, des ombres les encerclent et elle reconnait la personne qui se tient devant eux, la vilaine méchante Dame de Glace !! Le jeune homme était il avec elle, contre elle ? Rien sur leur visage ne laissait transparaitre le moindre sentiment, aucun d’entre eux n’avait sortie une arme, ils semblaient immobiles, figés dans l’espace et le temps, alors que le danger semblait arriver de toute part. Shairya serrait les dents, elle était en colère contre elle-même, contre lui, elle avait peur.

Pourtant, cette main sur son épaule lui semblait rassurante, aussi absurde que cela puisse lui paraitre et dans un élan elle se tourne vers son ravisseur et protecteur se blottissant contre lui, la tête cachée contre sa poitrine.

S’en était trop pour elle, ne sachant pas qui elle devait craindre le plus, les spectres qui les entouraient, la Dame de Glace, le lieu en lui-même ? Elle avait encore à l’esprit le cauchemar qu’elle venait de faire sur sa mère, la tristesse de la mort de Ruby, les sentiments confus et violents de revoir ses amis à l’auberge de l’astre, l’espoir mêlé d’appréhension à la rencontre de ce jeune homme. Que quand la chaleur émanant de cette main virile mais presque tendre à la fois vint inonder son épaule et cette façon de parler si familière toucha son esprit, elle fut submergée d’une bourrasque de sentiments étranges et contradictoires qu’elle n’y réfléchit pas et se tourna vers Leire, en total abandon, tournant le dos à la plupart des dangers environnants.

"MAMAN"

Ce simple mot lui glaça le sang, arrêtant une fraction de seconde sa délicate descente vers son inconscient apprenti. Durant cet infime instant, Lyrianna sent son pouls s’accélérer et son cœur s’arrêter, même si physiologiquement c’est impossible. Une fraction de seconde pour analyser une situation qui tourne en sa défaveur, un instant fugace qui suffit à réveiller Leire et alerter les spectres du cercle des tempêtes. Maudit soit cette gamine veillée par les dieux ! Mais également une éternité éphémère qui la ramène des années en arrière où ce simple mot remplaçait Lyrianna. Ce n’est pas simplement le mot, c’est le ton, c’est l’angoisse que l’on ressent derrière, c’est l’amour qui filtre, qui transcende l’élémentaire agencement des lettres qui forment le mot maman.

« Ressaisis toi et anticipe » lui dicte sa raison. Cet écart lui coute l’observation de Leire, elle ne voit pas qu’il est en fait réveillé, sa respiration avait changé et ses sens étaient en éveil depuis le cri de la petite. « Quelle idiote » se fustige t elle en pensée. Mais il est trop tard et leurs regards se croisent, il prend la parole d’un ton qui ne lui appartient pas d’habitude.

Lyrianna a de nouveau la maitrise de son corps et de ses pensées, elle voit bien alors qu’elle n’est pas la seule à être surprise par ce qu’il dit. Encore qu’il ne s’agisse là pas moins des mots que du ton employé. Dans son regard elle observe une ombre fugace, une légère étincelle qui prouvent que Leire est perturbé.

Bien sur son mouvement vers la jeune rodeuse ne lui échappe pas, il la protège ! En revanche la réaction de la jeune femme lui échappe totalement, mais l’heure n’est pas aux questionnements mais à la survie car les spectres attaquent en masse.

Il ne lui faut pas plus de 5 secondes supplémentaires pour dégainer ses deux dagues et prendre son envole afin de se mettre en position pour terrasser les assaillants, pourtant elle garde une partie de son attention vers Leire, qui bien qu’entravé par sa protégée reste un danger potentiel qu’il ne faut pas négliger.

Bon sang mais … Mais qu'est ce qu'elle fait ! C'est ce à quoi je pense à l'instant même où la petite rodeuse se colle contre moi. Et pourtant là encore, mon esprit est torturé. Mon premier reflex normal aurait du être de jeter cette entrave loin de moi, et de me préparer au combat qui s'annonce. La Dame elle est déjà prête au combat, et je gage que même nombreux, ces fantômes ne seront pas assez forts pour la vaincre, tout au plus la retenir un certain temps. Et puis … qui m'assure que ces fantômes qui nous encerclent ne sont pas là aussi pour moi. Mais mon corps refuse de réagir. C'est très effrayant de ne plus se sentir maitre de soit même. Toujours ce sentiment de sécurité et de plénitude qui m’envahit.

Mais à cet instant, je commence à comprendre ce qui m'arrive. Tout au moins, une ébauche d'explication naît dans mon esprit. En réalité, si une part de moi ne réagi plus comme d'habitude, c'est parce que je laisse faire. Je ne sais pas comment c'est possible, ni si j'ai raison ou non de laisser cette femme, ce fantôme, lire et parler en moi. Mais si je suis là, c'est pour avoir des réponses. Et la présence de la Dame de Glace me conforte dans l'idée que le temps n'est pas ce dont je dispose le plus. Alors inconsciemment, j'accepte ce que je ne peux expliquer, pour en échange, apprendre. Savoir enfin cette vérité qui me hante la nuit, tout au long de mes visions.

Les fantômes sont maintenant collés à nous, et nous encercle tous les trois. Alors, comme un seul homme, au moment précis ou l'attaque sauvage aurait du avoir lieu, ils se tournent. Formant ainsi une sorte de Rempart. Pour l'instant, ce qui m'importe c'est de rester en vie. Et même si tout ce qui ce passe en ce moment me déroute et m'effraie, je préfère encore cela à la mort certaine qui m'attend quelques mètres plus haut, au dessus de nous, drapée dans ses ailes noires. Aussi improbable que cela soit, rester ici sans bouger est pour le moment le moyen le plus sûr de rester en vie. Instinctivement un de mes bras se referme sur la petite et l'enserre.

Avant de comprendre tout ça, il va falloir tout d'abord régler la question de la mort qui rode si proche. Et si ma vie à moi m'importait plus que tout, un sentiment diffus et incontrôlable m'incite aussi à protéger la petite. Je me demande si je n'ai pas trouvé ici plus de questions que de réponses …

Pendant tout ce temps je n'ai pas lâché la Dame des yeux, elle non plus d'ailleurs, même si on pourrait le croire. Si j'ai encore un doute sur le moment où cela vas arriver, je n'ai depuis belle lurette pas de doute sur ses intentions finales. Et se sentiment de sécurité qui m'oppresse autant qu'il me rassure. C'est alors que de nouveau des mots sortent de ma bouche. Le ton est toujours aussi calme et assuré, presque … imposant.

"Dame de Glace, comprend que le jour n'est pas encore venu. Tu auras tellement d'autres occasions pour cela. Range tes armes et aucun mal ne te sera fait."

Il ne l'avait jamais appelé ainsi auparavant. Elle l'aurait puni pour ca. Et aussi surprenant que cela paraisse, Il ajoute à l'attention de la petite qu'il serre maintenant de son bras.

"Ne crains rien, pour l'instant tu ne risque rien".

La fuite et l'aventure qui avait suivi, sans parler de sa rencontre avec les Atreides avaient eut une influence certaine sur Leire, il était différent, très différent. Mais la façon qu’il avait eu de s’adresser à elle, était bien trop impertinente pour laisser Lyrianna dans le doute.

Ce n’était pas lui qui parlait, ce n’était pas lui qui agissait. Jamais il n’aurait osé l’appeler ainsi, il avait vu ce qu’Aliona avait subi le jour où elle s’était aventurée à le faire et jamais au grand jamais il ne se serait amusé à la tutoyer. Sans parler de ce geste envers la petite, protéger au détriment de sa propre sécurité, voilà un noble geste très loin des prérogatives du Leire qu’elle connaissait.

Quant à la tournure des événements qui s’enchainaient devant elle, Lyrianna ne su l’expliquer. Elle n’était pas magicienne et encore moins nécromancienne, elle ne savait pas ce qui pouvait dicter aux morts et aux spectres, pourtant là ils obéissaient de toute évidence à quelqu’un pour se mettre en cercle autour de ces deux êtres, le tournant le dos pour lui faire face à elle. La Dame de Glace les connaissaient bien pourtant, elle savait à quel point ils étaient couards, leur mode d’attaque était pourtant simple, ils repèrent la cible la plus faible et foncent dessus ensemble pour ne lui laisser aucune chance, puis enchainent en remontant sur l’échelle du danger. Et là, en toute honnêteté, elle était sans doute la plus dangereuse, jamais ils ne devraient se tourner vers elle en premier.

Son regard scruta les corps et les fantômes, cherchant celle qui devait être à l’origine de tout cela, car cela ne pouvait être qu’elle, cette clerc que l’on nommait Haven ! Elle se souvient de leur conversation le jour elle la tua. La clerc lui avait tenu un étrange et incompréhensible discours sur le fait que ces morts avaient quelque chose à nous dire, quelque chose à nous enseigner. Ne réussissant pas à la trouver, elle prit le parti de ranger ses armes en s’adressant à tous et personne en même temps. Dans le mouvement, elle alla se poser sur un autre rocher, un peu plus haut, ne pouvant pas voler indéfiniment.

« Montres toi alors et cesse donc de jouer avec la vie dont tu ne fais plus partie. Je n’ai cure de la jeune fille, c’est lui qui m’intéresse et il ne te concerne en rien »

Elle savait bien qu’il n’en était rien, sinon pourquoi l’aurait elle choisie lui, mais en revanche elle semblait pouvoir ordonner aux spectres du cercle des tempêtes, et même s’ils ne représentaient pas un réel danger pour Lyrianna, ils étaient légion et elle ne voulait pas de ce combat inutile et chronophage.

Pourquoi cette accolade lui apporte un réconfort salutaire, comment ce contact si intime avec un homme lui donne du courage, Shairya n'en sait rien et à cet instant précis elle n'y réfléchit pas, elle sait seulement qu'elle est bien contre lui, sentant son coeur battre à un rythme étrangement calme, alors que le sien bat à tout rompre. Elle sait que que cette poitrine qui se gonfle d'air lentement et cette main toujours contre elle la rassure, elle est bien ici, malgré tout ce qui se passe autour d'elle.

Bien sur ce sentiment d'apaisement ne dure pas plus de 10 secondes, car les choses bougent, elle le sait grâce à la tension qu'elle ressent sur les muscles de Leire qui se tendent légèrement.

La curiosité très certainement lui fait lever la tête et la tourner vers l'exterieur de ces bras protecteurs et ce qu'elle voit la sidère; les spectres les protègent contre la Dame de Glace, hallucinant !

Elle n'a bien sur rien compris de ce que Lyrianna avait dit et elle ne savait pas à qui elle s'adressait évidemment. Comment aurait elle pu d'ailleurs. Mais elle rassemble ce qui lui reste de courage et sans bien comprendre pourquoi elle s'adresse à son ennemie, toujours contre Leire, ne réussissant pas à se détacher de lui.

" Méchante Dame de Glace, je ne sais pas ce que vous nous voulez, mais même la mort ne veux pas de vous ! alors partez s'il vous plait, laissez nous en paix !"

Elle avait son air farouche, celui qui lui faisait briller les yeux et retrousser son petit nez, en aucun cas elle n'aurait du avoir une telle influence sur Lyrianna, son visage bien trop aimable ne faisait peur à personne, bien au contraire. Et pourtant...

" Soit, il semble qu'il se trame ici quelque chose qui ne me concerne en rien. Je vais m'en aller et vous laisser .....en famille ." dit elle un petit sourire pincé sur les lèvres

Lyrianna pensait avoir comprit ce qui se passait ici mais ne souhaitait pas se mettre plus en avant que cela, elle avait plus l'habitude de rester dans l'ombre. Encore une fois, les évènements donnaient raison à sa Reine, les atreides et leire avaient quelque chose de particulier. Il était temps de rejoindre son domaine, et de faire un rapport sur tout ceci. Sans parler des ombres grandissantes qui planaient non loin d'eux, pas encore menacantes mais qui ne tarderaient pas.

"je suis en dette envers vous, Dame Atreides alors je vous laisse. Quant à vous Leire, ne croyez pas que ces artifices vous sauverons éternellement, profitez bien de votre petite amie, nous nous reverrons."

Elle rangea ses dagues et prit le temps de sortir un parchemin qui la ramenerait chez elle.

Shairya mi surprise mi soulagée, se tourna alors vers Leire, toujours accrochée à lui, plongeant ses yeux dans les siens et lui demanda "mais....qui etes vous ?" de sa petite voix fluette.

La réaction de la jeune rôdeuse le prend au dépourvu. Même si son esprit visiblement embrumé lui impose le calme et la sérénité, alors que le danger est on ne plus présent, il reste une part de lui prête à bondir dès que possible. Et comme si cela ne suffisait pas à son trouble, la Dame ce décide à rebrousser chemin. Par quel miracle ses choses sont elles possibles. Ceci dit, L'assassin ne se fait pas d'illusions, plus tardive sera la vengeance, et plus cruelle elle sera aussi, d'ailleurs elle ne s'en est pas caché. Mais qu'importe au final. Le seul point important c'est qu'ils sont en vie !

"mais....qui etes vous ?"

Il est vain de vouloir compter le nombre de sentiments divers et confus par lesquels Leire est passé depuis 2 ou 3 Heures. Tout comme il lui semble vain de tenter de comprendre ce qui vient de se passer. Mais là … trois mots. Trois mots de cette petite à l'aspect si inoffensif et enfantin, et la terre s'ouvre sous ses pieds. Il est difficile d'expliquer la chose. Il existe tellement de manière d'entendre les mots, de les comprendre aussi. Leire sait qui il est, où plutôt qui il veut devenir. Il veut être aussi puissant qu'elle, devenir son égal, et qui sait …

Mais ce n'est pas cela qu'entend Leire à cet instant. Qui sait. Peut être est-ce la façon de prononcer les mots. Le ton aussi … Mais à la question qu'il vient d'entendre … il n'a pas de réponse. C'est la raison de son immobilisme soudain. Trois mots et le voilà figé comme une statue, comme planté en haut d'une falaise avec le vertige, … ne pas tomber. Non, il ne faut pas tomber dans ce piège. Est-ce si innocent que cela, ou bien cette petite est elle aussi dangereuse que la Dame finalement, mais pas pour les mêmes raisons. Il n'en sait rien.

Il faudra bien 30 secondes pour qu'il se remette du choc. Toujours tenant la petite de son bras. Les yeux rivés dans le néant, incapable du moindre mouvement, tant son cerveau est occupé à trouver une réponse qu'il sait ne pas avoir. Est-ce lié à ses visions, à sa quête de vérité, qui sait. Si lui ne sait pas qui il est, il n'en sait pas plus pour elle en fait. Voilà tellement d'année qu'il ne vie que par et pour les apparences et la force.

Son esprit se libère lentement. Enfin libre il se tend comme la corde d'un arc. Mais malgré toute cette tension soudain libérée, il se dégage sans brusquerie de la petite, reste un instant accroupi à coté d'elle, ses yeux fixés dans les siens. Mais rien. Il ne trouve rien que de l'innocence. Comment une telle chose pouvait elle encore exister. Il la scrute, plonge dans son regard, tente de pénétrer son âme, mais à nouveau il ne trouve rien. Alors il se sent soudain aussi impuissant que devant ses visions de cette Clerc. Comme si les deux femmes avaient dans leur âme la même transparence, la même innocence, et le même soleil, celui qui réchauffe les cœurs.

Pourtant maintenant il le sent. Il a retrouvé le plein contrôle de lui-même, enfin libre de penser, d'agir à sa guise, et en plus il est en vie. Il n'aurait pas parié là-dessus 10 minutes plus tôt. Qui il est vraiment, en effet il n'en sait rien, mais qui il est dans son esprit ça il le sait. Et L'assassin entrainé reprend rapidement le dessus. Non pas qu'il a l'intention de nuire à la jeune femme. Mais ses idées et son discours sont de nouveau sous contrôle, et il est bien décidé à poursuivre sa quête. C'est alors que vient le flash.

Il n'a pas la réponse. Mais son but présent est simplement de faire en sorte que la petite prenne conscience de certaines choses, quoi, il ne sait pas encore exactement. Alors la solution est évidente ! C'est tellement simple. Un léger sourire rassurant fend son visage. Celui qu'il offre quand il tend vers ses méthodes peu recommandables, mais les seules qu'il connaisse et maitrise. Se voulant rassurant, il prend la main de la rôdeuse dans la sienne, un peu comme le ferait un ami, ou un frère. Puis il s'assure que le ton de sa voix soit calme et presque doux. Enfin lentement il tend son bras pour indiquer une direction très précise.

"Peut être que elle le sait ?"

S'il ne savait pas que cela est impossible, il aurait juré à cet instant voir perler une larme sur les joues du fantôme.

"Maman".

La première fois qu'il a entendu la petite crier ce mot, il ne s'en était pas préoccupé le moins du monde, toute son attention portée sur le danger imminent que représentait la Dame. Même s'il ne serait pas surpris de ce rendre compte qu'elle ou un de ses sbires les espionnent de loin en se moment même. Par la suite, il a retrouvé ses esprits, et s'en est pris de nouveau sournoisement à cette pauvre petite, pour obtenir les informations qui lui manque. Et comprendre enfin ses visions.

Visiblement la pauvre a eu bien du mal à retrouver ses esprits, ne comprenant pas de suite ce qu'il essayait de lui montrer. Et puis elle le prononce pour la seconde fois. Quand elle se rend compte … enfin. Mais là, quelque chose se passe au plus profond de l'assassin. Quelque chose que … même sans se le dire consciemment, il fuit depuis sa plus … agitée enfance. Les sentiments.

Cette fois elle ne crie pas. Cette fois elle ne pleure pas, ne tremble pas. Elle le prononce comme à bout de souffle, interloquée. Elle semble partie dans un autre monde, comme s'il venait de lui arracher la vie, mais sans tuer son corps. Et il devrait s'en moquer comme de sa première chemise. Mais alors pourquoi son esprit lui hurle de reprendre le dessus, de redevenir lui-même. En réponse la question résonne à nouveau dans sa tête, "Qui êtes vous". Elle se répète en rebonds contre les parois de son crane, brisant des portes fermées à double tour.

En un seul mot, la jeune rodeuse venait de faire une brèche dans des défenses construites depuis si longtemps. Quel était donc ce pouvoir si immense qu'il est capable de lézarder une volonté féroce. Si puissant qu'en un seul souffle, court, il balaye des années de damnation. Leire ne se rend pas compte de ce qui arrive. Une seule chose s'impose à lui en cet instant. Plus rien ne sera pareil désormais. Il ne sait pas pourquoi, mais il en est certain.

Dans un bruit sourd il déploie ses ailes, attrape la petite par la taille de son bras droit, et s'envole.

"Viens, il ne faut pas rester là"

La jeune femme toujours sous le choc ne réagi pas trop. Quelques minutes suffisent à l'assassin pour quitter cet endroit sordide et rejoindre une hauteur sur laquelle ils seront tranquilles. Tranquilles pour quoi … à sa place, aucun doute, il se jetterait sur son kidnappeur pour l'égorger. A ce stade, il n'est même pas sûr de ne pas le souhaiter. Elle ou la Dame, quelle importance. Pourtant il devait savoir … avant.

Par reflexe il se met à quelques pas de la rodeuse. Quand il s'en rend compte cela le fait presque sourire. Puis il la regarde droit dans les yeux pour lui parler enfin. D'un ton calme et qu'il voudrait détacher, mais qui masque difficilement son émoi.

"Les autres ne t'avaient pas prévenue ?"

Décidément … comme d'habitude, rien ne fonctionne comme prévu. Et ça continue! Cette jeune rodeuse ne lui épargnera rien. Il semble qu'elle ne le fasse pas exprès, mais cela ne change rien. Impossible de prévoir ses réactions tant elles sont … hors du temps. Comment une telle personne pouvait elle exister, et même vivre dans ce monde. Et pourtant il devait se rendre à l'évidence, cela existe. Et la voilà qui recommence avec sa question !

Il aurait tellement aimé la voir se mettre dans une colère noire, tenter de le tuer, puis foncer vers l'auberge pour régler des comptes avec ses soit disant amis, les Atreides. Là il aurait su quoi faire, comment agir, comment tirer parti de la situation. Mais non, ça aurait été trop simple …

A la place, elle se tient là, devant lui, aucune agressivité dans le regard ou la voix, perdue visiblement, confrontée à un monde qui lui échappe partiellement. Du coup monte en lui un sentiment qu'il déteste par-dessus tout. La compassion. Il sait que cela causera sa perte, mais rien n'y fait, son visage, son regard, tout en elle le déstabilise. Elle est vraiment trop naïve, trop gentille, trop perdue. Peut être un trait de caractère de sa mère, la mage. Et voilà où cela mène.

Quoi qu'il en soit, il est évident que rien de ce qu'il avait prévue ne fonctionne avec elle. Il va donc falloir passer à autre chose. Il n'a toujours aucune réponse, et encore plus de questions. Il va devoir faire un choix. Soit il la brutalise, au moins moralement, et il est évident qu'il lui sera facile de lui faire encore plus mal, en enfonçant le clou … mais si elle ne réagi pas, il la perd à jamais. Soit … il entre dans son jeu, et lui laisse du temps, mais là, c'est en espérant ne pas lui-même sombrer dans cet enfer de bons sentiments. De plus, le temps n'est pas ce qu'il possède le plus, maintenant qu'il est certain que la Dame est déjà sur lui. Probablement en train de les espionner, à minima.

L'autre inconvénient de la seconde solution, c'est qu'il n'avait pas prévu non plus devoir marcher sur ce chemin si étroit et dangereux, qui le mènerait inéluctablement, à la moindre faille, à devenir un autre que lui, et à en mourir. Pourtant … il la regarde, et visiblement, la secouer encore plus, lui semble de moins en moins un bon choix. Ne reste plus qu'à entrer dans son jeu, mais le chemin est escarpé.

Toujours à une distance raisonnable, on ne sait jamais. D'un ton calme et qui ne trahi aucune émotion, comme il sait bien le faire. Il laisse son regard baisser en intensité, mais toujours fixé dans les yeux si clairs de la jeune femme.

"En réalité … je ne sait pas".
"Je suis en quête de réponses".

Hum … bateau. Cela ne suffira pas à attirer son attention, capter son intérêt. Il faut que j'en dévoile un peu plus …

"Je vois des images dans ma tête".
"Des images de cette mage la bas". Désignant le cercle tempête.
"Des images de tombes à l'orée d'une clairière, sommaires mais toujours fleuris".

"Et je voudrait savoir …"

Maintenant il va savoir si cette solution était la bonne. Si elle ne réagi pas, il sera toujours temps de changer de stratégie !

Ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui est en proie à des sentiments aussi forts que ceux qui traversaient l’âme de shairya à cet instant, nul ne le sait. Probablement, d’ailleurs, que chacun réagit à sa façon, selon son histoire, son caractère et la situation.

Là, la petite rodeuse focalisa son attention sur un mot, un seul. Ce mot aidait son cœur dans le dénie de la situation, lui permettait de s’accrocher à l’espoir que tout ceci n’était qu’un malentendu, que le visage qu’elle avait vue, entre-aperçu même, n’était pas celui de sa chère mère, de la douce Haven.

Jamais il ne serait venu à l’esprit de qui que se soit de définir Haven comme une mage. Elle était une mère aimante, elle était l’amie par excellence, elle était l’aide de camp parfait. Et par Aion elle était une prêtresse ! Non cela ne pouvait pas être elle, se répétait Shairya en marmonnant, toujours en faisant non de la tête, lentement, un infime sourire d’espoir se dessinant sur ses lèvres roses.

Seulement voilà, l’esprit de la jeune fille finit par prendre le pas sur son cœur et à lui assener le coup de grâce en il lui montra en image ce que l’homme en face d’elle lui décrivit comme ses songes ; la tombe fleurie à l’orée de la clairière !

« Par tous les saints et par Aion comment pouvez vous connaitre cet endroit ! » lui dit-elle en tombant à genoux devant lui, les mains jointes en prière, le regard levé vers lui, larmoyant.

Ses mots sortaient de son ventre comme une flamme, lui brulant les entrailles, traversaient sa gorge comme un flot acide rongeant ses cordes vocales et terminaient dans l’air comme un nuage pollué, lui brouillant la vison et lui tournant la tête. Les souvenirs montaient, affluaient, son corps avait de plus en plus de mal à soutenir l’implacable douleur qu’elle ressentait à cet instant, la confusion des sentiments opposés qui la bouleversaient, les questions qui survenaient à une vitesse vertigineuse. Tout ceci, n’importe quelle personne douée d’un peu d’empathie, le voyait comme dans un livre ouvert dans les larmes qui perlaient sur ses joues, dans les étoiles qui étaient revenues dans le vert émeraude de ses yeux, dans la moindre parcelle de son visage.

Leire soupire légèrement. Ce n'est pas qu'il ne comprenne pas ce que cette jeune femme si sensible … à priori, doit ressentir, encore que … Mais là, la situation devenait ridicule. Il en arrivait même à se demander s'il existait d'autres options que la compassion totale ou le retour de la demoiselle en express via l'Ether … Choix difficile. Mais puisque visiblement il n'en tirerait rien …

D'un autre coté, vu le mal qu'il s'est donné pour en arriver là … ca serait quand même dommage de tout foutre en l'air. Pourtant il doit bien le reconnaitre. Autant il a été formé pour luter contre les méchants et les soldats, et bien formé ! Autant contre ce genre de personne, qui ne devrait même pas exister … il va devoir improviser. Alors devant le triste spectacle de cette jeune femme visiblement très … secouée, il se met à réfléchir à la meilleure solution.

[il cherche et il reviens quand il a trouvé :p]

Shairya se souvenait de ce jour où elle et sa mère étaient allées voir les tombes derrière la forge du père de Falkhen. Un jour particulier pour chacune d’entre elles, un jour où Haven fit sont deuil, un jour où elles partagèrent un moment fort, un de ceux qui constitua par la suite un ciment entre leurs âmes, de mère et fille adoptive.

Elle se souvenait très bien du visage de celle qu’elle nommait à l’époque la Douce Dame Haven, avec une au fond du cœur un amour grandissant sans cesse pour celle qui fut le phare de son existence, un pilier inébranlable et une source de joie inépuisable.

Et c’est en revoyant ce visage, ni beau ni laid, tantôt souriant tantôt grave, mais toujours ce regard aimant et chaleureux que Shairya cessa de pleurer, se redressant lentement en regardant l’homme devant elle, à priori en proie à une intense réflexion. Elle prit un instant pour regarder autour d’elle, un paysage ravagé qu’elle ne connaissait pas, mais au fond d’elle, elle savait qu’elle n’était pas en danger alors elle avança ver lui, d’un pas lent et léger.

Elle s’adressa alors à lui d’un ton chaleureux, sans haine, sans tristesse, emplit de cet amour qu’elle avait pour la vie, le monde et les gens, ce sentiment qu’elle avait apprit au contact de sa tendre mère.

« Monsieur, je ne sais si ce que vous me dite est vrai, et pour tout dire cela n’a pas d’importance, mais si vous m’avez amené ici, contre vents et marrées, contre cette vilaine Dame de Glace, contre les éléments, vous deviez avoir des raisons sérieuses. » elle s’arrêta un instant pour l’observer « vous êtes même allé jusqu’à la cité des Elysiens pour me récupérer, n’en déplaise à la garde, je suppose que vous imaginez que j’ai des réponses pour vous » elle fit non de la tête « je ne suis personne, je ne suis qu’une simple rodeuse, une jeune fille à qui Aion à confiées une paires d’ailes dans son infinie bonté et sa perspicace sagesse… » un sourire malicieux passa comme une ombre sur son visage « où son éternelle espièglerie »

Elle soupira légèrement et fit un pas pour terminer les derniers centimètres qui la séparaient de Leire et lui prit les mains dans les siennes.

« Ne vous tourmentez plus, je vais faire de mon mieux pour vous répondre »

Elle s’arrêta encore, son visage se crispa les mâchoires serrées et prit une grande respiration afin de reprendre contenance, ce qu’elle allait dire lui coutait énormément.

« La Dame qui se trouve en bas, n’est pas une mage, c’est….c’était….c’est…. » elle secoua la tête ne voulant pas que les sentiments reprennent le pas sur sa raison « une prêtresse du nom de Haven, ma mère. Mais je ne sais pas ce qui lui est arrivée, je ne comprends pas car cela n’est pas dans la nature des choses, mais si elle vous apparait en songe, alors c’est probablement parce qu’elle veut vous dire quelque chose. »

Elle s’arrêta de nouveau pour respirer et reprendre encore un peu de courage.

« Qu’attendez-vous de moi ? » finit elle par lui demander, légèrement tremblante.

Sa décision est prise. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Et même si les événements récents tendent à lui prouver qu'il est loin d'être aussi préparé qui le pense, lui doit avancer. Il ne comprenait pas encore vraiment tout ce qui venait de ce produire. Mais une chose semble évidente. Cette petite est sous le coup d'un choc visiblement terrible. Et dans cet état, il semble bien qu'elle ne puisse plus lui servir à rien.

Après tous ses efforts et ses risques … Mais après tout. Les réponses ne tombent généralement pas du ciel sans efforts. Sa seule option est donc d'être tenace, de ne pas perdre son objectif de vue, et de continuer d'avancer comme il pourra. Et pour cela, la petite rôdeuse défaite qui se trouve devant lui n'est plus utile. Il semble pourtant qu'il puisse lui rendre un double service. Lui donner un second choc qui la "Réveillera " peut être, et lui évitera de mauvaises rencontres en chemin. Le retour vers POETA n'étant pas sans risque.

Mécaniquement, les deux mains de l'assassin se posent sur les manches de ses dagues. Il sait être rapide et ne pas générer de souffrance, quand cela est nécessaire. Elle ne sentira rien, et se réveillera quelque part, dans un endroit où elle sera en sécurité. Cette remarque qu'il se fait l'étonne, en principe il devrait se moquer de la suite pour elle, mais il ne peut se résoudre à traiter cette espèce de personne si rare comme n'importe qui.

C'est à cet instant que quelque chose change … son regard, son visage même. Comme si une lumière soudaine venait éclairer son regard émeraude de nouveau. La voila qui parle … presque normalement, posément. Quel changement ! Les mots s'enchainent avec une conscience de la réalité des événements et une justesse qui le prendrait presque de court. La voilà qui fini presque par lui parler comme si c'était lui qui était perdu, et dont il fallait s'occuper. Mais si dans un sens c'est un peu vrai, c'est aussi un peu fort. Mais qu'importe, si elle parle, il va peut être avancer !

Mais voilà que c'est elle qui avance … et vers lui directement. Par réflexe les mains de l'assassin se crispent sur les dagues, prêt à tout. Il ne comprend pas pourquoi il ne se sent pas en danger, mais cela ne l'empêche pas de réagir par instinct. La voila qui pour finir pose ses mains sur les siennes. Elle semble elle aussi en proie à de nombreuses questions. Remarque, c'est un peu dans ce but inavouable qu'il l'a menée ici. Quelques révélations plus tard, … enfin des mots qui le font réagir pour de bon.

« Qu’attendez-vous de moi ? »

Il se sent soudain une aisance inconnue, voir crainte, à parler de sa quête. Mais il reste d'un calme sans faille. Les yeux couleur terre plongés dans ceux de la rôdeuse.

"Quelques informations, pour répondre à des interrogations."
"Pourquoi cette … Prêtresse, Haven, m'apparait en songe."
"Quelle est cette clairière que ses images me montrent."
"Et surtout, quel peut bien être le lien entre vous, les Atreides, que la Dame de glace surveille, et moi."

"Et pour vous prouvez ma bonne foi, je ne sais pas ce qui est arrivé à votre … mère. Mais vos amis le savent".

C'était déjà bien assez, voir bien trop. Inutile de préciser que la Dame fût son entraineur durant de longues années. Cela ne semble pas judicieux. Inutile non plus de dire que c'est la rôdeuse, Leiji, qui l'a conduit ici. Elles auront bien le temps de régler leurs comptes. Inutile non plus de préciser que ce n'est pas juste en songes que la prêtresse lui apparait. Inutile non plus de parler des autres apparitions, des sons, des voix, des images d'enfants, des images de joie … Et puis il ne sait pas grand-chose sur elle, qui sait si en dire trop ne vas pas nuire à sa recherche …

"M'aiderez-vous ?"

Il ne la connait pas encore vraiment bien, mais il est presque sûr que cette simple demande aura un écho chez cette petite. Il le parierait !