Etre deava ou ne pas l'etre, telle est la question [CLOS]

Depuis tant d’année, depuis sa naissance chez les ethernelles, sa vie était rythmée par les prières et les heures d’études, vouant une véritable admiration, un amour sincère aux seigneurs empyréens, à Aion et ses représentants sur terre ; les deava. Sans jamais douter une seule seconde de leur existence, de leur bienveillance à l’égard de leurs enfants, les peuples d’Atréia. Leur communauté de femmes, les Ethernelles, avait été guidée depuis des siècles par une deava, Elyssandre la plus juste, la plus aimable et aimante d’entre toutes, sans doute la plus sage aussi mais qui savait être sévère et sans pitié quand il le fallait. Cette prêtresse jadis servante fidèle à la tour de l’éternité, avait négligé toutefois de prendre des nouvelles du monde au fur et à mesure de ses renaissances, et avait malgré elle induit son peuple dans l’erreur et l’ignorance des événements les plus marquants des derniers siècles passés.

En quelques mois passés aux cotés des Atreides, la jeune candide Shairya Danse Etoiles avait beaucoup apprit, de l’histoire, mais aussi du monde qui l’entourait, souvent dans la joie, parfois dans la tristesse mais également dans la douleur.

Elle méditait donc à longueur de journée depuis qu’elle avait quitté l’auberge de l’astre. Cette bâtisse, cette simple maison représentait pour elle tout ce qu’elle avait, son foyer, sa famille. Non pas qu’elle avait oubliée d’où elle venait, bien au contraire le visage de chaque Ethernelles lui revenait en mémoire très souvent, les rires, les chants et les pleurs de ses sœurs ne la quittaient jamais, mais elle n’était pas bête et sa nature joyeuse et optimiste lui dictait d’aller de l’avant et de poursuivre, et qui sait dans la volonté d’Aion, un jour elle reverrait Xiphee, Shamarel, Ishanaelle, Zaliriel et les autres..

Suivant les conseils qu’elle avait reçu sur la méditation elle ne se nourrissait que de baies et de jeunes pousses, buvant la rosée du matin recueillit sur les grandes et larges feuilles des arbres, afin de purifier son corps et ainsi permettre à son âme et son cœur de penser à l’unisson. Les premiers jours furent terribles, la cuisine de Sawyer riche en gouts, en couleurs et en formes lui manquait terriblement, lui interdisant toute concentration supérieure à une heure. Ensuite, sevrée de ce besoin matériel, elle entrait plus facilement en méditation, pourtant à chaque fois qu’elle pensait à la raison première de cette retraite, sa concentration se brisait en un instant la laissant pantoise et dans le doute le plus affreux, se répétant sans cesse à haute voix, qu’elle était deava et qu’il devait y avoir une erreur, allant même jusqu’à sauter du haut des plus grands arbres de la foret, pour être continuellement surprise de voir ses ailes se déployer, lui procurant encore et toujours se frisson qu’elle ressentait à chaque fois qu’un deava non loin déployait ses ailes. A force de concentration et de volonté elle réussit tant bien que mal à méditer de longue journée sur le pourquoi et le comment, retraçant sa vie, pas à pas, jour après jour, repensant aux divers enseignements qu’elle avait reçu, aux paroles sages entendues particulièrement de la part de Haven.

Shairya ne faisait pas que méditer, elle priait aussi. Elle priait tous les seigneurs empyreens, même ceux qui avaient soit disant disparu, et particulièrement eux d’ailleurs. Sa foi avait été renforcée le jour où sa nature de deava s’était révélée. Cependant, elle avait changée certaines prières pour les adapter à la réalité, elle avait aussi revus certains rituels, les rendant plus proche de sa nature de femme naissante, de rodeuse proche de la faune et la flore, de sa nature de danseuse également, le tout imperceptiblement, naturellement, sans vraiment le vouloir, elle était devenue en quelque sorte une prêtresse d’Atreia ou d’Aion selon la vision que l’on a du monde.

Cette simple constatation mit fin à sa vie d’ermite et de recluse, elle était enfin arrivé là où elle devait arriver, elle avait comprit ce pourquoi Aion l’avait faite deava, elle pouvait enfin rentrer à la maison.

Une petite table portée devant l'auberge. Un tabouret placé entre les deux. Sur la table, un simple déjeuné, déjà avalé, et pourtant elle reste là, les yeux fermés. Elle écoute les bruits de la forêt, respire l'air frais de la brise matinale, et elle cherche dans son cœur sa vérité. Tous ses sens sont en éveils et pourtant elle ne cherche qu'en elle le souffle du vent qui la porte vers la vie. Sa famille.

Force était de constater que de famille depuis longtemps elle en avait deux. Une qui fût celle des jours heureux et de l'insouciance. Celle là même qui lui avait apporter tellement de joies et de bonheurs immenses. Celle qui de la manière la plus empirique qui soit lui avait vu donner la vie, la vraie. Celle qui lui avait permit de rencontrer et d'aimer du plus profond de son être l'homme qui allait tout lui apprendre, mais surtout, lui apprendre à écouter son cœur pour sauver son âme.

Puis vînt le temps de la douleur et de la mort. Et c'est là, dans le plus profond des néants qu'elle a trouver sa seconde famille. Celle qui lui a appris à vivre avec la souffrance, a garder espoir quoi qu'il arrive, celle là même qui lui avait insuffler cet espoir après que Falkhen la sauva de sa mort certaine. Comme la première, elle n'avait pas choisi, et pourtant elle ressentait tant de gratitude envers AION de lui avoir offert cette seconde vie. Ses deux familles étaient tout à la fois complètement différentes et complètement identiques. Deux vie, elle avait deux vies. Elle se demandait souvent pourquoi, qu'avait elle de plus que d'autres pour mériter un tel cadeau de son dieu.

Et pourtant, tout ceci n'était pas la vrai raison qui la poussait ainsi, chaque matin, à prendre un déjeuner solitaire dehors devant l'auberge. Ou plutôt, s'en était la base, le socle, mais pas la vrai cause. Le reste de sa journée était consacré à ses taches ménagères, à servir AION et surtout son peuple, à tout ce qui faisait d'elle une Atreides au plus profond de l'âme de cette communauté. Mais chaque matin, elle le réservait … à elle. Elle qui était comme tombée du ciel, envoyée des dieux, elle qui avait ravivé dans le cœur de la Clerc un si profond sentiment, une flamme enfoui depuis si longtemps. Combien de fois elle s'était torturée l'esprit, combien de fois elle avait voulu se lancer, pour finalement reculer au dernier moment. Mais depuis quelques semaines, tout avait changé.

Tout avait changer ... ce jour où Shairya leur avait annoncé son départ pour méditer sur la tournure que prenait sa vie. Haven était restée sans voix. Partagée, torturée entre son esprit et son cœur. Aussi gonflée de fierté que sa protégée se décide à cette retraite, que désespérée de savoir qu'elle n'allait plus pouvoir veiller sur elle. Aussi émue que enfin la jeune rôdeuse décide d'avoir un regard sur sa vie et son avenir, que chamboulée par le vide que cela allait créer dans sa vie. C'était indescriptible, une vague de sentiments aussi intenses et contraires les uns que les autres. Mais la joie l'emportait sur son visage, masquant sa terrible inquiétude.

Alors depuis son départ, elle l'attend. Chaque matin elle y pense si fort. Chaque matin elle se dis que si AION dans sa bonté la fait revenir, alors elle aurait cette fois le courage, enfin, de lui demander. Dans ces instants même, elle n'était pas seule. Combien de fois, silencieux, Falkhen était venu sans un mot, poser ses mains sur ses épaules quelques instants, pas besoin de mots. Combien d'allusions Leiji, Teseus et Maylanee avaient pu avoir pour la rassurer, combien de regards fiers et soutenus de la part de Kalten et de Sawyer l'avaient aidée, et sa confiance en Shairya, aussi grande que sa peur de ne plus la revoir. Tous ses amis la soutenait chaque jour. Non elle ne flancherait pas, et si par le plus grand des malheurs, AION décidait de ne pas faire revenir Shairya, alors elle attendrait ainsi, chaque matin, sans faillir.

C'est ainsi qu'un jour, un jour qui ressemblait à tous les autres, les larmes de la Clerc se mirent à couler abondamment sur son visage déformé par la joie mêlée de soulagement.

Remerciant Aion et la nature d’avoir pourvu à ses besoins durant ces jours d’exodes, Shairya reprit le chemin du retour, le cœur joyeux et l’esprit apaisé. Ses pas lents lui permettaient de profiter de la beauté de cette nature de printemps, au lever de l’astre, la gratifiant des instants privilégiés que seuls les amoureux de la nature pouvaient apprécier.

Elle avait en effet décidé de marcher et non pas de voler, afin de se rappeler qu’avant d’être deava les élus d’Aion, elle était de la race des hommes, enfant d’aion. Aussi inconstante que le vent, la jeune rodeuse se mit alors à courir lorsqu’un lapin venait la narguer du bout de sa petite moustache, tentant de l’attraper à mains nues, juste pour le challenge, elle grimpa aux arbres également afin de faire des grimaces avec les singes, elle vola également avec les magnifiques oiseaux colorés de cette jungle charmante, elle était simplement heureuse de vivre, heureuse de rentrer à la maison.

Car en effet au bout de deux jours de marche elle retrouva cette tranquille région de poeta, où elle avait vécu tant d’expériences, se gardant bien cette fois ci d’emprunter un cheval. C’est donc sur ses deux jambes qu’elle arriva prêt du village, ses pas s’accélérant de plus en plus au fur et à mesure que le toit de chaume de l’auberge de l’astre se faisait timidement voir à travers les branches des grands arbres.

Et c’est presqu’en courant, mue par la volonté indicible de revoir ses amis, sa famille, mue également par l’idée qu’elle se faisait d’un vrai petit déjeuner réalisé par sawyer, que la jeune deava Shairya vit devant elle une Haven assise à une petite table devant l’auberge, trop loin encore pour s’apercevoir qu’elle pleurait à chaudes larmes.

Elle lui fit de grands signes de la main, riant de son si caractéristique rire d’enfant, criant à son attention

« Arieluma Haven !! je suis de retour !! Arieluma ! »

10 fois, 20 fois, 50 fois elle avait imaginé la rencontre. Ce qu'elle allait dire et faire. Comment elle se comporterait. Chaque matin où elle attendait cet instant, elle se rejouait la scène des retrouvailles. Et là, alors que enfin le jour était arrivé, elle restait bouche bée, pleurant d'émotion et de joie. Toutes les images étaient oubliés, tous les mots, les paroles, les actes, tout était parti en fumée en un instant.

Il lui fallut un long moment pour reprendre ses esprits, se calmer un peu, et enfin être capable de raison. Alors sans plus attendre, elle se lève et vas à la rencontre de la rôdeuse, essuyant ses larmes, réajustant quelques mèches rebelles, elle se sentait prête. Un pas décidé, les yeux encore embués par les larmes, mais aussi profonds que sa volonté, elle se dirigeait vers Shairya, prête à enfin libérer son esprit de ce qui la taraude depuis leur rencontre.

Plus que quelques pas. Elle ne ralenti pas, Shairya la regarde venir à sa rencontre, mi étonnée mi heureuse de la revoir, mais visiblement intriguée par la démarche. Soudain c'est l'étreinte, presque violente, forte en tout cas, aussi forte que l'amour qu'elle ressentait pour cette nouvelle femme. Haven la serre dans ses bras de toutes ses forces, sans un mot, retenant de nouvelles larmes. Enfin elle se décide …

« Shairya enfin, j'était sûre que tout irait bien »
« Shiarya … je … je me demandais si … »

Elle prend une grande inspiration pour finir sa phrase.

« Si tu accepterait de devenir ma fille »

Voilà c'était dit ... enfin.

Haven arrivait au devant d'elle, d'un pas décidé. L'espace d'un instant, Shairya se demandait si cette rigueur que la clerc mettait dans ses pas pour arriver à elle était la conséquence d'une triste nouvelle ou si c'était parce qu’elle était courroucée de la retraite qu'elle s'était permise. Cette pensée la fit ralentir, pour presque s'arrêter et fut vite chassée quand elle vit le regard certes encore embuée de larmes mais un sourire radieux sur ses lèvres.

L'étreinte qu'elle lui prodigua, si vive, si franche, si profonde lui donna des ailes, même si elle en possédait déjà une paire blanche, là c'est son esprit et son cœur qui en profitèrent. Shairya qui avait été élevée par une tribu entière de femmes, même si elle avait toujours été la protégée et la préférée de Dame Elyssandre, n'avait jamais ressentit cette amour qu'Haven lui donnait, et sans savoir vraiment de quoi il s'agissait, cette etreinte lui rappela à quel point son rapport avec elle était spécial.


Naturellement, la jeune rodeuse lui rendit son câlin, heureuse que Haven soit la première personne qu'elle vit depuis sa retraite dans les bois, remerciant Aion et les Seigneurs empyréens d'avoir fait que cela soit ainsi. Pourtant elle sentit Haven se crisper légèrement quand elle prit la parole, ce qui la fit redescendre un peu sur Atreia.


« Shairya enfin, j'était sûre que tout irait bien »
« Shairya … je … je me demandais si … »

Elle prend une grande inspiration pour finir sa phrase.

« Si tu accepterais de devenir ma fille »


Cette demande perturba Shairya. Bien sur depuis le temps qu'elle vivait parmi les atreides elle avait bien saisi le sens de la famille ici, la place de chacun, déterminée par la société. Grace à May elle avait également comprit qu'ici l'on pouvait finalement faire ce que l'on souhaitait, et donc naturellement Haven pouvait si elle le souhaitait faire d'elle sa fille au regard des autres et de l'administration de Sanctum. Mais la jeune deava avait aussi comprit que Haven avait perdu sa famille, son époux et ses enfants, dont une fille qui aurait du avoir son propre âge à quelque chose prêt aujourd'hui. Elle fut donc profondément émue par cette demande, sans pouvoir expliquer ce qu'elle ressentait elle même.

Etre la fille de Haven, voilà une étrange sensation, étrange idée, étrange.....dans son esprit d'orpheline des Ethernelles elle s'était toujours sentie comme la fille des Atreides, sans aucun sentiment d'appartenance à qui que se soit en particulier, sans vraiment s'être posée de question à ce sujet. Pourtant après une semaine passée à méditer et à prier sur son existence, entre autre, elle recevait cette demande avec le plus grand des sérieux.

Elle se détacha alors de l'étreinte de Haven, voulant la regarder dans les yeux pour lui donner sa réponse, qu'elle ne connaissait pas encore d'ailleurs, en y réfléchissant.

Elle penchait sa tête légèrement sur le coté, les sourcils froncés comme souvent quand elle était en train de réfléchir sur des sujets importants. La relation mère fille était un sujet qu'elle avait longuement étudié, ici mais également à la cime sacrée. Techniquement elle savait ce que c'était, idéologiquement aussi et plus elle y réfléchissait et plus l'image de Haven la prenant dans ses bras s'imposait à elle, perdue dans ses pensées elle ne pu retenir ce que son esprit et son cœur lui dictaient

"ne le suis pas déjà Haven ?"

Encore une fois prise à contre pied en quelque sorte. Shairya avait cette sorte de don pour poser toujours une question déroutante au moment où elle, Haven, s’y attend le moins. Cette fois ci n’échappe pas à la règle. Et comme à chaque fois, la question est si naturelle et simple, qu’elle impose à l’interlocuteur, Haven donc, une introspection et une réflexion, pour savoir si le propos qui avait amené la question de la rodeuse était cohérent. Alors la Clerc reste muette un instant, réfléchissant intensément à ce qu’elle allait pouvoir répondre. Malgré la perplexité qui l’envahi à chaque fois, Haven aime beaucoup ces questionnements, car elle a le sentiment que cela lui permet à elle, de ne pas perdre sa route. Aussi elle reste figée à réfléchir quelques longues minutes.

« Je crois bien qu’au fond de mon cœur tu as toujours été ma fille en effet ».
« Mais j’ais toujours hésité à me l’avouer, parce que cela me posait un problème par rapport à mes vrais enfants aujourd’hui disparus ».
« Depuis ton départ j’y réfléchi, et j’ais décidé d’assumer mon amour pour toi ».
« Mais alors se pose la question la plus importante … ».
« Est-ce que toi, tu accepte que je devienne dans ton cœur celle que tu pourras appeler maman ? »

Il y a des conversations qui en quelques simples mots, vous en apprennent longs sur les autres, mais particulièrement sur vous même.

Se fut la cas, ce matin là, un matin de printemps dans la campagne Poetienne d'Atria, où Haven et Shairya se retrouvaient après quelques jours d'absence de la jeune fille devenue jeune femme et deava.

Le temps donnait l'impression de s'arreter sur elles deux, l'une resplandissante dans sa robe de ruko simple, tenue qu'elle avait adoptée recemment, depuis l'arrivée de la seconde. L'autre rayonnante dans sa tenue pour le moins cocasse d'apprentie rodeuse, faite de bric et de broc, mais n'enlevant rien à son charme fait d'innocence et de candeur.

Tantot enlacées, tantot juste proches, l'on ne pouvait rarement voir Shairya sans apercevoir non loin, la silouhette de Haven, pretresse armurée ou femme habillée d'une sompteuse robe verte, et cela semblait tellement naturelle. Le visage de l'une et l'autre s'ensoleillait dès l'arrivée, de l'une ou de l'autre.

Par Aion, si je n'étais pas un fantôme, alors j'en pleurerais d'émotion......

La dernière question de Haven, plus que le déroulement de son raisonnement, bien que le fait de parler de ses enfants disparus, toucha Shairya profondemment, dérouta la jeune rodeuse.

Toujours assez proche de Haven, elle tendit la main pour serrer celle de la clerc, et lui témoigner la peine qu'elle ressentait avec elle, de la perte de sa famille. Elle se souvint avec émotion du rituel qu'elle avait mené pour elle, dans cette clairière au fond du bois.

Mais elle ne pouvait pas s'empecher de penser au mot, le seul sans doute, qu'elle une bavarde averée n'avait sans doute jamais prononcé, ou en tout cas jamais prononcé pour elle, dans l'essence même du mot lui même : maman.

Ho oui elle savait que les mamans des Ethernelles avaient prient soins d'elle, oui elle savait que Dame Elyssandre avait toujours eut un faible pour elle, et oui elle savait qu'elle avait été sa préférée. Mais jamais, maintenant elle s'en rendait compte, jamais Elyssandre n'avait eut ce sentiment maternelle envers elle. C'est Haven qui le lui avait fait voir, à travers son comportement, ses paroles, ses regards....et cela l'avait toujours rendu perplexe, sur Haven bien sur mais sur elle même, sans pouvoir jamais expliquer ce qu'elle ressentait, jusqu'à aujourd'hui.

Elle leva les yeux vers Haven, toujours sa main dans les siennes, les yeux brillants de larmes naissantes et articula avec peine

"ma...maman....je....je....je n'ai jamais appelé qui que se soit...ma...maman" elle secoua la tete "je n'ai ...jamais eut...de ....ma-man"

Prise dans un tourbillon de sentiments divers et intenses, elle ne pu que se refugier dans les bras de Haven.

Au moment où Shairya se blottie dans ses bras, elle prend une énorme inspiration. Sans en être consciente, la Clerc était restée en apnée, figée en attendant de voir la réaction de la rodeuse. La nécessité, le soulagement, la joie, tout à la fois avait provoqué cette inspiration profonde et prolongée. Tant et si bien qu’elle ne sait pas trop si c’est cela, ou l’émotion, qui lui donne ce doux vertige. Sans doute les deux.

Finalement, ce n’est pas Shairya qui est blottie dans les bras de la Clerc, mais bien deux femmes blotties dans les bras l’une de l’autre. L’une a déjà vécue et se sent une âme de mère protectrice, l’autre qui découvre bien plus que le monde qui l’entoure, qui découvre une facette inconnue de ce qui rempli les cœurs de joie et les yeux de larmes.

La voix presque tremblante, vibrante d’une émotion évidente et si forte, et à la fois la plus douce et chaude qu’elle peut avoir, Haven se décide à parler de nouveau.

« Et bien je serait ta maman puisque tu semble être d’accord »
« Celle qui conseille et qui gronde, celle qui souvent félicite et encourage »
« Mais aussi celle qui se trompe car elle ne voit pas grandir son enfant »
« Et enfin celle qui sera là chaque fois que tu en auras besoin, celle qui chasse le doute, efface les peines et essuies les larmes »

Impossible de retenir ses larmes. Voilà tellement de temps qu’elle refusait de s’admettre telle que son cœur voulait qu’elle soit. Un instant elle lève les yeux au ciel, mais c’est dans son cœur qu’elle voit le reste de sa famille la regardant avec un immense sourire et un hochement de tête. Rêve ? Réalité ? Imaginaire ? Qui pourrait le dire … C’était ainsi. Haven avait le cœur prêt à éclater tant le bonheur l’emplissait soudain. Elle serre Shairya si fort dans ses bras …

Une maman, elle avait une maman maintenant, elle était si heureuse, si fière aussi, elle était transportée de joie. Elle avait envie de crier, de pleurer, de rire, de courir, de voler, de sauter tout à la fois, mais par dessus tout, elle avait envie de rester là, blottit dans les bras de cette mère à elle, de sa maman.

Elle se le repetait mille fois, dix mille fois dans la tête le temps de profiter de ce calin si doux, si tendre et si fort, surtout depuis qu'elle avait prit sa retraite pour réfléchir à sa nature de deava. Mais elle n'arrivait pas encore à le prononcer tout haut. Sans savoir pourquoi, elle avait peur.

Depuis sa tendre enfance, même si elle a toujours été entourée par toute l'affection de la tribu, souvent le soir en s'endormant seule dans son hamac, elle versait des larmes silencieuses, tentant de les chasser mais elles revenaient sans cesse, comme les vagues qui se brisent sur la plage, inlassablement, continuellement, perpetuellement. Elle savait qui lui manquait quelque chose sans vraiment se l'avouer, car elle voulait etre forte elle voulait faire la fierté des grandes, d'ishaira, d'ishanaelle et d'ellyssandre, elle voulait leur reconnaissance. Jamais elle n'aurait voulu leur faire part de cette tendre inclinaison qu'avait son coeur à pleurer le soir.

Elle avait trouvé une parade, elle dansait sous les étoiles, alors que tout le monde sombrait dans le sommeil. Elle dansait à la nuit tombée, pour s'épuiser, pour ne pas penser, pour que son coeur et son esprit soient occupés jusqu'à ce qu'elle tombe litterallement de fatigue et s'endorme en un instant une fois sa tête posée sur l'oreiller.

Aujourd'hui, le vide, le manque était remplit, par Haven. Et l'idée lui avait traversée l'esprit que de prononcer le mot devait annuler cette magie, et que tout cela ne soit finalement qu'un reve. Et ça elle ne le voulait pas. Elle serre Haven si fort dans ses bras …