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| [BG] Kalten - La rencontre | |
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Kalten
Messages : 107 Date d'inscription : 05/07/2009 Age : 50
Feuille de personnage Nom Usuel: Kalten Age: la trentaine passée Classe: Rôdeur
| Sujet: [BG] Kalten - La rencontre Ven 24 Juil - 14:02 | |
| C’était une belle journée. En cette fin de matinée, la fraîcheur de la rosée avait laissé place à une douce chaleur qui réchauffait les corps. Ce début de printemps s’annonçait prometteur pour mon village. Situé à seulement quelques heures de la capitale, il ressemblait plus à une petite ville. Si près de Sanctum, nous ne souffrions pas des effets de la guerre. Bien sûr, nous nous tenions au courant, les conteurs de passage n’hésitant pas à nous narrer les aventures de fabuleux héros, morts ou vivants. Situés entre l’une des plus grandes forêts du pays et une rivière foisonnante de poissons, nous vivions grâce à l’excellente qualité des arbres et à l’agriculture. De plus, notre village avait la particularité d’être composé de rues circulaires. Vue des collines environnantes, cela donnait l’impression d’une cible de tir à l’arc avec en son centre la mairie. Les nombreux visiteurs aimaient flâner dans les rues, observant les milles couleurs des fleurs débordant des bacs accrochés aux fenêtres. Cependant, l’attroupement au centre du village n’était pas du aux touristes mais au futur départ de quelques personnes se portant volontaires pour l’Ascension. Une fois par an, cela donnait lieu à une grande fête où les rires se mêlaient aux pleurs, les plus jeunes regardant leurs aînés avec envie, les filles mettant leurs plus belles robes afin de capter le plus de regards et d’œillades complices.
Oui, c’était une belle journée. Mais je n’arrivais pas à partager cette allégresse. Quelque chose me gênait. En fait, j’avais du mal à être en public. Je ne me sentais pas à ma place dans toute cette agitation. Notre village était réputé pour fournir de solides défenseurs et attaquants, hommes ou femmes, se forgeant un corps et un caractère grâce aux travaux des champs et à la scierie. Mais alors qu’ils n’hésitaient pas à suer sang et eau à couper du bois ou à déplacer de lourdes charges, je préférais le calme de la forêt. J’aimais découvrir des sentiers inconnus, pister les bêtes et ne faire qu’un avec la nature. Il m’arrivait même de ne pas rentrer chez moi avant plusieurs jours, bivouaquant seul et dormant à même le sol, savourant le bruissement des feuilles et cette odeur d’humus et de bois commune à toutes les forêts. Mais je n’avais pas à me plaindre. Personne ne m’en tenait rigueur car j’apportais ma contribution à la bonne santé du village. J’étais devenu le meilleur chasseur de la région. Bien sûr, des joutes étaient organisées de temps en temps, afin de mettre en pratique notre entraînement et savoir si nous étions prêts pour l’Ascension. D’ailleurs… _ Hey, Kalten ! Prépares toi ! C’est bientôt notre tour. Je répondis d’un signe de tête à Drunel, le fils de l’aubergiste et aussi l’un des rares à qui je parlais. Le tirage au sort en avait fait mon adversaire d’un jour. Le temps de vérifier mon équipement et le cor retentit, annonçant la fin d’un combat et la préparation d’un autre. Drunel était déjà dans l’arène, près du juge arbitre. Je déposai mon arc et mes flèches dans un coin avant de m’approcher. _ Kalten, je te rappelle que tu n’as pas droit aux arcs. Seules les armes de mêlée sont acceptées. Es tu sûr de pouvoir te défendre face à Drunel ? _ Oui, juge. Je compte bien faire mordre la poussière à ce nigaud. Un rire franc et une tape amicale dans mon dos répondirent à mes paroles. C’était Drunel. _ Je t’offre une choppe si tu réussis à me faire tomber, Kalten. _ Pour une choppe et un repas, j’accepte ton défi. Drunel réagit comme à son habitude : avec un rire tonitruant et sincère. Le juge lui-même ne put réprimer un sourire. Notre petite conversation n’avait pas échappé aux premiers rangs des spectateurs. Déjà, de l’argent circulait, les paris étaient lancés. Tous voulaient voir combien de temps je tiendrais face à Drunel, un athlète consommé. Je vis même des Daevas parmi la foule. Drunel alla se placer dans un coin de l’arène, moi dans un autre. Je vérifiai encore une fois mes armes ainsi que mon armure. Nous disposions d’armes en bois et d’armures en cuir rembourrées. Ainsi, les combats n’étaient à priori pas dangereux mais offraient quand même un beau spectacle. Au pire, un combattant ressortait avec quelques bleus, voire des blessures peu profondes et jamais handicapantes.
Le cor retentit une nouvelle fois. Le combat pouvait commencer. Les cris du public nous entourant fusèrent. J’étais étonné d’entendre mon nom. Certains avaient donc parié sur moi. Ils n’allaient pas être déçus. Sur la défensive, nous nous regardions. En fait, nous nous étudions l’un l’autre. Drunel était bien plus fort physiquement et bien plus grand. De plus, il maîtrisait bien mieux que moi son épée et son bouclier. Mais là où je perdais en force brute et en maîtrise d’armes, je le gagnais en agilité et en rapidité d’attaque. Je devais ruser si je voulais avoir une chance. Au bout de quelques secondes à nous tourner autour et à nous approcher, Drunel chargea. Il n’avait jamais été très patient. Il essaya de me toucher sur le côté avec son épée, se protégeant le corps de son bouclier. Je bloquai son attaque avec mon propre bouclier et mon épée, lui laissant l’autre côté de mon corps à sa merci. Il en profita pour me donner un coup de bouclier dans les côtes. Ayant deviné ce qu’il voulait faire, je sautai en arrière, fis une roulade au sol et me relevai en position défensive. J’entendis les exclamations du public. _ Bien défendu Kalten, me dit Drunel. Il s’en est fallu de peu. Je vais passer maintenant à autre chose. Il s’approcha, décrivant des moulinets avec son épée. La joute commença, épées contre boucliers, épées contre épées. Je tenais le coup mais ses attaques physiques, puissantes, me faisaient reculer. Il fallait que j’écourte le corps à corps. Je retins moins l’une de ses attaques avec mon épée, ce qui lui permit de me toucher le bras. A ce moment, je fis un tour sur moi-même en m’abaissant et lui portai un coup de bouclier derrière le genou, ce qui lui fit mettre une jambe au sol accompagné d’un grognement. Le public cria sa joie devant cette manœuvre. Dans la foulée, je rabattis mon épée sur sa tête. Il eut quand même le temps de se retourner et de bloquer mon attaque avec son arme. Le choc le fit tomber à terre mais mon épée en bois se brisa au contact de la sienne. Les spectateurs se turent, le combat prenait des allures de duel. Ne perdant pas de temps, je plongeai sur Drunel mais il roula sur le côté, évitant mon attaque. Au passage, il abattit son épée sur moi, mais celle-ci frappa la terre. J’avais également fais une roulade, m’attendant à une riposte immédiate. Nous nous regardions à nouveau, transpirant tous les deux. _ Bien joué Kalten. Tu as vraiment failli m’avoir. Tu es plus coriace que tu n’en a l’air. _ Et toi plus rapide que ta carcasse semble montrer, répondis-je. Les spectateurs nous regardaient, avides d’en voir plus. Seuls les enfants qui jouaient à côté se faisaient entendre. _ Le combat est inégal. Ton épée est brisée. _ Fais comme si j’avais un poignard, Drunel. Tu verras que je peux encore me défendre et attaquer. _ Comme tu voudras. Et il chargea. Mais il ralentit son allure et m’envoya une attaque de côté. Je le bloquai avec mon bouclier, fit un saut en arrière et lui lançai ma dague improvisée. Il para sans problème et, me croyant désarmé, commença à fondre sur moi. Il n’avait pas vu que j’étais à proximité de mon arc et mes flèches. Il fit mine de m’attaquer avec son épée. Je me baissai afin d’éviter son attaque mais il me porta un coup avec son bouclier, m’envoyant voler dans les airs. Dans le même mouvement, il courut vers moi. J’atterris lourdement au sol, légèrement sonné. Je vis quand même Drunel me porter un coup avec son épée. Le choc fut amorti par l’armure rembourrée mais je sentis quand même une douleur au niveau des côtes. _ J’ai gagné, cria t’il. Tu es mort, Kalten. _ Oui, mais regarde au niveau de ton cœur, lui répondis je. Il s’aperçut alors que j’avais le bras tendu. Se redressant, il remarqua une flèche plantée dans son armure, au niveau du cœur. _ Mais comment… _ Avant que tu ne m’envoies valser, je me suis baissé pour ramasser une flèche. Drunel avait les yeux écarquillés. Il arracha la flèche et la fixa longuement. _ Une flèche peut être utilisée de diverses façons. Nous serions morts tous les deux. Le juge arbitre s’approcha pour donner son verdict. _ Je déclare un match nul, clama t’il. Le public hurla son approbation. Puis Drunel se pencha vers moi. _ Tu as besoin d’un médecin Kalten ? Ton côté à l’air de te faire mal. Je me relevai avec une grimace. _ Ca va aller. _ En tout cas, ce fut un beau combat. Et je te dois un repas avec une choppe. Drunel avait retrouvé sa bonne humeur coutumière. _ J’ai quelque chose à faire d’abord, répondis-je. Et puis, tu ne pars pour Sanctum que demain matin. Je passerai ce soir à l’auberge.
Un autre combat se préparant, nous sortîmes rapidement de l’arène. Après avoir rassuré encore une fois Drunel sur mon état de santé, je quittai la place du village. _ Kalten, tu ne restes pas ? Eliane, la sœur de Drunel, m’avait rattrapé. _ Non Eliane, mais je serai ce soir à l’auberge pour fêter le départ de ton frère. _ Dans ce cas, d’accord. Mais je trouve que tu restes un peu trop souvent seul. Je lui répondis avec un sourire. _ Nous en avons déjà parlé. Tu ne m’auras pas cette fois-ci. _ J’arriverai à te rendre plus sociable. En attendant ce soir, soigne bien ta blessure. Et elle repartit vers la fête. En arrivant chez moi, je vis deux Daevas devant ma porte. Vu leurs carrures, il ne s’agissait pas de guerriers. _ Bonjour chasseur, me dirent-ils en me saluant. Je leur rendis leur salut en hochant la tête. _ Avant toute chose, je vais me permettre d’intervenir rapidement sur votre blessure. Le plus grand des deux Daevas commença une incantation. Il s’agissait donc d’un soigneur. Il posa sa main sur mes côtes et je sentis immédiatement un picotement suivi d’une petite douleur. Dans les secondes suivantes, la douleur reflua et je sentis comme un poids en moins. _ Voilà qui est fait, me dit-il. Ce n’était pas bien méchant mais il ne faut pas laisser une blessure prendre de l’ampleur. Le deuxième Daeva se leva à son tour. _ C’était un beau combat. Malgré votre désavantage, vous avez réussi à redresser la balance. Je haussai les épaules. _ Drunel n’est pas un idiot. Il ne se fera pas prendre une deuxième fois par cette ruse. Si je devais le combattre à nouveau au corps à corps, il me faudrait trouver autre chose. Mais je ne pense pas que vous soyez venus me voir pour discuter tactique. Le soigneur sourit. _ Non, en effet. En fait, nous avions entendu parler de votre village, du fait que de nombreux guerriers viennent d’ici. Et nous avons appris que des joutes étaient organisées en l’honneur des personnes voulant tenter l’Ascension. _ Durant votre combat, nous avons appris que vous n’étiez pas intéressé par l’Ascension. Pourtant, vous avez de grandes dispositions, continua le deuxième Daeva. _ Peut être ne suis-je intéressé que par le bien être de mon village et que je ne veux pas quitter cette région que j’aime. _ Ce serait une bonne raison et ce serait votre choix, mais il ne s’agit pas de ça. _ Et j’imagine que vous savez pourquoi alors ? Le soigneur s’assit sur une roche. _ Nous avons appris que vous ne partagiez pas le point de vue de vos amis. En fait, alors que tous pensent que nous devons écraser les Asmodiens pour ce qu’ils ont fait, vous n’êtes pas d’accord. Le deuxième Daeva reprit la parole. _ Vous vous demandez qui a tort et qui a raison. Vous vous demandez pourquoi exactement nous nous battons, si ce sont les vraies raisons. Et c’est pour ça que vous refusez l’Ascension. Vous refusez de tuer les Asmodiens pour ce qu’ils auraient soit disant fait. Je les regardai tour à tour. _ Et vous allez me dire que c’est la seule façon de survivre, de nous défendre face à eux. Que nous avons raison et eux tort. Que nous devons les vaincre sinon ils nous écraserons. Les deux Daevas s’approchèrent de moi. _ Non chasseur. Car nous pensons comme vous. Sachez qu’il existe des Daevas qui se posent les mêmes questions que vous. Ils ont décidé d’essayer de comprendre et, pourquoi pas, de changer les choses. Nous en faisons parti. _ Qu’est ce que cela change ? Vous n’êtes qu’une poignée. Ils sont des milliers. _ Et alors ? Nous voulons défendre nos idées. Peut être avons-nous tort, mais si nous avons raison, nous pouvons espérer que d’autres comprennent. Car dans ce cas, le danger est peut être plus important que ce que nous pensons. _ Nous voulions vous voir pour vous dire que d’autres pensent comme vous. Si un jour vous voulez passer l’Ascension, sachez que vous pourrez trouver des compagnons qui défendront la même cause que la vôtre. Mais sachez également que vous vous ferez des ennemis dans votre propre camp. _ Nous ne pouvons pas rester plus longtemps. Ce fut un plaisir de vous rencontrer, chasseur. Et quelle que soit votre décision, nous vous souhaitons sincèrement une heureuse vie. Tout à coup, leurs ailes apparurent. Ils s’apprêtaient à s’envoler. _ Attendez. Comment vous appelez-vous ? Ils se tournèrent vers moi pour me répondre. _ Je suis Milancal le clerc et mon compagnon s’appelle Arvenil le spiritualiste. Puis ils prirent leur envol et se dirigèrent vers Sanctum. Je restai de longues minutes à regarder l’horizon avant de me rappeler que j’avais du gibier à chasser et que je devais tenir ma promesse d’aller à l’auberge. | |
| | | Kalten
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| Sujet: Re: [BG] Kalten - La rencontre Mer 12 Aoû - 12:59 | |
| Deux mois se sont passés depuis ma conversation avec les deux Elyséens. Deux mois à réfléchir sur leurs paroles mais sans avoir été convaincu. Deux mois que Drunel était parti pour Sanctum afin de « sauver ce qui pouvait l’être », comme il disait. Deux mois qu’Eliane se préparait à son tour pour l’Ascension. Nous étions en été et la guerre continuait, ne se souciant pas des récoltes à venir ou des futures naissances. Les nouvelles disaient que les Abysses étaient le centre de terribles batailles. Un jour nous gagnions du terrain, le jour suivant nous en perdions. Combien de temps encore cette boucherie va t’elle durer ? Combien de temps encore une femme allait-elle pleurer la mort de son amant au soit disant service de notre patrie ? Combien de temps encore un enfant allait-il demander pourquoi sa mère ne venait subitement plus le voir ? Ces questions me hantaient de plus en plus et je passais de longues périodes en forêt pour tenter d’apaiser mon esprit. J’avais toujours trouvé la nature plus raisonnée que la civilisation.
Afin de penser à autre chose, je me remis à surveiller vainement ma zone. Depuis quelques jours, la rumeur annonçait qu’un Asmodien se trouvait dans notre région. Tous les villages disposant de chasseurs devaient chercher des traces et avertir les autorités en cas de découvertes. Je me demandais pourquoi un Asmodien seul pouvait se promener ici. Cette région n’avait pas de valeur militaire. Le seul intérêt pouvait être nos ressources. Mais je me doutais bien que les Asmodiens devaient avoir ce qu’il fallait. Sachant que je n’aurais jamais de réponses, je me contentais de surveiller ma portion de terrain, en lisière de forêt. Bien installé sur une branche d’arbre, je scrutais et j’écoutais. Les bois étaient calmes, je ressentais une certaine harmonie autour de moi. Si un Asmodien s’avisait de passer par ici, cette quiétude serait troublée et je le ressentirais. Je ne pouvais pas expliquer ce phénomène. Peut être le temps passé à vivre au plus près de la nature m’a permis d’affiner ce sens. Peut être que la nature elle-même m’a gratifié, pour une obscure raison, de ce don. En tout cas, l’harmonie régnait. Pourtant…
Pourtant, quelque chose bougea à quelques mètres. Je crus un instant avoir imaginé une ombre se déplaçant furtivement. Aux aguets, je cherchai cette ombre. Je finis par voir un bosquet bouger plus que de raison. Intrigué, je descendis de mon perchoir et m’approchai avec précaution. Peut être s’agissait-il d’un animal. Dans ce cas, mieux valait se méfier. Se retrouver nez à nez avec un loup n’avait rien de réjouissant. Arrivant près du bosquet, je cherchai des traces. Assez vite, je les découvris : des traces humaines s’enfonçant dans la forêt ! Il fallait que j’avertisse une patrouille de toute urgence. Au moment où je m’apprêtais à faire demi-tour, je me dis que quelque chose clochait. Une personne seule et ne créant pas plus de dommage que d’être dans un endroit où elle ne devrait pas être ? De plus, rien ne me prouvait qu’il s’agissait d’un Asmodien. Décidé à vérifier par moi-même, je m’enfonçai à mon tour dans les bois.
La piste était difficile à suivre. Le bonhomme savait éviter de laisser des traces de son passage. Plusieurs fois, je me demandai si je n’inventais pas les empruntes. Mais quelque chose me poussait à continuer. Je continuai durant une bonne heure. Puis la piste se divisa en deux. A gauche, les empruntes se dirigeaient vers une rocaille. A droite, elles continuaient en direction d’un lac. Une intuition me poussait vers les rochers. Je pris finalement la direction du lac. Je fis une centaine de pas, attendis quelques minutes et rebroussai chemin pour prendre le chemin des éboulis. La montée était dangereuse car les rochers étaient glissants. Je savais qu’en haut de cette colline se trouvaient d’anciennes cavernes. Un bon endroit pour quelqu’un qui voudrait se réfugier. A mi-distance, je quittai la piste pour la contourner par la gauche. Je préférais arriver sur le côté de la piste plutôt que par celle-ci. Quelqu’un capable de masquer si bien son passage devait se protéger d’une quelconque façon. Une fois en haut, je vis la grotte. De hautes herbes me permettaient d’être discret. Il était là lui aussi.
Sa couleur de peau était sans équivoque : il s’agissait bien d’un Asmodien. Il était assis le long de la paroi d’entrée de la caverne et taillait un morceau de bois pour en faire une flèche, un arc à ses côtés. Je l’observai, me demandant que faire. _ Quand tu auras fini de te poser des questions, tu pourras venir. J’étais repéré ! Mais au lieu de m’enfuir, je me levai et m’approchai. Je m’assis en face de lui, attendant la suite des évènements. Il avait l’avantage. _ Tu es un bon pisteur. Je me suis rendu compte que j’étais suivi en bas de la colline. Il m’observait, scrutant ma réaction. _ Quand j’ai vu que tu étais seul, et après ton petit stratagème pour faire semblant de prendre le mauvais chemin, je me suis dit que ce serait intéressant de te parler. Je hochai la tête. _ Mais d’abord les présentations. Je m’appelle Erinel et voici mon meilleur ami, Farnir. Il me montra son arc. Celui-ci était magnifique. Il devait faire sept pieds de haut et semblait être construit dans une matière que je ne connaissais pas. D’une couleur bleu nuit, une aura sombre semblait s’en échapper. J’étais subjugué par cette arme. _ Mon compagnon de tous les instants. Il est indissociable de mon être. L’Asmodien me tendit son arc. _ Prends le en main. Il ne te fera rien. Un frisson me parcourut quand je reçus l’arme. Un mélange d’excitation et de vénération. Je regardai l’arc sous toutes les coutures, n’y trouvant aucun défaut de conception. Je le soupesai. Il était léger pour ne pas fatiguer le bras porteur mais d’un équilibre parfait. Erinel hocha la tête. _ Tu es fais pour utiliser un arc, chasseur. Mais celui-ci ne fait pas tout. Il se leva. Je pus voir son armure en détail pour la première fois. Le cuir rigide qui la composait semblait collé à son corps. La couleur ocre foncée lui permettait de passer inaperçu. Cette cuirasse lui permettait de se mouvoir avec une telle aisance que j’en restais éberlué. Ce qu’il vit et qui le fit sourire. _ L’arc que tu tiens a été créé par l’un de nos meilleurs artisans. La matière nécessaire pour le concevoir m’a demandé un an de recherches et de récolte. Il est maintenant une extension quasi parfaite de mon bras. Mais l’armure est aussi importante. Je vais te montrer. Je le vis sortir ses dagues, magnifiques elles aussi. Il entama une série de coups qui ressemblait plus à une danse qu’à un combat. Son armure ne le gênait nullement. Son agilité était incroyable. Il finit par s’arrêter, nullement essoufflé. _ Pour un rôdeur, une armure doit posséder trois principales qualités. Elle doit d’abord être suffisamment rigide pour supporter les dégradations naturelles. Ensuite, il faut qu’elle soit souple pour ne pas te gêner dans tes mouvements. La fluidité de tes gestes est primordiale. Enfin, tu dois pouvoir passer inaperçu. Comme il rangeait ses armes, je me levai pour lui rendre son arc. _ Pourquoi me racontez-vous tout ça ? Je suis Elyséen et vous Asmodien. _ Ce qui signifie que nous devons obligatoirement nous entretuer, c’est ça ? Un peu simpliste comme raisonnement, non ? Je vais te poser une question à mon tour, chasseur. Pourquoi es-tu venu seul alors que tu savais que je pouvais te tuer à n’importe quel moment ? _ Cette guerre nous dépasse. Certains d’entre nous ne savent même pas pourquoi nous nous battons. Ils vont se faire massacrer parce qu’ils sont Elyséens et qu’en face d’eux il y a des Asmodiens. Nous nous accusons mutuellement de la destruction de la Tour alors que nous avons oublié les raisons profondes à l’origine de ce drame. Je regardai l’Asmodien dans les yeux. _ Tuer pour tuer est stupide. Je voulais savoir pourquoi un Asmodien se trouvait chez nous. Erinel me regardait, les bras croisés. Il les déplia lentement et regarda la forêt qui nous entourait. _ De mon côté, chasseur, il y a beaucoup d’obscurité. Les forêts, bien que magnifiques, sont sombres. Les plaines, bien que verdoyantes, me semble ternes. Ici, la lumière met en valeur la nature. J’aime cette diversité. J’aime ce foisonnement de couleurs vives. Depuis le début de notre conversation, je me posais une question. Je voulais savoir. _ Il y a quelques mois, deux Daevas sont venus me voir. Ils m’ont dit que plusieurs d’entres eux se battaient pour une cause : découvrir les véritables raisons du conflit afin de faire comprendre à tous que le danger est ailleurs et que nous devons faire front ensemble, une seule et même armée. Elyséens avec Asmodiens. Erinel se tourna vers moi. _ Seulement, tu te dis que vous êtes trop peu nombreux. Et pour ça, tu ne sais pas quelle décision prendre. Il avait deviné juste. Je me contentai de le regarder. _ Saches que certains Asmodiens, peu nombreux eux aussi, ont la même conviction, la même envie. J’en fais parti. J’avais ma réponse.
Nous discutâmes pendant quelques minutes supplémentaires. Il me parla de sa nation et de sa légion. Je l’écoutais, comprenant certaines choses au fur et à mesure. Puis, au moment de nous séparer, il me dit qu’il allait bientôt repartir en Asmodae. Jamais je n’aurais cru pouvoir un jour serrer la main d’un Asmodien. C’est ce qui arriva pourtant. Lorsque je fis mon rapport, je racontai que j’avais suivi une piste qui s’avérait être celle d’un animal.
Deux jours après, je retournai à la caverne. Erinel n’était pas là. Je décidai d’attendre un peu. A l’endroit où il était assis lors de notre discussion, je vis un petit monticule de terre fraîchement retournée. J’y trouvai un petit carnet et une lettre que je savais être pour moi. Quatre mots étaient écrits dessus : Pour toi, futur rôdeur. Je lus donc le contenu. « Je suis reparti vers ma nation. Je te laisse un carnet qui, je l’espère, t’aidera dans ta tâche. Je l’avais écrit car je le destinais aux futurs rôdeurs Asmodiens. Pour ceux qui en auraient eu envie. Je pense qu’il sera mieux avec toi. J’y ai inscrit des notes sur notre rôle de rôdeur, sur différentes techniques. Tu y trouveras également certaines pensées que j’avais par moment concernant notre monde, Atreia. Comme tu le verras, il reste plusieurs pages blanches. Si l’envie t’en prends, n’hésite pas à écrire. Peut être nous reverrons-nous un jour, chasseur. Si ce jour arrivera, je souhaite pouvoir à nouveau avoir des conversations avec toi. Une dernière chose importante : crois en ton instinct. Toujours, en toutes circonstances. » Je levai la tête pour regarder le ciel, d’un bleu intense. Ma décision était prise.
A cette heure-ci, le village était encore désert quand je laissai une lettre pour Eliane. Je lui indiquais quoi faire de ma maison, sachant que je n’y retournerais jamais. Je lui souhaitais également bonne chance pour son ascension et qu’un jour prochain, nous nous rencontrerions peut être dans les Abysses. Regardant droit devant moi, j’abandonnais pour toujours les milles senteurs des bacs à fleurs, la tranquillité et la joie de vivre de ce village que j’aimais. Pourtant, je me sentais avec un poids en moins. C’était le cœur léger que j’allais non pas au devant de mon destin, mais de ma vie. | |
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