Une tranche de vie...

« D’accord » répondit tout simplement la jeune fille, et commençant à petit pas l’avancée vers la colline.

Accélérant le rythme de sa marche Shairya passa de petits pas, à petits bons et serait arrivée en courant au sommet de la petite colline si la montée ne l’avait pas quelque peu essoufflé. Tenant toujours la main de Haven, elle sentait cette douceur rassurante, ce lien qui s’était tissé entre elles était à l’instant présent matérialisé par ce contact continu.

Son esprit était exacerbé, tous les sentiments qu’elle connaissait se mélangeaient, voir la tour d’Aion était comme la finalité au pèlerinage qu’elle avait accomplit jusque là, pour elle cette tour était la réponse à toutes ces questions, tous ses doutes allaient être effacés, pourtant une inquiétude ne cessait de croitre dans son cœur, c’était si facile, il avait juste fallut demander à voir la tour et comme par hasard, elle était là …Les voix d’Aion étaient décidemment difficiles à comprendre pour une simple mortelle se disait Shairya sans se douter qu’un jour elle aussi aurait la charge de porter ses propres ailes.

Enfin, elles arrivèrent au sommet de cette colline, faisant fuir par la même un couple de petits lapins à grandes oreilles qui bondissaient rapidement en direction de la foret, le laissant bientôt apparaitre que leur petit bout de queue blanche et ronde.

Shairya ne comprit pas ce qu’elle vit. Devant elle, ne se dressaient que des ruines, les vestiges d’une civilisation, mais en aucun cas la flèche de lumière qui devait la guider, la rassurer, la baigner d’une aura divine et rassurante. Il n’y avait pas de Daeva dansants dans le ciel, chantant les louanges des douze, aucune musique divine ne faisait vibrer ses oreilles. Rien, que des ruines. Elle tourna alors son regard vers Haven, tournant légèrement la tête, les traits figés de la clerc, son regard triste et son visage contracté marquaient les tourments de Dame. Shairya comprit à cet instant que son ignorance était plus grande que ce qu’elle avait imaginé. Soit que sa connaissance du monde et de son histoire était tronquée, soit que son voyage n’avait pas été aussi linéaire que ce qu’elle l’avait supposé, toujours est il que la tour devant elle, et il ne pouvait s’agir que de la tour, Dame Haven ne pouvait lui avoir joué un mauvais tour, était en ruine, signe que quelque chose d’effrayant, d’inimaginable s’était produit et cela la terrorisait.

Sa première volonté fut de courir par devant ces ruines, les toucher vérifier par tous ses sens que ses yeux ne la trompaient pas, mais la douce chaleur qu’elle ressentait dans la main lui rappelait qu’elle n’était pas seule, qu’une Dame l’accompagnait. Cette douceur était particulière, Shairya, sans se l’expliquer, avait toujours eut une affinité avec l’ether qui entourait les Daeva, elle ressentait l’ether comme on peut sentir le parfum d’une fleur, cette douceur donc la ramena vers Haven, lui ramena les pieds sur terre.

Shairya explosa et fondit en larmes s’accrochant aux jupes de Haven, elle pleurait tellement qu’elle ne pu prononcer un mot durant de longues minutes, Haven ne sut quoi faire dans les premiers instants de cette affligeante manifestation de peine et de douleur.

Elle avait beau s’y être préparée, elle ne pût retenir ses larmes quand Shairya compris ce qu’il en était en vérité. Elle se senti soudain d’une cruauté sans nom, d’avoir confrontée Shairya à cette vérité sans avoir sût l’y préparer à l’avance, par ignorance. Un sentiment de honte grandissait en elle, mêlée d’une peine immense pour les pleurs de Shairya. Elle s’en voulait de n’avoir pas sût faire autrement. Et puis les mots de Shairya lui revinrent en mémoire.
« Comment pourriez vous, vous qui êtes si jeune par rapport à mes maitresses, m’enseigner tout sur un monde qui semble bien plus vaste que le notre ? »
Il n’empêche, face à la douleur de cette enfant, car dans sa douleur, elle était redevenue temporairement une enfant, Haven se sentait si impuissante. Aussi, lorsque Shairya se jeta dans ses jambes, Haven se baissa aussitôt jusqu’à être à son niveau, et l’enlaça avec toute la force et la douceur de cet amour naissant. Elle lui caressait les cheveux en signe de compassion et de partage. Et elle cherchait des mots, en même temps elle se maudissait d’être une si piètre mère, incapable de trouver les mots justes.

Les deux femmes restèrent ainsi durant de longues minutes, pleurant sur le sort de ce monde mutilé. Puis la Clerc, que le spectacle n’émouvait en général pas plus que cela, puisque elle n’avait pas connu cette tour autrement, se repris doucement. Sentant sans l’expliquer que si elle reprenait ses esprits, Shairya prendrait le dessus aussi. Mais pour ca, il lui faudrait une raison, un but. Un lien indéfectible avec son avenir. Et là, pour une fois, la Clerc savait avoir une réponse. Elle murmura à l’oreille de Shairya.

« Un jour peut être nous saurons la reconstruire, c’est mon rêve secret. »
« C’est pour ca que je suis devenue Daeva, juste pour ca. »
« Peut-être que tu m’y aideras, cette tache semble si grande pour une pauvre paysanne et ses rares amis. »

Haven n’attendait évidemment pas de réponse immédiate, alors elle ne cessa pas un instant de cajoler la jeune femme pour la consoler. La courte vie des ces enfants lui avait appris une chose, au moins. Le contact physique d’une mère calme bien des chagrins, aussi grands soient’ ils. Et là au moins, elle espérait être à la hauteur. Espérant simplement que ses quelques mots puissent aider cette jeune femme à retrouver la route de son destin. Après tout. La question se posait encore de savoir d’où venait Shairya exactement. Et qui sait si la réponse n’apporterait pas son lot d’espoir.

Le temps filait comme l’Ether dans les Abysses. Les sanglots se noyaient dans le soir. Le chant des animaux montait en même temps que la lumière de l’astre baissait. Comme un ballet musical, accompagnant l’astre dans sa phase de repos. Les petits lapins apeurés quelques temps auparavant, étaient revenus, timides et prudents. La nature semblait ne plus craindre les deux femmes, assises sur le sol, immobiles depuis plus d’une heure.

« Il se fait tard, et je crains que Sawyer, Kalten ou Falkhen ne s’inquiète de ne pas nous voir revenir. »
« Rentrons si tu veux bien. »

Haven tenta sans brusquer la jeune femme, de la faire se relever doucement. La gardant toujours serrée dans ses bras.

Shairya avait passé presque l’après midi à pleurer dans les bras de Haven, qui patiemment l’avait tantôt cajolée, tantôt laissé pleurer à chaudes larmes, lui prodiguant des caresses aimantes sur les cheveux, tendrement.

La vue de ces ruines avaient un choc brutal pour la jeune Ethernelle, elle n’était pas préparée à cela et finalement n’en voulait pas à Haven de lui avoir montré, elle comprenait maintenant beaucoup de chose sur son comportement et s’en voulait presque de son empressement à voir cette tour. Une question cependant lui brulait les lèvres, en fait non, des milliers de questions lui brulaient les lèvres, mais tout son courage, toute son énergie avaient fondus comme neige au soleil à travers ses larmes.

Et quand, alors que le soleil était dans sa phase descendante, Haven prit la parole pour indiquer qu’il fallait rentrer, Shairya fit mine de se lever mais ne pu bouger un membre, elle se sentait si faible qu’elle n’arrivait pas se mouvoir, son esprit bloquait tout mouvement, comme si son être profond ne voulait plus avancer.

Elle tourna alors la tête vers sa gardienne, ses yeux baignés de larmes, rougit par tous ses pleurs et maintenant complètement paniqués par ce qui lui arrivait.

« ho Douce Dame Haven, je….je ne peux plus bouger…je n’arrive pas à me lever….que se passe t il ? »

Haven regarde la jeune femme avec tendresse.

« Hum, quoi que se soit, nous trouverons ne t’inquiète pas ».
« Tu as été mise à rude épreuve, peut être que quelque chose en toi s’imagine que tout est fini. »
« Qu’il n’existe pas d’issue, plus d’espoir. »
« Ou alors nous somment restées trop longtemps immobiles tout simplement. »
« Dans ce cas ca vas passer tout seul. »

Dit-elle avec un léger sourire. Elle-même avait ressenti cette douleur étrange, qui survient à chaque fois qu’elle restait des heures sans bouger. C’était douloureux mais ca finissait toujours par passer. Elle eu d’ailleurs du mal à se relever, mais ne se départi pas de son sourire.

« En attendant, il ne faut pas rester ici, alors si tu ne peut pas bouger, c’est moi qui te porte. »

Joignant le geste à la parole, Haven prit aussitôt dans ses bras la jeune femme. Un immense trouble l’envahie instantanément. Le contact de se corps tout chaud contre le sien. Elle avait oublié. Mais son corps à elle, lui, s’en souvenait. Instinctivement, elle mit Shairya dans une position confortable, afin que celle-ci puisse poser sa tête sur son épaule.

« Et bien, heureusement que tu n’as pas mangé plus. » ajouta t’elle en riant.

Puis elle se mit en route. Chemin faisant, un nombre incalculable d’images surgirent de son passé et vinrent lui troubler l’esprit. Des images de son passé de mère. Elle restait sereine pourtant. Shairya l’avait troublée tant de fois depuis leur rencontre, qu’elle avait finie par admettre que sa fille n’était plus, pour de bon, et qu’elle ne devait pas confondre avec Shairya. Même si elle lui donnait cette tendresse qu’elle avait en elle, puisque sa propre fille ne pouvait plus en bénéficier désormais. Porter cette petite n’était pas insurmontable, pour le moment. Même si elle sentait qu’elle ne tiendrait pas très longtemps. En tout cas, pour le moment, elle faisait mine de rien. Et ce décida même à rompre le silence, histoire de ce donner du courage.

« Tu dois sans doute avoir des questions, je tacherais d’y répondre avec le savoir que m’a donné mon mari. Mais il y a une chose que tu ne dois jamais oublier. Il y aura toujours un lendemain meilleur, et tu ne dois jamais perdre espoir. »

Les deux femmes ainsi enlacées, étaient en route pour l’auberge, cahin caha dans la nuit tombante.

Shairya se laissa faire, brisée par la peine, la douleur et les pleurs. Le contact chaleureux de Haven, la position qu'elle lui avait donnée lui firent une fois encore ressentir quelque chose qu'elle ne connaissait pas, la même chose qu'elle avait décelée une fois dans le regard de la clerc, sans pouvoir l'expliquer.

Ce sentiment, aussi étrange qu'agréable, elle ne l'avait jamais ressentit même quand souvent, trop souvent lui disait on, Elyssandre avait du s'occuper d'elle. Certes, la Dame des Ethernelles était douce, affectueuse, chaleureuse même. Mais, et c'est bien là que le problème était pour Shairya, orpheline de naissance, ,..elle n'était pas maternelle, puisqu'ironiquement, Elyssandre mère des toutes les Ethernelles, n'avait elle même jamais enfantée.

Au bout d’un certain temps, que la jeune fille n’aurait pu définir, shairya demanda a Haven de bien vouloir la poser. Elle avait réfléchit aux paroles de la Dame durant ce trajet et sa nature optimiste avait prit le dessus, il était hors de question de baisser les bras. D’un regard entendu les deux femmes se comprirent, et Haven laissa donc Shairya tenter de reprendre le contrôle de son corps.

Evidemment, quand Haven lacha la petite, celle-ci s’effondra comme une poupée de chiffon, ses jambes refusant de la porter, d’un regard et d’un sourire crispé, Shairya fit comprendre à la Dame qu’elle voulait y arriver seule, quand bien sur celle-ci s’était naturellement précipitée à son aide.

Force et volonté, amour de la vie et optimisme à son paroxisme eurent raison de la déprime de Shairya. Certes, aux efforts commencés entre chien et loup, la récompense vint sous le règne de l’astre d’argent, mettant à rude épreuve les nerfs de Haven. Mais c’est debout sur ses deux jambes que Shairya prit la main de Haven, les sourcils froncés par la concentration, les joues rosies par une petite fièvre naissante.

« Rentrons Douce Dame Haven, rentrons à la maison » lui dit elle en versant, une dernière larme silencieuse.