Apprentissages

Shairya regarda Haven, les flammes avaient disparues pour laisser place à une incompréhension totale.

Sans lacher les mains de la clerc, elle secoua la tete de gauche à droite, vivement.

"non, non je ne comprend pas...non"

La Clerc accentua la pression sur les mains de la jeune femme. Tentant peut être ainsi de garder le contact, et la maitrise des événements.

« Ce n’est rien Shairya, calme toi voyons ».
« Je t’expliquerai cela plus tard si tu le désire, mais il est important qu’on en reparle un jour».

Puis elle essaya, comme ils étaient réunis de nouveau, de recentrer la discussion sur l’histoire de Shairya.

« Mais en attendant, parle nous encore de la Cime Sacrée, et de ta vie la bas »
« Tu nous en dis si peut pour le moment »

Tout en parlant, elle l’invita silencieusement, en tirant délicatement sur ses mains, à se rassoir à coté d’elle.

*BOUM*

La main de Falkhen venait de s'applatir sur le table, faisant trembler faiblement les tasses et autres verres d'alcools qui y trainaient encore en cette heure avancée de la nuit.

- " Pourquoi plus tard Haven ? Je pense que la cime sacrée peut attendre... "

Le templier se tourna vers la jeune fille blonde.

- " Je vais te dire ce qu'il en est pour moi Shairya. Alors que je n'étais pas plus agé que toi aujourd'hui, mon village a servit de champs de bataille pour les daevas. Asmodiens et Elyséens ont défendus leur idéaux, détruisant dans l'indiférence totale toute ma vie en un instant.

Je n'en veux pas aux daevas. Ils se battaient ce jour là à cause de leurs différences. Ces différences sont la conséquence directe de la destruction de la tour d'éternité. Atréia, qui se meurt chaque jour en est aussi l'une des expressions les plus évidentes. Et tout ça nous le devons aux balaurs et à leur désir de pouvoir et de destruction. "

Falkhen se retourna alors vers Haven, les dents serrées par la colère mais le regard n'exprimant que de la detresse.

- " Alors non, Haven... Moi non plus je ne comprends pas pourquoi il faudrait agir sans haine... Pourquoi il faudrait que je réfrène cette envie, quand je rencontre un balaur dans les abysses, non pas de tuer, mais de le faire souffrir mille morts avant qu'il rende son dernier souffle... Explique nous à tous... Il est important qu'on en parle maintenant. "

Shairya, évidemment, sursauta à l'intervention de Falkhen. Quand il se tourna vers elle pour lui parler, instinctivement elle serra un peu plus entre ses mains, celles de Haven qui étaient son phare dans les nuits de sa nouvelle vie.

Et là, manifestement quelque chose s'était passé dans le cœur et l'esprit de l'homme devant elle, et elle ne savait pas quoi exactement, mais cela devait être un souvenir terrible que le discours de Haven avait fait ressurgir à en croire sa réaction vive et surtout la tension de tous ses muscles.

Quand elle apprit que lui aussi avait perdu des êtres chers à cause ...à cause....mais par Aion ...à cause de quoi ?!! se disait-elle. Les balaurs…non …il n’avait pas parlé des balaurs….oui ils étaient l’origine de bien des maux, ceci était un fait établit, une certitude…mais….

Les paroles de ses amis raisonnaient dans sa tête, Asmodiens et Elyséens, guerre….Asmodiens et Elyséens….perte d’êtres chers.. Asmodiens et Elyséens…La réunification avec les Asmodiens…la guerre……..à cause de leurs différences…La haine ne fait que générer la haine…..de le faire souffrir mille morts….les Asmodiens qui ont détruit mon village…. Asmodiens et Elyséens

Tout cela n’avait aucun sens pour la pauvre Shairya, elle était perdue dans ses pensées, machinalement elle s’était assise prêt de Haven, légèrement crispée. Mais elle n’y tenait plus, elle ne comprenait pas…elle se leva d’un coup, lâchant les mains de sa protectrice, serrant ses petits poings de nouveau….

« mais…mais…. » Elle avait du mal à articuler, tant de douleur, de détresse étaient palpable dans cette pièce. Et à en noter les visages de tous les atreides présents, même ceux muets depuis le début, elle sentait bien que les discours d’Haven et de Falkhen avaient trouvés un écho dans leurs cœurs et réveillé leurs douleurs anciennes, son empathie le lui soufflait et l’empêchait de prendre la parole normalement.

Elle prit une grande goulée d’air et reprit son discours, faisant au plus court tellement elle était touchée.

« mais par la Dame….par Aion…qui sont ces Asmodiens ???...je ne comprends rien !! »

La Clerc sursauta au moment où la main de Falkhen frappa la table. Ses mains se refermèrent un peu plus fort sur celles de la jeune Shairya, en même temps que celle-ci avait la même réaction. Son regard passa alors alternativement de la colère et de la souffrance palpable de son ami et sauveur Falkhen, à celui complètement perdu de Shairya qui ne comprenait visiblement pas cette douleur qu’elle ressentait si fort dans la pièce.

Son cœur battait la chamade, son esprit était soudain en ébullition, mais pour elle, pour garder la foie en se qu’elle croyait dur comme fer, pour ne pas douter un instant de ce que son mari lui avait appris, elle garda son calme, même si son visage trahissait quelque peu sa propre souffrance. Elle fixa son regard dans celui de Shairya, sachant pertinemment que Falkhen prendrait les paroles aussi pour lui. Mais la petite était bien plus fragile et elle devait continuer de porter son attention sur elle. Un peu déchirée de ne pas regarder son ami en face, mais sachant qu’il comprendrait, elle reprit la parole de son ton calme habituel.

« La haine est comme une maladie. Elle se transmet d’ennemis en ennemis. Ainsi personne ne sait depuis combien de temps cette maladie existe, mais les sages s’accordent à penser qu’elle est née en même temps que les hommes. Elle est exactement pareil que la gangrène, celle qui ronge les chairs, et empêche les plaies de se refermer. Si un ennemi te transmet la haine, et que tu ne te défends pas contre cette maladie, alors les plaies de ton cœur et de ton âme ne pourront jamais se refermer. Et tant que ces plaies resteront ouvertes, alors il n’existera pas de salut. La haine donne à celui qui la prend dans son cœur, l’illusion de la force. Elle lui donne le rêve de se sentir capable de tous les miracles. Mais quand celui qui en souffre, se rend compte qu’elle n’a fait que le manipuler, il est trop tard. Il ouvre les yeux alors, et comprend que cette haine qui lui chuchotait à l’oreille de tuer et tuer encore, n’a fait que se propager parmi d’autres. Il se rend compte que non seulement cette haine ne l’a aidé en rien, mais que lui n’a servis qu’a propager la maladie pour que jamais elle ne disparaisse. Et souvent, alors il met fin à ses jours d’une façon ou d’une autre. Voilà ce qu’est la haine. »

Haven fit une pause. Elle n’avait jamais autant parlé d’un seul coup. Toutes ses paroles apprises avec celui qui remplissait encore son cœur de joie et de bonheur, étaient sorties de sa bouche sans qu’elle ne puisse rien y faire. Elle n’osait plus regarder ses amis, une peur presque panique de lire l’incompréhension dans leur regard la faisait presque trembler. Elle avait appris à faire et dire ce qui devait l’être, et en avait souvent payé le prix, mais là, elle espérait et priait si fort que ses amis ne lui en tiennent pas rigueur. Alors, presque honteuse, elle garda son regard fixé sur celui de Shairya.

« Avant que nous t’expliquions le reste Shairya, as-tu bien compris ce qu’est la haine ? ».

La voix était faussement assurée, et visiblement tendue. La question ne s’adressait bien entendu pas en priorité à Shairya.

Shairya avait écouté Haven attentivement, buvant ses paroles et les intégrant dans son cerveau en ébulition.

Passé le moment de colère et d'égarement, elle voulait comprendre et naturellement, après tant d'années à suivre les enseignements les plus divers à la cime sacrée, elle retrouvait son attitude de sage écolière, avide d'informations.

Elle hocha la tete lentement, montrant qu'elle était en train de réflechir sérieusement à la question, et prit la parole.

"oui, j'ai compris ce que vous avez dit, j'ai saisie votre vision de la Haine. J'ai pourtant du mal à partager votre opinion....je vais devoir étudier et méditer la dessus."

Elle soupira, à deux reprises.

La Clerc opina de la tête aux paroles de Shairya. Elle savait bien que rien n’était simple, et que même s’ils étaient restés silencieux jusqu’à présent, tous ses amis ne pensaient surement pas la même chose, gardant en eux encore et toujours cette trace indélébile que la rancœur et la haine génère. Pourtant, elle savait qu’aucun d’entre eux, au titre de cette haine féroce contre les Balaurs, ne mettrait en péril la vie des autres.

Haven savait déjà depuis bien longtemps qu’il existait plusieurs façons de vivre avec la haine. Soit choisir de s’en défaire, comme elle, soit choisir de vivre avec, tout en la contrôlant du mieux possible, choix de Falkhen par exemple. Il n’existait pas de solution ni de potion miracle pour cela. Chacun devant trouver son remède, qui ne marchera que pour lui certainement. Ainsi, Haven savait bien que son explication ne valait que pour elle, mais elle voulait avoir un discours volontairement positif devant la jeune femme.

« Oui Shairya, tu dois te faire cette opinion par toi-même, ce que j’ai expliqué n’est valable que pour moi peut être. Il te faudra trouver ta méthode ».
Le ton était juste et sage, et le visage toujours aussi souriant.

« Et bien. Maintenant que tu es prête, il est temps que tu entendes certaines choses de notre histoire. Nous allons t’expliquer ce que nous savons de l’histoire ».

Elle sentait que Shairya était prête. La jeune femme elle-même commençait à devenir plus pressente sur ces informations. Le temps des révélations fracassantes étant passé, celui de l’histoire était venu. Haven se tue quelques instants, attendant de savoir si l’un de ses compagnons se sentait de se lancer dans la grande aventure.

« Avant que nous t’expliquions le reste Shairya, as-tu bien compris ce qu’est la haine ? ».


Falkhen fulminait... Haven avait une vision du monde plutot altruiste, et elle ne convenait pas du tout avec celle du templier. Et elle convenait encore moins depuis que, quelques instant auparavant, la porte qui empechait son pire souvenir d'envahir son esprit venait d'être arraché par la simple question de Shairya sur les Balaurs.

La guerre, son village détruit, ses amis, ses parents... Sa soeur, qui ressemblait tant à la petit rodeuse blonde aux taches de rousseur... Falkhen avait envie de sortir sur la place du village et de crier. Un cri de Daeva en colère. Un cri de défi aux balaurs... Un cri qui l'aurait probablement rendu fou aux yeux de tous les habitants encore endormis du village.

"oui, j'ai compris ce que vous avez dit, j'ai saisie votre vision de la Haine. J'ai pourtant du mal à partager votre opinion....je vais devoir étudier et méditer la dessus."

Méditer la dessus ? Aucun interet... On y reflechirait quand plus aucun Balaur ne viendrait souiller la moindre parcelle d'Atréia et des abysses...

Non... Non. Il fallait se calmer... Falkhen savait que s'enerver un peu plus n'était pas la bonne solution. Ses amis pourrait en patir, et ce n'était vraiment pas ce qu'il voulait. Il ne lui restait plus que ça... Plus que ce coeur à défendre de toute son âme pour ne pas sombrer dans la folie.

Mais quoi faire...

« Et bien. Maintenant que tu es prête, il est temps que tu entendes certaines choses de notre histoire. Nous allons t’expliquer ce que nous savons de l’histoire ».

L'histoire d'Atreia... Pour exorciser sa colère ? Difficile. Mais aprés tout, s'il n'arrivait pas à la bannir, au moins pourrait-il essayer de la canaliser. Et surtout, il fallait refermer cette porte dans son esprit... Le cri de détresse de sa soeur devenait insoutenable...

"Au début, il n'y avait rien..."

Falkhen, trouvant sa voix un peu roque, se racla la gorge pour retrouver son timbre habituel. Il se rendit compte que parlait lui faisait un bien fou.

"Puis notre Dieu Suprême Aion créa Atréia, notre terre... Une énorme boule entièrement close soutenue et éclairée de l'interieur par la grande tour d'éternité..."

Falkhen soupira. Il arrivait à se calmer un peu, et il en était content. L'histoire serait longue, mais Shairya méritait de savoir. Le templier pris une inspiration, se préparant à raconter la suite de l'histoire de leur monde.

Shairya se leva d'un coup, elle avait envie de sauter au coup du templier tellement elle était contente de ce qui était en train de se passer; elle allait enfin connaitre la vérité, elle allait enfin connaitre l'histoire du monde dans lequel elle vivait, elle allait enfin comprendre....enfin.

Elle n'en voulait pas à Elyssandre, pas le moindre du monde. Elle avait ses raisons pour avoir guidées les Ethernelles durant ces siècles dans son monde, dans un monde idéal où les dieux et la tour d'eternité étaient présents, pas seulement dans les coeurs mais sur la terre elle même. La destruction des Ethernelles, du village et de la cime sacrée par les Balaurs faisait en quelque sorte une répétition d'une histoire qu'elle ne connaissait pas, elle voyait cela maintenant, elle appercevait dans son jeune esprit l'ironie de la situation, elle voulait croire à une renaissance.

Elle reprit sa position assise, sagement aux cotés de Haven, et enjoignit d'un regard brillant et de son plus charmant sourire, le templier à continuer son histoire.

Le sourire de Shairya, resplendissant, encouragea le templier à continuer sur sa lancée. Pourtant, il ne doutait pas que certains passages de l'histoire d'Atréia, qu'il avait longuement étudié dans plusieurs livres de la bibliothèque de Sanctum ainsi que de la bouche de son maître de guerre Boreas, ne seraient pas du goût de la jeune fille. Il fallait en passer par là. Ce n'était pas un conte de fée qu'il était en train de lui raconter, et Falkhen était persuadé que Shairya savait parfaitement ce que cela impliquait.

" La vie était paisible sur Atréia. les enfants d'Aion, les humains, avaient appris à connaitre leur environement, et à en tirer le meilleur pour le confort de leur vie. Il développèrent la chasse, la pêche, la récolte, l'artisanat. Des villes furent construites, des champs cultivés, des clans formés. Et comme il est dans la nature de l'humain de toujours vouloir prouver sa supériorité aux autres, des conflits mineurs, pour la legitimité de possession des territoires, apparurent...

Le Dieu Aion voulait un monde parfait, sans conflit. Il se décida donc à creer une race extraordinaire dont le seul but serait de régir Atréia et d'empecher toute guerre. Ainsi naquirent les Drakens, des créatures intéligentes, puissantes et capable de se déplasser à une vitesse ahurissante sur terre comme dans les airs. Pendant plusieurs siècles, la paix ne pu être perturbée sur Atréia. le moindre chef de clan qui se sentait assez téméraire pour défier l'autorité d'Aion se voyait purement et simplement effacé de la surface du monde par les Drakens.

Mais ce qui devait arriver arriva. Les Drakens, parfaitement conscient de leur immense pouvoir, se mirent à piller, à violer et à massacrer les humains. Leur puissance gandissait de jour en jour. Les plus forts d'entres eux organisèrent leurs rangs, et se renomèrent eux même les Balaurs. Ils étaient si puissants qu'ils osèrent même l'impensable : ils défièrent le Dieu Suprême Aion en s'attaquant à son plus grand chef d'oeuvre : la Tour d'Eternité.

Les Balaurs étaient légions, mais ils firent l'erreur de sousestimer le Dieu Créateur. Sa colère fut terrible. Il réunit alors les douze humains qu'il estimait être les plus valeureux d'Atreia, et leur insufla autant de puissance que les plus forts des Balaurs. Ainsi naquirent les douze Seigneurs Empyréens, qui avaient pour ordre de protéger le peuple d'Atréia et la Tour d'Eternité de la terrible menace des Balaurs. Dans le même temps, il créa l'Ether, une énergie dense et pure qui pouvait être manipulée à leur gré par les Seigneurs pour leur fonction. De plus, l'Ether se révéla être un magnifique et impénétrable bouclier qui entoura la Tour d'Eternité, la rendant inacséssible aux Balaurs. Enfin, les Seigneurs demandèrent une armées pour rivaliser avec celle des dragons ennemis, et Aion donna à certains humains méritant les pouvoirs d'utiliser l'ether pour se défendre et pour voler. Les premiers Daevas venaient de voir le jour.

Les deux armèes se firent face. Et c'est ainsi que débuta la Guerre du Millénium..."

Falkhen fit une pause. Il pris une gorgée de vin pour se désaltérer, puis posa les yeux sur le brassard noir qu'il portait à son bras. L'histoire ne faisait que commencer. Elle était encore longue et, il n'en doutait pas, plusieurs de ses chapitres ne seraient pas forcement du goût de Shairya.
A bien y réfléchir, Ils ne seraient du goût de personne dans la taverne...

Shairya écoutait attentivement, cette partie de l'histoire était plus ou moins celle qu'elle connaissait suivant les enseignements à la cime sacrée.

Elle eut un pincement au coeur en entendant le nom de guerre du Millénium...pourquoi donner un nom à une guerre...pourquoi..

Elle regarda Haven pour se donner du courage à écouter la suite.

Falkhen continua son histoire, ou plutôt l'histoire du monde, ponctuant de temps à autre ses phrases par une pause afin de se rafraichir en buvant une gorgé d’eau ou par une légère grimace à peine visible, reflet discret de ses sentiments refoulés.

Personne n'était intervenu, personne ne l'avait coupé, même si sa version n'était pas forcement celle que les autres partageaient, ils s'étaient bien gardés de l'interrompre.

Pourtant, à une heure avancée de la nuit, ou tôt dans le matin, il s'interrompit s'apercevant que la petite shairya s'était endormie sur l'épaule de Haven, qui n'avait ni oser la réveiller ni oser prévenir l'orateur que la principale intéressée ne l'écoutait plus, perdue qu’elle était dans ses rêves d’enfant.

Son tendre visage posé sur l’épaule de la clerc, ses yeux clos ne formant plus qu’une ligne harmonieuse soulignée par ses grands cils, ses doux cheveux blonds l’auréolant d’une clarté angélique et ses tendres lèvres roses, fermées elles aussi, bougeant imperceptiblement aux grés de légers tressaillements due aux aventures qu’elle devait vivre en songes.

Peux être était il temps pour tout le monde d’aller prendre un peu de repos et reprendre cette conversation plus tard.