Une tranche de vie...

Haven s’attendait à tout sauf à ça. Elle resta bouche bée, aussi figée sur sa chaise et idiote qu’un pot de fleur, pendant de longues secondes. Ses ailes ? Si elle ne savait pas que Shairya venait d’un endroit ou la ferveur était sans limite, d’ailleurs il suffisait de le lire dans son regard, elle se serait sentie honteuse d’en avoir. En tout cas une chose est sûre, pas question de révéler maintenant à Shairya ce que elle, pense de ses ailes.

De Shairya émanait tellement de force et de ferveur. Ces yeux d’émeraude scintillaient comme des rubis presque à l’idée de voir les ailes blanches. Bien au-delà de ce que Haven pouvais supporter en temps normal, mais là … Elle devait bien avouer que prendre sur elle était impératif.

Quand elle eu fini de gober les mouches. Elle chercha un moyen de doucement instiller chez Shairya un peu de doute, sur ce que représentent les ailes. Le choix des mots encore allait être périlleux. Elle en tremblait presque, et aurait certainement aimé que Kalten réagisse, lui ôtant ce poids. Impossible de décevoir une telle attente.

« Bien Shairya, je vais te les montrer, mais je voudrais que tu sache une chose, et que tu accepte une requête de ma part »
« Je veux que tu sache que se sera la première fois que je sollicite mes ailes sans en avoir vraiment besoin »
« Ensuite, je voudrais que tu les touches, c’est important pour moi ».

Haven se lève alors doucement de sa chaise. Prend un peu de recul par rapport à la table pour ne pas risquer de tout renverser, et se concentre … Quelques secondes plus tard, ses ailes blanches apparurent. Elle fixa Shairya de nouveau, espérant que celle-ci accèderait à sa requête.

« Voilà »

Ajouta-t-elle simplement. Puis elle attendit dans cette position, que Shairya s’approche et constate par elle-même ce qu’elle n’aurait sût admettre. Que ses ailes rêvées n’étaient faites que de plumes, comme celles d’un vulgaire oiseau.

Elles étaient là, immaculées, le souffle de leur ouverture avait soulevé quelques mèches de ses cheveux et elle avait pu sentir cette odeur caractéristique des Daevas, l’ether, Shairya n’avait pas détaché ses yeux de ceux de Haven jusqu’à ce qu’elles apparaissent, alors que le visage de la petite femme s’illumine de bonheur.

Elle tendit la main et attrapa une petite plume qui s’était échappée, voletant dans l’air gracieusement.

Shairya se mit à pleurer et se jeta dans les bras de Haven en lui disant entre deux hoquets.

« Merci..douce Dame Haven..merci..par la grâce de Siel et l’amour d’Aion …jamais plus je ne vous le réclamerais…jamais je ne vous demanderais de solliciter vos ailes, si tel est votre souhait..mais il fallait que je les vois…il le fallait »

Shairya se retira des bras de Haven, le visage toujours baigné de larmes mais un sourire radieux sur les lèvres et un éclair de vie dans les yeux, elle tendit la main pour caresser une des ailes de haven.

« Blanches comme l’amour que nous porte Aion, douces comme le regard que nous porte Siel, innombrables comme le sont leurs enfants, vos plumes sont le reflet d’Atreia Douce Dame Haven. » lui dit elle en les caressant tendrement du dos de sa main.

Quand Shairya lui sauta dans les bras, Haven cru défaillir …
Cette jeune femme lui donnait tellement sans le savoir. Elle avait le cœur près à éclater de bonheur. En plus de cette chaleur humaine, donnée avec tant de ferveur, une douce odeur de nacre montait vers elle. Depuis si longtemps se bonheur instantané lui était interdit … Elle ne le croyait plus possible. Et là … Décidément cette petite chamboulait son cœur. Elle allait devoir se reprendre en main si elle ne voulait pas devenir gâteuse et inefficace. Et puis cette petite avait déjà beaucoup d’admiration pour celles qu’elle nomme les Dames. Elle ne pouvait en avoir pour tout le monde. Cette dernière pensée la rassura un peu, et la fît sourire presque.

Puis Shairya toucha ses ailes comme elle le lui avait demandé. Quelle ne fût pas sa déception quand celle-ci se mit à les décrire avec autant de ferveur et d’éloges … Sur le coup, le doute s’insinua dans son esprit. Etait ce elle qui avait tord ?

« Merci Shairya, mais n’est ce pas un peu trop pour des ailes portées par une simple femme ? »

Elle lui fît un sourire rempli d’une tendresse immense, son regard posé sur elle, témoin de ce qui aurait pu être un amour maternel. Elle reprit son ton habituel en même temps que les ailes disparaissaient dans un tressaillement de magie.

« Je ne me considère pas autrement qu’une simple femme tu sais fervente Shairya. Une femme Daeva, je te l’accorde, mais d’abord une femme »
« Ces Ailes sont un don d’AION notre créateur pour servir sa cause. Mais elles ne font pas de moi autre chose que ce que je suis au fond de moi »

Une question lui brulait les lèvres. Mais elle avait peur d’aller trop vite. Aussi elle s’abstint de la poser pour le moment. Elle aurait bien l’occasion un autre jour. Elle se rassit alors et tourna son regard de nouveau vers Shairya, souriante comme à son habitude.

« Aller, viens donc continuer ton repas, tu as peut être encore faim ? Et peut être d’autres choses à nous raconter ou à demander ? »

Shairya hocha la tête, en effet ses appétits n’étaient pas entièrement rassasiés, elle reprendrait bien une part de flan et elle avait tant de choses à apprendre de ce nouveau monde. Elle s’assit donc sur sa chaise souriante, les joues encore toutes roses.

« Douce Dame Haven, Dame Elyssandre notre mère à toutes, dit toujours qu’il ne faut pas considérer les Daeva comme des déesses……..heu » elle s’interrompit en tournant son regard vers Kalten « heu…des dieux » changea t elle un ton plus bas « cela serait offenser les Déesses elles mêmes et renier l’essence même de l’humanité. Il n’en reste pas moins que vous êtes élu par Aion et Siel et que pour cela je vous dois respect et obéissance, comme tous devraient le faire d’ailleurs. » dit elle le regard franc « Tout simplement. » Ajouta t elle en mordant à pleine dent dans une énorme part de flan à l’Orméa.

Elle mangea sa part et bu un peu de thé en silence. S’essuya la bouche à l’aide d’un mouchoir de ruko et posa ses mains sur la table, soupirant d’aise, elle n’avait plus faim maintenant.

« Que voulez vous savoir d’autre Douce Dame Haven ? » lui demanda t elle d’un air sérieux, celui d’une écolière studieuse qui attendait les questions de son professeur.

Elle hésita, puis ajouta

« puis je moi-même poser des questions ? »

Haven souriait toujours. Un peut calmée de ses émotions, si fortes. Elle reprenait doucement le dessus. Mais elle ne voulait pas cacher sa joie de voir ainsi Shairya manger d’aussi bon cœur. Nul doute que la jeune femme commençait doucement à se faire à son nouvel environnement. Tous les signes étaient encourageants.

Aussi Haven décida de s’enhardir un peu dans la discussion. Pousser cette petite un peu plus loin. Egale à elle-même elle reprit alors la parole.

« Dame Elyssandre à raison. Un Daeva reste un humain, avant tout, pas un dieu ni une déesse ».
« Avant que tu ne pose ta question, je voudrais que tu réponde à celle-ci »

Haven s’assura que Shairya était bien attentive avant de continuer. Non pas que celle-ci se dissipa mais … après autant d’émotions et de chamboulements, et après un si bon gros repas, il ne fallait pas s’attendre à ce que la jeune femme soit au mieux de son éveil … Elle reprit donc.

« Le paysan travail dur la terre. Il en tire la matière pour fabriquer la nourriture. Et Cette nourriture est ensuite utilisée pour nourrir nos Daevas, entre autre ».
« Donc sans le paysan, pas de Daeva, et plus personne pour nous protéger ».
« Ne pense tu pas que nous devrions respect et obéissance aussi à se paysan ? »

Remise de ces émotions, Haven ne pouvait plus se cacher à elle-même la tendresse particulière qu’elle avait envie de donner à cette presque encore enfant. Elle se trouva au final ridicule d’avoir voulu enfouir ses sentiments. Et se félicitait d’avoir admis les faits. En attendant la réponse de la jeune femme, elle la regardait toujours avec cette tendresse que désormais elle de cacherait plus.

Shairya rendit son regard à Haven, lui souriant toujours, elle ressentait quelque chose mais ne saurait dire quoi. Cela devait être le pouvoir du regard des Dames se dit elle, l’amour d’Aion et de Siel exhalait à travers elles.

Alors que Haven lui demandait de répondre à sa question, Shairya, habituée aux épreuves, quelles qu’elles soient, elle se ressaisit, l’engourdissement de la digestion commençait à se faire sentir, et l’émoi qu’elle avait eut en recevant la bénédiction et la confirmation de la Daeva avaient totalement brisé les dernières faibles barrières que sa nature lui avait fait ériger contre l’inconnu, en un mot comme en cent, elle était totalement détendue.

Quand la question fut posée, la jeune pupille, favorite des novices fut prise au dépourvue un instant. Elle s’était attendu à une question sur les Ethernelles, leur histoire, leur organisation voir même leurs cérémonies...mais là..il s’agissait d’une question de théorie philosophique…

Elle prit le temps de réfléchir à la question et surtout à la réponse qu’elle allait donner, il n’était pas question de décevoir. Shairya était studieuse, elle aimait comprendre, elle aimait savoir et elle aimait ses maitresses, aussi elle mit quelques minutes à répondre.

Enfin, elle prit la parole, d’un ton posé et calme, si la voix n’avait pas été fluette et aigüe, celle d’une jeune fille, on aurait pu penser à la réponse d’une sage.

« Douce Dame Haven, j’aurais tendance à répondre oui à votre question, toutefois, je ne crois pas qu’il faille donner le même respect et la obéissance aux deux. Voyez vous la même responsabilité ne pèse pas sur leurs épaules, je suis certaine qu’une Dame puisse travailler la terre, je ne suis pas certaine qu’un paysan puisse comprendre les inclinaisons d’Aion et sache nous défendre contre les Dragons-Balaurs »

Elle hésita, mais on l’avait invité à parler franchement et donc elle reprit la parole comme elle l’aurait fait lors d’un cours enseigné par la sage Lynielle.

« Douce Dame Haven, êtes vous Daeva depuis longtemps ? »

Haven écouta attentivement la réponse de Shairya. Il était visible que celle-ci l’avait murie longuement avant de prononcer les mots. Cette petite était décidément tout à la fois. Volcanique dans sa ferveur et son dévouement. Calme et posée, presque, froide, dans sa réflexion et son analyse. Haven ne cessait d’être surprise par Shairya, en bien. Car même si son éducation laissait en effet entrevoir quelques failles, tout au moins au sens de Haven, Shairya ne manquait pas pour autant ni de cervelle ni de cœur.

Dans sa farouche volonté de devenir une femme bien, Shairya ne disait quasiment rien au hasard. Haven l’avait remarqué déjà. La réponse qui venait de tomber en était un reflet évident. Pourtant, il y a des choses que Shairya ignore, et Haven, non sans une certaine malice, s’en servait. Pour la bonne cause pensait-elle. Elle ne s’avouait bien sur pas à quel point, à chaque fois, elle tremblait de se tromper. Mais là, sans le savoir, Shairya venait de lui offrir une ouverture si énorme, qu’il était impossible pour Haven de ne pas en profiter.

Alors elle riva ses yeux dans ceux de Shairya. La couleur terre venait se mêler à celle de l’émeraude dans un ballet magique et invisible. Se racla discrètement la gorge pour que rien ne vienne entraver le flot des mots qui allaient êtres prononcés. Enfin elle s’attacha à ce que la douceur de sa voix fût encore plus que d’habitude la preuve de son amour pour cette jeune femme. Puis elle répondit.

« Non, du tout. Mon statut de Daeva est tout récent. Vois tu, avant de le devenir j’était une paysanne qui cultivait notre terre ».

Surprise, la petite adolescente ouvrit des yeux tout ronds, et une rougeur fugace passa sur son front et ses joues, et éclata de son rire cristallin, emprunt de naïveté et de spontanéité exempt de malignité ou de ruse.
Cette réponse l’avait certes surprise, puisque elle faisait de la question de Haven non pas un cas d’école mais une réalité, elle avait été piégée, pour autant elle ne changeait pas d’avis sur la question, pour elle le respect du à un Daeva n’était pas le même que celui du à quiconque, y compris un paysan.

« Alors, Douce Dame Haven, je vous dois double respect n’est ce pas ? » lui dit elle en souriant.

Shairya avait été surprise également pas le fait que Haven était Daeva depuis peu, son regard était tellement sage, qu’elle pensait que la Daeva devait avoir le même âge que Dame Elyssandre, et loin s’en faut à priori. Par Siel, elle avait encore tant à apprendre.

La jeune fille reprit son calme et demanda d’un ton singulier, les yeux brillants de curiosité.

« Douce Dame Haven, ma réponse vous a-t-elle offensée dite moi ? J’espère que je ne me suis pas mal exprimée. Cela dit, j’ai raison sur un point …vous, une Dame, savez mieux travailler la terre que moi …une simple Ethernelle. » lui dit elle en chipant une miette de flan mécaniquement.

Le rire de Haven vins se joindre à celui de shairya, tout aussi sincère, avec ce qui depuis peu la travaillait, cette pointe de tendresse irrépressible. Son regard aussi en portait l’emprunte, quand Shairya lui posa cette question étrange aux yeux de Haven.

« Tu ne me dois rien Shairya. Rien sauf que ce que toi tu pense que je mérite».
« Quand tu est arrivée nous t’avons proposé une chambre et un repas. Mais je ne te demande rien en retour. C’est à toi de décider ce que vaux à tes yeux ce que nous t’avons offert »
« Si tu décide que tu me respecte alors tu m’honore. C’est qu’à tes yeux je le mérite. Et dans ce cas là c’est toi qui me fait un cadeau »

Haven bût un peu de lait frais, courte pause, puis elle repris sans avoir pris conscience de sa nouvelle moustache toute blanche.

« Je ne suis pas offensée le moins du monde. Quand à ton expression … Elle est surprenante de sagesse pour une jeune femme de ton âge. Les enseignements que tu as reçus sont surement d’une grande qualité. Tu as sans doute eu une grande chance. »

Alors Haven se pencha en avant pour être au plus proche de Shairya, et elle se mît à chuchoter comme si elle voulait lui dévoiler un secret de la plus haute importance.

« Peut être que je sais mieux travailler la terre que toi, une « Simple Ethernelle ». Mais je pense que contrairement à moi, une « Simple paysanne », toi au moins, tu sais lire et écrire … »

Sur ces mots Haven se redressa et se mît à rire une seconde fois. Un petit rire discret, mais sincère. Puis comme si une idée venait furtivement de traverser son esprit, elle reprit son sérieux et ajouta sur un ton empli de curiosité.

« Mais au fait … c’est vrai ca … nous ne savons même pas ton âge. Acceptes-tu de le dire ? »
« Ensuite nous nettoierons cette table, et nous irons faires quelques courses au village si tu accepte de venir avec moi ».

Shairya resta perplexe à la réflexion de Haven sur le fait de ne rien demander en retour sur la chambre et le couvert, l’idée de commerce lui était complètement étrangère. D’autre part, le respect qu’elle avait pour Haven était tellement naturel pour elle, qu’elle ne comprenait pas trop pourquoi il s’agissait là d’un présent, mais il semblait que son éducation à la Cime Sacrée et le reste du monde soit vraiment différent.

Shairya commençait à philosopher, à réfléchie à la question quand Haven, prit un air mystérieux, un regard complice et se pencha en avant, pour se rapprocher d’elle, Shairya stoppa donc ses pensées et s’apprêtait à recevoir une vérité, un secret ou une confidence mystique mais ne pu que loucher sur la moustache blanche apparue au dessus des lèvres de la prêtresse.

Elle ne su que répondre par l’affirmative de la tête, la bougeant frénétiquement de haut en bas, toujours en louchant sur la moustache blanche. Ne sachant pas ce qu’il devait être fait ici, dans la circonstance, ne voulant pas paraitre encore une fois déplacée, elle ne pu que tendre son mouchoir propre de Ruko à Haven tout en lui répondant d’un ton très solennel.

« Quand les pluma sortiront de leurs œufs colorés, le ciel me donnera quatorze soleils. » dit elle fièrement en se levant pour commencer à nettoyer la table .

« je serais ravie de .partager. heu… les courses avec vous au village »

Elle avait hésité sur le mot courses, ne sachant pas de quoi il s’agissait exactement, mais était plus que ravie de rendre service et de faire quelque chose avec la Dame.

Haven ouvrit de grands yeux, étonnée. Mais quel pouvais bien être le rapport entre le fait qu’elle ne sache ni lire ni écrire, et se mouchoir de ruko que lui tendait Shairya … Son regard scrutait celui de la jeune femme, dans l’espoir de trouver une réponse. Etait-ce un signe ? Un geste cérémonial de la cime sacrée ? Elle prit le mouchoir mais de façon machinale, parce que la jeune femme le lui tendait. Toujours sans comprendre … Et le garda en main, espérant sans doute quelques éclaircissements.

« Quatorze années, et bien, tu n’es déjà plus une enfant dis moi !! »

Haven se mit aussi au travail, empilant les bols et les couverts pour pouvoir ensuite les transporter dans l’arrière cuisine.
Sentant la légère hésitation de Shairya au mot « courses », la prêtresse compris que c’était surement encore une chose nouvelle pour la jeune femme.

« Tu vas voir, les courses ca peut être amusant »

Ne sachant toujours pas quoi en faire, Haven tendis le mouchoir intact à Shairya.

« On fini de ranger tout ca et on va se changer. Comme on va croiser pleins de gens, il vaut mieux que l’on soit … présentables, histoire de ne choquer personne sur la place du village »

Prise au dépourvue, Shairya reprit son mouchoir et s'approcha de Haven.

Se mettant sur la pointe des pieds rapidement, elle prit sur elle d'essuyer la moustache de la Dame.

"Douce Dame Haven, les Abbex vous on fait un cadeau rigolo" lui dit elle en souriant, rougissant légèrement, mettant ses mains dans le dos, attendant la réaction de la pretresse.

Haven ne réagi pas quand Shairya s’approche de son visage armée de son mouchoir de Ruko. Elle-même ne saurait dire vraiment pourquoi, ou plutôt, elle préfère ne pas y penser. Mais à aucun moment, malgré le minimum de prudence qu’implique son appartenance aux Atreides, elle ne se senti en danger. Et puis, elle ne comprenait toujours pas cette histoire de mouchoir. Le meilleur moyen de comprendre restant de laisser faire la jeune femme.

Le geste, délicat et familier. Puis les paroles … Surtout le mot Abbex, et enfin Haven compris !! Bon sang elle avait du avoir l’air ridicule. Mais rien qu’à cette idée … Elle se mit à rire de bon cœur. Elle se fend d’une courbette devant Shairya pour la remercier.

« Merci Shairya, pour ton mouchoir, mais aussi pour avoir gardé ton sérieux, je ne crois pas que j’y serait arrivée à ta place ».

Puis elle repart d’un petit rire plus discret, mais sincère.

« Une chance que tu ne m’ais pas laissée sortir ainsi !! » lui dit’ elle en souriant.

« Aller Hop ! On va se changer, et on se retrouve ici dans une demi heure …, il faut que tu vois un petit bout de notre monde »

Mêlant le geste à la parole, elle se dirige vers la cuisine avec ce qu’elle as dans les bras, et invite de la tête Shairya à en faire autant.
Une fois les affaires déposées dans l’arrière cuisine, elle se rends à l’étage, non sans avoir ajouté à l’intention de la jeune femme qui louchait sur le bac à vaisselle.

« On s’occupera de ca plus tard » Dans un grand sourire.

Elle entre dans sa chambre, juste avant que Shairya ne fasse de même, et se met à fouiller dans ses affaires. Elle fouille, retourne, refouille, re retoure … Incapable de ce décider. C’est un sentiment étrange, et qui, quand elle l’identifie enfin, la laisse perplexe. Elle avait envie d’être belle. Oh bien sur pas comme dans les réceptions de Sanctum, non. Disons plutôt … un peu soignée. Pour une fois, depuis une sinistre journée d’automne, elle avait envie de paraitre. Pourtant ce n’était pas son genre. Et puis paraitre pour qui ? Décidément, ses pensées parfois lui semblaient bien étranges et surprenantes.

Finalement elle se décide pour un ensemble de tissus travaillé, cadeau de sa mère. Qui elle-même le tenait de sa mère et ainsi de suite. Personne ne savait trop depuis combien de temps cette tenue était dans la famille, mais elle se passait de mère en fille depuis des générations. Et malgré l’âge certain de l’ensemble, celui-ci lui donnait tout de même un semblant de distinction. Très simple bien sûr. Mais pour une femme qui ne s’habille vraiment jamais, cela changeait beaucoup.

Le haut est une sorte de chemise à manches bouffantes et courtes. Blanc. Le col ne se ferme pas, et le haut de la tenue laisse entrevoir sa peau blanche un peu en deçà de la base du cou. Quelques froufrous timides vienent ornementer un peu le linge blanc cassé. Un petit liseré ocre tranche aux manches, et en faisant le tour de la chemise juste en dessous de la poitrine.

La robe elle, est longue et ample. Marron clair, un peu comme la couleur des feuilles d’automne. Elle s’envole un peu à chaque rotation de la Dame, laissant entrevoir une paire de bottine en cuir travaillé, montées sur de petits talons.

Rien en somme ne donnait vraiment à cette tenue un charme ou un charisme particulier. Mais dans cette tenue, le visage de Haven s’était éclairé, et rayonnait plus qu’à l’habitude.

Satisfaite, elle se regarde quelques instants ainsi vêtue. Eu soudain une furieuse envie de verser quelques larmes, mais en même temps, se sentait si bien, et Fière.

Elle se décide enfin à franchir le pas de la porte de sa chambre. Prête à faire fît de toutes les sottises que les hommes ne manqueraient pas de lui dire. Elle s’en moquait à cet instant. Elle se sent si bien.

Une fois dans le couloir, elle se met à parler à voix haute.

« Shairya, je suis prête, je descends et t’attend en bas, ne traine pas trop … »

Toute à ses émotions, il en lui était même pas venue à l’esprit que la jeune femme était peut être déjà prête depuis longtemps, à l’attendre. Sa notion du temps était un peu brouillée.

Tout s’enchaina très vite, une fois le rangement du petit déjeuner terminé, sans que la vaisselle ne soit faite Shairya reçu l’ordre d’aller se changer pour visiter le monde des courses.

Arrivée dans l’immense pièce qui lui avait été attribuée, elle resta perplexe car se changer ne rimait pas à grand-chose la concernant, elle ne possédait que sa tunique de ruko et son armure de cuir, enfin le terme armure aurait fait rire à gorge déployée Zaliriel ou Shaolyn.

Qu’attendait donc Haven de la part de Shairya. Les courses devaient donc être une sorte de cérémonie où il fallait porter une tenue particulière, mais laquelle. La petite aventurière réfléchit longuement, sans pour autant trouver de réponse.

Elle sortit dans le couloir et écouta attentivement les sons qui venaient de l’étage, fermant les yeux et se concentrant un maximum pour comprendre et analyser ce qu’elle entendait. Elle ne manqua pas de comprendre que Haven mettait un point d’honneur à choisir la tenue, adéquate. Shairya commençait à paniquer. Une respiration, deux respirations, elle souffla et se ressaisit, une Ethernelle ne panique pas !

Elle prit donc la décision d’enfiler sa jupette en cuir souple marron clair et sa tunique en ruko blanche, histoire de mélanger les genres, afin de montrer qui elle était à travers sa tenue : une simple aventurière désormais. Elle enfila l’unique paire de bottines qu’elle possédait et prit d’une inspiration soudaine, elle dévala les escaliers à toute vitesse, sortie dans la cours et après quelques minutes de recherche, trouva ce qu’elle voulait, une magnifique fleur d’Aria qu’elle fixa sur ses cheveux.

Elle entendit Haven l’appeler et se rendit à sa rencontre dans la grande salle du bas, se tenant droite comme un i. Elle était prête pour faire « les courses », quoi qu’un peux inquiète de la réaction de la Dame quant au choix de sa tenue.

« Oh tu es déjà là, j’espère que je ne t’ai pas trop fait attendre » Dit-elle avec un sourire gêné.
« Je vois que tu est prête à affronter le monde » Ajoute-t-elle avec un large sourire cette fois.
« Oh mince j’allait oublier !!! »

Haven se rue dans la cuisine, on peut entendre quelques mots échangés avec Sawyer, puis elle réapparait aussitôt avec en main deux énormes paniers. Elle en tend un à Shairya.

« Cette fois-ci on est prêtes !! »

« Faites quand même attention » cria Sawyer du fond de la cuisine au moment où les deux femmes franchissaient la porte de l’auberge.

Et les voilà partis sur la route. L’auberge n’est pas très loin du village, mais celui-ci, dû à ses nombreuses fermes, était très vaste. Le premier arrêt se fait après à peine 15 minutes de marche. 15 minutes qui furent silencieuses. Tout le long de la route, Haven fermait les yeux de temps en temps et prenait de grande inspirations. Une fois sur place, elle négocia avec le paysan le prix de quelques pièces de viande de porgus, bien enveloppées dans un linge propre. Dans le courant de la discussion l’homme pris des nouvelles de Sawyer. Puis Haven lui donne quelques Kinah pour la viande, et les deux femmes reprennent la route.

Le décor est très différent de celui de l’auberge qui elle, se trouve à l’orée du bois. Ici c’est plutôt rase campagne avec de nombreux champs et des arbres fruitiers un peut partout. Le paysan était un homme assez rustre, et de prime abord bourru, mais il respirait l’honnêteté et le travail. La ferme elle était une vieille bâtisse toute fissurée. Les porgus étaient gardés dans un enclos à l’écart. Ca sentait tellement mauvais …

Revoilà les deux femmes sur la route donc. En route pour la ferme suivante. Haven semblait heureuse et détendue.

« Alors Shairya, comment te sent tu ? » Elle la regardait enfin, toujours avec cette tendresse dans le regard.
« La prochaine ferme est à presque une heure de marche, nous avons le temps de parler »

Shairya était ravie, de rencontrer le monde, elle se sentait en totale sécurité avec la dame, qui semblait connaitre ses ouailles très bien...comme Dame Elyssandre.

Seulement elle était perplexe, et était restée silencieuse jusque là, l'intervention de Haven lui donna l'occasion de poser une question qui lui avait brulé les levres depuis leur première rencontre avec un vieil homme.

"Ho oui je suis ravie, je n'ai guère eut le temps dans ma fuite, de voir comment les gens vivaient ici c'est très très interressant. Et finalement assez proche de ce que l'on m'a enseigné sur la vie du village des Ethernelles. Vous semblez si proche de votre peuple Douce Dame Haven." elle hésita, et reprit "Toutefois...heu...qu'est ce que c'est que ça ??" finit elle par demander en montrant la bourse de kinha de Haven.

« … de votre peuple … » Haven stop net sa marche.
Les mots résonnent encore dans sa tête alors qu’elle se demande si elle a bien entendu. Quelques secondes pour se remémorer la scène exactement, lui suffirent pour se rendre compte que oui, par AION. Puis la question sur les Kinah …
La Clerc ne pût faire autre chose que de rester un instant bouche bée, elle se demandait ce qu’il était possible de répondre à une chose pareil …
Impossible pour sa petite personne, d’expliquer les différences entre deux univers, l’un étant aussi évident pour elle que l’autre, La Cime Sacrée, était évident pour la jeune femme.
Cathar lui avait expliqué milles choses. La vie lui avait appris milles choses. Mais là …
Un grand vide l’envahie soudain. Elle se sentait si inutile et incapable d’expliquer. Elle se rendait compte que tout son cœur et toute sa force ne suffisent pas à vaincre des différences profondes, et à plus grande échelle, les fondements de sa quête vacillaient. Comment espérer œuvrer pour le rapprochement entre deux peuples en guerre, alors qu’elle n’est même pas capable d’expliquer son monde à Shairya.
Haven pousse un léger soupir, qu’elle espère malgré tout inaudible.
Elle se tourne vers Shairya, toujours avec le sourire, mais les traits trahissant un certain malaise.
« Shairya je … je me demande si je suis la bonne personne pour tout expliquer. Je me rends compte que c’est si dur. Je ne pensait pas la tache si ardue ».
Elle ajoute aussitôt avec empressement.
« Oh ce n’est pas toi tu sais, pas du tout. Je crois que c’est moi qui ne suis pas une bonne personne pour expliquer les choses … »
Cette fois le soupir fût parfaitement audible, et elle ne chercha même pas à s’en cacher.
« Je ne suis assurément pas à la hauteur de Dame Elyssandre » souri-t-elle un peu tristement.
…
« Bon je vais essayer. Mais pardonne-moi d’avance si je suis maladroite. »
Elle reprit un peu de constance, juste ce qu’il faut pour que le timbre de sa voix ne tremble pas trop. Reflet de cette angoisse qui venait de naitre.
« Ces gens ne sont pas Mon peuple. Enfin pas au sens où je crois que tu l’entends. Nous somment un peuple bien sur, celui des Habitants d’Atreia. Mais je ne suis rien pour ces gens. Et surement pas un guide ou une grande prêtresse. Je suis juste une personne, comme eux, ni plus, ni moins. »
« Quand à ceci. C’est une bourse de Kinah. Ce sont des pièces qui servent à payer les gens pour leurs services ou leurs produits. Chacun travaille pour gagner des Kinah, et chacun utilise ces Pièces pour acheter ce qui lui manque aux autres. C’est un échange en quelque sorte. »
Haven avait grand honte de son explication aussi embrouillée que vaseuse. Si la pauvre Shairya n’était pas perdue après ca …. Son regard masquait mal son triste sentiment d'impuissance.

Shairya regarda Haven de son regard vert, intense et pétillant de jeunesse et elle lui fit un sourire, simple et dénué de malice.

« Douce Dame Haven, évidemment que vous n’êtes pas la personne idéal pour tout expliquer, je ne vous en demande pas tant » elle s’approcha d’elle et continua.

« A la cime Sacrée nous n’avons pas le moins d’une demi douzaine de sages qui nous enseignent le monde.. » elle s’interrompit, ses joues rosissant légèrement et une éclaire fugace traversa son regard émeraude « le monde tel que nous le connaissons, nous les ethernelles "

Elle s’arrêta net devant Haven et la regarda dans les yeux, avec toute la tendresse et l’amour que pouvait ressentir Shairya pour une Dame « comment pourriez vous, vous qui êtes si jeune par rapport à mes maitresses, m’enseigner tout sur un monde qui semble bien plus vaste que le notre ? »

Elle secoua lentement la tête de gauche à droite et lui dit doucement, d’un ton proche du murmure « ne vous comparez pas à Dame Elyssandre, Douce Dame Haven, je vous en prie, et pardonnez moi d’y faire si souvent référence, mais elle est notre mère à toute, l’essence des Ethernelles, sa sagesse et aussi vieille que le monde » Elle sourit, cette fois ci un sourire espiègle « ou presque. Vous êtes Haven, et je vous chérie et vous respecte pour ce que vous êtes, Aion vous a choisit et cela me suffit. N’est ce pas vous qui disiez que l’ignorance n’est pas un mal ? »

Elle lui prit la main et ajouta « j’ai beaucoup apprit en votre présence Douce Dame Haven, je vous assure. Et j’ai hâte d’en apprendre plus !! »

Elle lâcha la main et mit ses deux poings sur les hanches, fronçant les sourcils, faisant une moue boudeuse de ses lèvres roses.

« le monde est bien plus vaste que celui que nous connaissons chez les ethernelles, je peux comprendre qu’il ne soit pas dirigé que par une Daeva. Nous servons douze Seigneurs, et je suppose donc que le conseil des douze dirigent Atreia » elle réfléchit un instant, et déclama tout haut « Dame Siel, étoile parmi les divins nous guide, Israphel est son protecteur, fils d'Aion. Dame Ariel la sage mère de tous et Dame Kaithiel la fougueuse, maitresse du changement, Dame Usthiel nous apprend le respect de la vie, Dame Triniel froide et distante nous enseigne l’art de la stratégie et de la tactique, Dame Lumiel lumière et flamme, maitresse des arcanes magiques aidées en leur tache par leur Lord. Nezakan le bouclier muet, Baizel l’observateur silencieux, Asphel le guerrier, celui qui mène l’assaut, Markutan le protecteur et Jikel le colérique, celui qui punit les fautives »

A chaque nom prononcé, Shairya faisait discrètement un signe religieux dans le vide avec sa main droite, afin de saluer respectueusement les seigneurs.

« Vous avez été élue par Aion, cela m’a suffit à moi, mais cela ne suffit sans doute pas pour tout le monde. Les atreins n’on sans doute pas la même ferveur religieuse que les Ethernelles»

« Quant aux Kinah..non vraiment je ne comprend pas…mais ce n’est pas important n’est ce pas ? »

Shairya souriait à Haven

« Mais une chose est certaine, nous sommes tous les enfants chéris d’Aion, et c’est tout ce qui compte ! »

Décidément. Ce petit bout de femme allait finir par être plus sage qu’elle. Que de vérité, alors qu’elle s’angoisse pour des choses dont elle n’avait pas la bonne vision. Evidemment quelle ne peut pas à elle seule répondre à tout, sur tout. Pourquoi par AION c’était-elle enfermée elle-même dans cette démarche. Une chose était sûre en tout cas, elle allait apprendre de cette petite autant que ce qu’elle pourrait lui apprendre en retour, sinon plus. Cela la fît sourire. Le problème de Shairya n’était visiblement pas philosophique ou religieux, mais bien lié à son environnement.

Par contre, il y a des mots … Haven n’avait pas fait attention tout de suite. Mais là, le calme un peu revenu, elle commençait à se poser des questions. Il fallait qu’elle soit sûre …

« Merci Shairya de tes paroles, elles me vont droit au cœur. Tu fait preuve d’une étonnante sagesse pour une jeune femme de ton âge ».
« Mais dis moi … tu parle du conseil des 12 Seigneurs Empyréens … Je … je ne sais pas trop comment dire ca … tu sais, la tour, la guerre, les deux gardiens de la tour qui se sont sacrifiés pour sauver notre monde … la scission entre les Seigneurs … N’est ce pas ? »

Aussitôt sa phrase terminée, Haven se demandait si elle avait bien fait d’être aussi directe. Au fond d’elle-même elle espérait simplement être ridicule. Mais une pointe d’inquiétude lui serrait l’estomac. Elle fixait Shairya, guettant son moindre regard, sa moindre expréssion.

Après avoir hochée la tête deux fois de suite, en souriant, Shairya maintenant penchait la tête sur le coté, le menton dans sa main droite et ses yeux fixement ouvert dans ceux de Haven.

"hum..de quoi parlez vous Douce Dame Haven ?"

L'enfant prodige de la cime sacrée, se sentait en faute. Une partie de l'histoire qu'elle avait oubliée ?de quoi voulait bien parler la Dame. Elle reflechissait intensement, elle cherchait dans le regard de son interlocutrice un indice sur ce qui se passait...une blague, une épreuve.....non rien de malicieux n'avait l'air de soudre de la Dame...alors elle se remit à douter, était elle encore dans le monde d'Aion, était elle en train de rever..ou plutot de cauchemarder.....

Un noeud dans l'estomac, elle attendait la réponse.

Une fois de plus, et même si pour le coup elle s’y attendait sans vouloir envisager cette possibilité, Shairya venait de la figée une nouvelle fois. Au début elle avait eu un doute, mais en pensant qu’elle avait forcement mal compris. Et d’un coup d’un seul, le doute disparait, pour faire place à la stupeur.

Haven elle aussi fixait la jeune femme dans les yeux, noyant son regard de terre dans celui de mer de Shairya. Elle était partagée entre deux sentiments. La stupeur de comprendre que Shairya avait traverser le temps, et la tristesse de devoir lui expliquer la situation actuelle.

Non mais elle virait folle. Comment croire des choses pareil, intérieurement elle commença à se traiter de folle et de pauvre fille. Il y avait forcément une explication. Cathar disait qu’il y avait toujours une explication à tout, mais que souvent on ne la connaissait pas tout simplement. Mais alors … comment savoir …

Sa tendresse et son attachement ne faisaient que grandir envers cette petite, si surprenante et merveilleuse. Cela se lisait dans son regard … de mère. Mais là, la situation devenait bien compliquée pour une simple fermière de Poéta. Que faire, que dire. Une chose était sûre, il fallait tenter de découvrir de quoi il en retournait vraiment.

« … Bien … je parle de … »

Haven hésite, puis se ravise, et trouve enfin, peut être, une piste.

« Ne trouve tu pas que la lumière qui nous éclaire est différente de celle dont tu as l’habitude ? »
« Tu avais déjà vu cet Astre ? »
Demanda-t-elle en pointant son doigt vers l’Astre qui illuminait Elyséa depuis la destruction de la tour.

Un frisson passa dans le dos de la jeune fille, le regard de Haven avait quelque chose de particulier qu'elle n'avait jamais vu de la part d'Elyssandre, une intensité étrange, pas désagréable, ni agressif, autre chose qu'en tant qu'orpheline elle n'avait jamais pu voir ; le regard d'une mère, d'une vraie...d'une femme qui avait enfanté. Elle se sentait très étrange sous ce regard qu’elle ne pu finalement pas soutenir, l’inconnue était trop forte.

A la question de Haven, elle ne pu que suivre du regard ce que Haven montrait. La question lui paru étrange évidemment, mais en raisonnant un peu elle savait qu’il ne fallait pas s’arrêter à cela puisqu’à priori énormément de choses les séparaient, du petit détail aux grands principes de vie.

« Oui Douce Dame Haven, je connais cela, et j’ai toujours connu cette lumière, encore qu’ici elle n’est pas filtrée par les feuilles des arbres et est donc plus vive qu’à la Cime Sacrée. Il s’agit de la douce lumière divine émise par la Tour de l'Eternité. » Shairya ferma un bref instant les yeux, et prit une respiration sereine, comme pour se ressourcer, justement par cette lumière. Et elle reprit en ouvrant les yeux et en souriant, elle récita « La Tour est une flèche monumentale touchant les cieux et s'enfonçant dans les entrailles de la terre. Elle prodigue sa lumière en toute circonstance, unifiant ainsi l'univers et nous rappelant à tous la bienveillance de notre dieu à tous ; Aion. »

Elle se tourna vers Haven , fière de sa récitation et eut une idée qui la rendit tout à coup joyeuse et impatiente et lui demanda :

« Ho allez-vous m’emmener voir la tour dites, Douce Dame Haven ? »

Shairya n’avait pas répondu à sa question concernant l’Astre. Mais pourquoi … Haven était encore pleine de doutes quand à la vraie raison du « Décalage » de Shairya dans le temps. Elle écoute celle-ci réciter sa litanie parfaitement apprise, chaque mot la rendait plus mal à l’aise.

Il semblait improbable qu’une dame comme Elyssandre dont parle si souvent la jeune femme soit du genre à garder volontairement dans l’ignorance tant de générations. Quel mensonge. Mais d’un autre coté, il était tout aussi peu probable que Shairya vienne non pas de loin, mais d’un lointain passé.

La Clerc cherchait de l’aide en elle-même pour savoir quoi faire. En même temps que grandissait cet amour qu’elle ressentait désormais pour cette petite, son malaise de la voir si loin de la vérité, sa vérité en tout cas, lui aurait fait pâlir la peau si celle-ci ne l’était pas déjà.

Et puis comme Haven finissait par en prendre l’habitude, la réponse qui semblait si inaccessible, arriva encore et toujours part ce petit bout de femme, devenu si cher à son cœur.
Montrer la tour, bien sur. C’était simple, mais … n’était-ce pas Cruel en même temps. Haven ravala sa salive et déglutie. Elle ne se rappelait pas avoir été aussi mal, malade ?, depuis la destruction de sa famille. Tant de souvenirs, tant d’analogie, Shairya allait-elle souffrir autant que … En aurait-elle le courage …

Haven n’y pouvait rien. Son visage n’avait jamais pu cacher ses émotions. Et cette fois encore, elle le savait, Shairya devait avoir déjà compris que quelque chose n’allait pas, et cela la rendait encore plus mal. Mais … elle devait le faire. Alors elle se fit violence comme jamais, et répondit à Shairya d’une voix faible et mal assurée, presque tremblante.

« Tu as raison, allons la voir ».
« Elle est trop loin pour pouvoir s’en approcher mais … si on monte sur cette colline la bas, on devrait la voir parfaitement. ».

Haven pointait du doigt une butte de terre plus haute que la cime des arbres de la forêt, non loin.

« Je te demande juste une chose, tu me tiens la main, et en aucun cas tu ne la lâche ».
« En aucun cas ! »

Haven pris d’autorité la main de la jeune Shairya, et se mit en route, pâle et silencieuse, vers la colline en question.

Elle aurait du en être heureuse, ravie, exaltée même, d’avoir l’opportunité de voir la fameuse tour, la création primaire du dieu parmi les dieux, pourtant un gout amer se fit sentir dans sa bouche, quelque chose n’allait pas et cela la rendait mal à l’aise.

Le visage d’Haven avait les stigmates d’une tension, d’une inquiétude intense, et quand elle prit la parole sa voix tremblait, le ton qu’elle employait était plus haut qu’à l’habitude signe que quelque chose la perturbait au plus au point. Mais quoi ?

Shairya aimait beaucoup la Dame, même si elle ne la connaissait pas depuis longtemps, un lien affectif s’était tissé entre elle, naturellement, les quelques conversations qu’elles avaient eut lui en avait appris beaucoup et bien sur elle ne pouvait pas s’empêcher de faire une analogie avec Dame Elyssandre, toutes deux ne pouvaient cacher leurs émotions, leur visage était un livre ouvert.

Elle se laissa prendre la main, et leva son regard vers Haven, les yeux encore brillants d’exaltation, hocha la tête, serra légèrement la main de la dame pour lui montrer qu’elle avait compris et lui fit un sourire chaleureux, pour lui montrer son affection.

« Douce Dame Haven, je ne vois bien que quelque chose ne va pas. Voir la tour vous est il pénible dites moi ? » Conjectura t elle avec une inquiétude grandissante.

Haven ne savais pas comment dire les choses. Il semblait évident, pour quelque raison que se soit, que Shairya n’était pas informée de la chute de la tour, ni de la disparition de deux des Empyréens, et encore moins de la scission du monde. Non pas qu’elle n’était pas capable de raconter cet état de fait, mais plutôt qu’elle ne savait pas comment l’annoncer à Shairya, surtout au vu de sa ferveur incroyable. Il fallait qu’elle voie, ensuite raconter sera plus simple.

La clerc eu un très léger soupir triste.

« Non Shairya, voir la tour ne me dérange pas le moins du monde. »
« C’est que … Enfin il faut juste que nous montions sur cette butte pour la voir, ensuite nous en discuterons ».

Tenant toujours avec douceur, mais bien décidée à ne pas la lâcher, la main de la jeune femme. Haven se mit en route d’un pas décidé.