Rencontre dans la forêt de Daminu

Le doyen du village de Poeta se souvient encore du jeune Teseus du temps où il était encore humain… Il passait déjà le plus clair de son temps dans les bois enchantés de Daminu et rares étaient les occasions où le jeune garçon daignait se montrer sur la place du village pour prier Aion dans le Pandonium. Il était un des rares humains à avoir la faveur des Elims, certains murmuraient qu’il avait la bénédiction du seigneur de la forêt Daminu.

Voilà bien des décennies maintenant que le jeune Teseus traverse les années sans prendre une ride. Depuis qu’il a été appelé à sanctum pour devenir le Daeva que l’on connaît aujourd’hui dans le village. Mais rien n’a changé… Il passe encore ses journées et ses nuits aux contacts des esprits de la forêt, à communiquer avec des êtres invisibles aux yeux des humains.

Les villageois étaient parfois irrités par la présence de ce spiritualiste qui désamorçait les pièges des trappeurs et qui ne portait guère d’intérêt aux conflits d’Atreia. Les chasseurs commençaient à craindre les esprits du vent qui hantaient les bois pour protéger le gibier. Il faisait souvent l’objet des conversations dans la taverne du village… « Je n’en peux plus, pourquoi n’utilise t’il pas ses pouvoirs pour chasser ces maudits Asmodiens ! »… « Je vais faire un rapport aux autorités de sanctum pour qu’ils viennent éduquer leur brebis égarée ».

Telle était la situation au jour d’aujourd’hui, alors que Teseus effectuait sa promenade matinale après une bonne nuit de sommeil aux creux des racines d’un arbre centenaire. Il le pressentait, cette journée ne serait pas comme les autres… Les esprits étaient agités. Il ne fallut pas attendre longtemps avant que les intuitions du Daeva ne deviennent réalité. Il ferma les yeux, joignant ses mains et se concentra.
« Oh esprit du vent, prête-moi tes yeux que je vois qui agite la forêt ainsi. »
Un tourbillon de feuilles entourait Teseus alors qu’il gardait une position méditative.

Une troupe de chasseurs venaient de pénétrer dans la forêt accompagnée de nombreux chiens de meute. Ils étaient aussi accompagnés de mercenaires armés d’arbalètes et de lances… La vision était nette, mais il ne voyait pas quel était le gibier particulier du jour.

« Oh esprit du vent, guide moi vers la proie des humains, donne moi ta célérité »

Teseus fila à grande allure à travers les bois dont il connaissait chaque arbre jusqu’à une clairière baignée dans un rayon de l’Astre. Au milieu gisait une forme noire qui contrastait avec l’éclat environnant. Un asmodien gisait, blessé par plusieurs flèches. La créature avait lâché une lourde épée quelque mètre plus loin… désarmé, les aboiements des chiens se faisaient de plus en plus précis. Le Daeva regardait la scène à l’abri de la végétation, admirant pour la première fois cet ennemi dont il avait tant entendu parler. Cet asmodien qui, d’après les Elyséens, était une terreur sans nom, impitoyable et sanguinaire. Il ne voyait là qu’un être désespéré par l’idée prochaine de sa capture.

Le Daeva bondit dans la clairière à la vitesse du vent vers la créature des ombres. Celle-ci ne put rien faire, paralysée par la douleur et par la surprise. Teseus prit le bras puissant de l’ange des ténèbres. « Suis moi si tu veux vivre ».
La créature fronça les sourcils, comme un animal qui ne comprenait pas ce que voulait son maître.
" Suis-moi !" Insista Teseus en tirant vers lui.
L’asmodien vit bien que le Daeva n’avait nulle intention belliqueuse, les armes du jeune homme étant rangées dans leur fourreau, il se laissa finalement faire. Mieux valait lutter contre un frêle Daeva plutôt que contre une armée de paysans et de mercenaires.

Ils suivirent un sentier dans les sous bois sur quelques dizaines de mètre, souvent ralentis par la créature blessé qui ne pouvait pas avançait à un rythme soutenu. Au loin on pouvait entendre les mercenaires… « Là regardez, son épée ! Il ne doit pas être loin, il est fait comme un rat. Ahah je sens déjà les pièces sonnantes et trébuchantes. »

Teseus s’arrêta au creux d’un arbre avec l’homme blessé.
« Inutile, ils vont nous rattraper… » Le Daeva joignit ses mains et se concentra de nouveau. L’asmodien vit bien que l’être de lumière était vulnérable pendant cette pause de méditation, mais son instinct lui dictait de ne rien faire.

Teseus : « Oh, esprit de la terre, dissimule nous aux yeux de nos poursuivants. »
Le Daeva se concentrait à tel point que des goutes de sueur perlaient sur son front tandis que les aboiements des chiens se rapprochaient.

En quelques secondes, les racines poussèrent autour des deux individus, l’asmodien paniqué vit ses membres prit par des lanières végétales pour le tenir immobile. Les deux être furent bientôt complètement enveloppés par des racines et de la végétation, se fondant complètement dans le décor.

Teseus, immobilisé, regardait l’asmodien pétrifié par la peur.
Teseus chuchotant calmement, un sourire rassurant se dessinant sur son visage : « Cet arbre t’accorde sa protection, ce qui dément tout ce que l’on peut dire sur votre peuple. Car les esprits ne protègent que ceux qui le méritent. »

Quelques minutes plus tard, la troupe de mercenaires et de chasseurs passèrent sur le sentier juste à coté sans même prêté attention à leur petite cachette. Les chiens eux étaient complètement désorientés par les spores des champignons qui avaient mystérieusement éclatés dans ce coin pour masquer les odeurs…

Ils restèrent dans leur cocon protecteur de longues minutes avant que l’arbre juge que tout danger était écarté et les libère de ses racines.
Teseus se mit à genoux, posant une main au sol. « Merci, esprit de la terre ».

Le Daeva se releva tout fier de sa bonne action, persuadé que l’asmodien allait pouvoir se reposer et reprendre son envol. Mais à sa grande surprise celui-ci restait pétrifié, regardant vers les bois denses. Teseus jeta alors un œil dans la même direction avant de dégainé un poignard et de faire quelques pas de recule.

En face d’eux, sortant de la végétation se tenait un grand homme équipé d’une imposante armure étincelante. Son visage calme à la longue chevelure, son regard sans peur. Cela ne pouvait faire aucun doute, le guerrier était un Daeva, il dégageait une énergie puissante et Teseus était bien loin de pouvoir rivaliser. D’habitude, lorsqu’il était en danger, le vent s’agitait, le feuillage des arbres dansait en une musique effrayante pour tout étranger, des tourbillons faisaient danser les feuilles mortes. Mais là… Tout était d’un calme étrange. Comme si les esprits voulaient envoyer un message à Teseus qui se tenait tremblant entre l’imposant Daeva et l’asmodien blessé tout aussi effrayé pour sa part.

Falkhen ne semblait nullement surpris de sa trouvaille. Il souriait même.

Des éclat de voix, encore lointain, se firent entendre derrière lui. Le templier mis alors un doigt devant sa bouche, intimant à ses deux opposant de faire le moins de bruit possible.

- "Seigneur Falkhen ! Avez vous découvert quelque chose ? L'avez vous trouvé ?"
- " Non... Rien ici, Salagir... Va donc trouver Luciola et Kalten pour voir s'ils ont du nouveau."
- " Bien, j'y vais, restez vigilant !"

On n'entendit plus que les bruits de deux hommes qui s'éloignaient en écartant la végétation dense de la forêt. Falkhen, posa alors les yeux sur l'asmodien, qui semblait effrayé.

- " Il est gravement blessé. j'ai une amie qui pourra le sauver, mais elle se trouve à la taverne de l'astre, et il serait dangereux de l'y emmener alors que tout le village le cherche pour en faire un nouveau totem...

Le templier posa les yeux sur le mage, puis continua de lui parler avec un sourire bienveillant.

- " Tu sais que lorsque Seigneur Daminu se perd dans ses rêveries, il parle du Daeva de la nature. Si c'est bien toi, je t'imaginais plus... moins... enfin bon. Tu dois connaitre la forêt comme ta poche. Derrière la cascade de la nymphe, il y a un renfoncement ou vous pourrez vous cacher le temps que j'aille cherche mon amie Haven. Là bas vous y serez en sécurité, les villageois n'aiment pas s'approcher de cette cascade à cause des légendes qui y font référence... Allez y, dépéchez vous. Je vous y rejoins des que je peux."

Falkhen fit mine de partir, mais tourna la tête une dernière fois vers le daeva aux oreilles pointues.

-" Tu ferais un bon Atréide l'ami... enfin, avec un meilleur canif que ça"

Puis il disparu dans la végétation, laissant son rire caverneux le précéder...

Teseus resta immobile un moment, tenant toujours son poignard émoussé à la main. Il était incrédule face à la scène qu’il venait de vivre, lui qui se croyait déjà engagé dans un combat perdu d’avance.

Un rapide coup d’œil vers l’Asmodien montrait bien que la créature blessée n’était pas moins surprise par l’intervention du Daeva guerrier.

Si cette personne avait vraiment parlé au seigneur de la forêt, alors nul doute qu’il pouvait avoir confiance en ses paroles, mais quelle preuve avait il ? Peut être était ce un piège tendu pour qu’il emmène l’ange des ténèbres tout droit dans une embuscade.

Malgré ses suspicions, il n’arrivait pas à se méfier de ce seigneur Falkhen qui dégageait une aura de bienveillance et de sérénité malgré son imposante carrure.

« Bien, de toute façon c’est notre seule option viable, je ne suis pas guérisseur et nous ne pourrons nous cacher éternellement … » Teseus se tourna vers l’Asmodien qui semblait prêt à le suivre, comme si lui aussi avait été convaincu par l’apparente bienveillance de l’Elyséen templier.

Que de vérités détruites en quelques heures, les Asmodiens qui n’ont rien de sauvages sanguinaires et des Elyséens qui sont prêts à outrepasser les règles d’une guerre aux origines obscures pour sauver une vie.

La cascade de la nymphe n’était pas très loin, et la nuit ne tomberait pas avant quelques heures. La nymphe n’avait rien d’une légende, et Teseus savait qu’il fallait éviter ce lac après la tombée de la nuit pour ne pas déranger les créatures qui s’y baignaient.

Atréides… ce terme ne faisait référence à rien de ce qu’il connaissait. Il sortit rapidement de ses songes car le temps n’était pas propice aux rêveries. Il tendit la main vers l’Asmodien qui s’affaiblissait un peu plus à chaque heure qui passait.

« Allons y, nous y serons dans vingt petites minutes si nous marchons à bonne allure. »

Au fur et à mesure de leur avance, les racines s’écartaient de leur chemin pour que l’Asmodien ne trébuche pas dans sa démarche chaotique, lui qui avait déjà du mal à tenir debout.

« Eh bien, il est rare que les esprits fassent autant de faveur » Fit Teseus à l’attention de l’Asmodien un large sourire se dessinant sur son visage.

La cascade se fit entendre finalement à travers la végétation.

« Nous y voilà, allons nous mettre à l’abri, mais restons sur nos gardes »

Ils traversèrent et comme le guerrier l’avait dit, une cavité derrière la chute d’eau les abritait de l’extérieur.

Teseus s’accroupit en attendant la suite des évènements, étrangement serein malgré la situation.

« Oh toi, esprit de l’eau, préviens nous de tout danger approchant de ce lieu »…

Falkhen finissait d'expliquer à Haven de quoi il retournait. Vu son air grave quand il est entré dans la taverne, elle c'est de suite doutée que quelque chose d'important se passait. Se doutant par là même que cela devait avoir un rapport avec les Atreides et leur doctrine. Le récits ne fît que confirmer ses doutes. Elle avait écouter silencieusement, pouvant presque deviner les paroles avant même que Falkhen ne les prononces. Soit, il fallait agir.

« Mais que … Shairya ! Mais enfin …. »

La clerc restait interloquée, elle venait de découvrir quasiment collée à elle, la jolie frimousse blonde et pleine de taches de rousseurs de Shairya. Nul doute que les enseignements de Kalten portaient leurs fruits, elle n'avait rien senti ni entendu … Pour autant c'était bien la Shairya qu'elle connaissait et aimait profondément. Il n'y avait qu'à voir se regard. Un rayon émeraude envoutant vint percer le regard de la Clerc. Pas besoin de mots, le message était clair, et sans savoir pourquoi, le cœur de Haven s'était mis à battre plus vite.

Elle se tourne alors vers le templier, cherchant refuge et assistance, mais c'était peine perdue. Un complot sans doute. Haven pousse alors un léger soupir, fixe de nouveau son regard dans ceux de la jeune rôdeuse, tente une dernière fois d'imposer silencieusement sa crainte de voir quelque chose de mal arriver à la petite, et fini par craquer devant la supplique silencieuse mais si implacable. Elle soupir de nouveau, lâchant prise. Puis son sourire réapparait, mêlé de craintes.

« Tu sera prudente et sage tu me promet ? »

Elle connaissant bien évidemment la réponse.

Elle n'avait pas tout comprit des explications du templier, mais ce qu'elle avait comprit en revanche c'est qu'un ami d'un ami était en danger et blessé dans la forêt et ça c'était terriblement excitant !

Shairya voulait y aller ...mettre à profit les quelques enseignements qu'elle avait récemment reçu de son maitre cerf.

Le verdict tomba et elle fut si joyeuse qu'elle sauta au coup de Haven lui couvrant le visage de bisous claquant.

« ho merci …merci…oui je serais très prudente » dit elle joyeusement.

Mimant alors un prédateur s’avançant près de sa proie elle ajouta

« je serais aussi discrète que le loup, aussi prudente que la biche » dit elle en levant la tête tirant sur son coup le plus haut possible imitant le cervidé aux aguets « aussi ..heu ..aussi… » ne trouvant pas d’exemple elle rougit légèrement « bref….je serais prudente…promit ».

Shairya connaissait relativement bien la forêt de Daminu, tout du moins l’entrée de la forêt, n’ayant jamais eut le droit d’explorer plus loin que le vénérable arbre, aussi l’idée d’aller au lac des fées l’émoustillait au plus au point.

« J’y vais …j’y cours….je vole… » Rougissant encore plus en s’entendait dire cela, elle éclata de rire, de son rire joyeux et candide, oubliant totalement qu’il s’agissait là d’une mission de sauvetage de la plus haute importance, et surtout ignorant son coté très risquée compte tenue de la nature de l’homme à sauver. « ha non moi je vole pas » dit elle en secouant la tête de gauche à droite, son sourire toujours rivé sur ses lèvres roses.

« Donnez moi cinq minutes et j’arrive » cria t elle alors qu’elle grimpait les escaliers quatre à quatre.

Arrivée dans sa chambre elle chaussa ses bottes, mit sa légère armure de cuir et prit son arc de betua. Jeta plus que ne mit dans une besace un bric à brac innombrable et couru de nouveau dans les escaliers, prête à partir.

« je suis prête !! »

Le temps semblait s’être arrêté derrière la chute d’eau. Teseus ne savait pas depuis combien de temps il attendait là, se laissant bercer par le bruit de l’eau et se faisant caresser par la bruine.

Un esprit de l’eau montait la garde au creux du lac pour donner l’alerte en cas de danger. Mais il n’avait pas entendu de bruits suspects, les villageois avaient dû abandonner la chasse.

L’Asmodien épuisé s’était endormi. Le Daeva en profita pour admirer de prés cet être venu de l’autre face du monde.

« Nous ne sommes pas si différents… Et pourtant tellement de siècles nous séparent que nous ne comprenons même plus le langage de l’autre… »

Il resta à contempler cette créature venue d’ailleurs, presque admiratif. Il se demandait ce que pouvait bien faire le guerrier qui lui avait donné rendez vous en ce lieu.
La nuit aller tomber dans quelques heures et il n'est jamais bon d’être sur le territoire des nymphes la nuit quand elles décident de se baigner.

Comment briser une joie aussi intense. De quel droit devrait-elle graver sur ce beau visage candide la première marque du passage de l’enfance à l’adulte. Décidément, elle commence à regretter son invitation. Non pas qu’elle craigne que Shairya leur pose des problèmes, elle lui fait confiance malgré son jeune âge. Mais elle sait. Tout comme Falkhen et les autres Atreides. Tous savent. Et tous l’ont appris de la plus rude des manières. Tous ont souffert en prenant de plein fouet la vraie vie en pleine face, et en plein cœur. Ils ont tous payer le prix.

Mais Shairya, c’était si différent, si inconcevable. Pourtant la clerc le sait bien, si ce n’est elle, d’autres lui apprendront la vie, et l’apprentissage n’en sera que plus dur. Alors elle rassemble son courage, plutôt affronter Shairya en face maintenant, que de se reprocher plus tard de ne pas l’avoir fait à temps. Haven se mord les lèvres et s’approche de Shairya, la prenant par les deux bras, comme pour la maintenir. Elle plonge alors son regard de terre dans les yeux émeraude de la jeune rodeuse, prend un air sévère comme elle les déteste, et une grande inspiration avant de parler, d’un ton calme, mais sans la moindre trace de son sourire.

« Non Shairya tu n’es pas prête, et j’espère que tu ne le seras jamais »
« Ce n’est pas une promenade cette fois, il va y avoir des dangers, des vrais, tu vas risquer ta vie et … »

La clerc eut un soudain haut le cœur qui l’interrompit. Une image venait de traverser son esprit. Une image qui devenait plus obsédante à mesure qu’augmentait sa volonté de s’en débarrasser. Shairya, étendue dans la forêt, sans vie. Cela ne pouvait arriver, AION ne le permettrait pas, et surtout … cette fois elle craignait de ne pas s’en remettre. Une vague gigantesque d’émotion et de tristesse l’envahi en un quart de seconde et d’infimes larmes perlent aux coins de ces yeux. Alors elle se frotte vigoureusement le visage pour essuyer toutes traces. Instinctivement ses mains se crispent sur les avant bras de Shairya, et elle reprend sur un ton sec et autoritaire.

« En bonne rodeuse, tu ne laisse personne t’approcher, et si un danger survient, tu fuis sans te retourner jusqu’à l’auberge »
« C’est bien compris !!? »

Ces trois derniers mots sont prononcés avec une force et une impériosité surprenante de la part de la Clerc. Son regard devenu dur, rivé dans celui de Shairya, attendait une réponse, le visage grave et fermé.

Toute à sa joie, Shairya fut surprise par l'attitude de Haven. Ce n'était pas la première fois qu'elle la prenait ainsi, fermement prise par les deux bras, à chaque fois qu'elle le faisait c'était pour des situations de crises, de grande peine et de douleur.

La jeune fille perdit son sourire instantanément.

"Non Shairya tu n’es pas prête, et j’espère que tu ne le seras jamais »
« Ce n’est pas une promenade cette fois, il va y avoir des dangers, des vrais, tu vas risquer ta vie et ...


L'apprenti rodeuse pencha la tête sur le coté, ouvrant des yeux tout ronds. Jamais prete ? mais pourquoi, Kalten lui avait elle dit qu'elle était une mauvaise élève ? Non....ce n'était pas cela...Le flot de larmes et la vigueur de ses gestes laissaient entendre qu'il s'agissait d'autre chose....


" En bonne rodeuse, tu ne laisse personne t’approcher, et si un danger survient, tu fuis sans te retourner jusqu’à l’auberge »


Son cœur se sert instantanément, ses joues blêmissent et son regard se ferme. Elle déglutit lentement et dit non de la tête, sans pouvoir prononcer un mot. Ces paroles, elles les connaissaient, elles résonnaient encore dans sa tête, encore et encore...toute l'histoire des Ethernelles.


« C’est bien compris !!?"

Elle sursaute. Le ton impérieux utilisé la sort de sa rêverie, de ses cauchemars.

Shairya ne peux toujours pas faire sortir un son de sa bouche, mais hoche la tête frénétiquement, une moue légèrement boudeuse sur les lèvres mais des éclairs au fond des yeux.

Elle prend alors la main de Haven dans la sienne, son regard émeraude toujours profondément rivé dans celui de Haven.

"Allons sauver l'ami de Falkhen" articula t elle lentement.

Le crépuscule tombait doucement sur la fôret, tandis que l'astre terminait sa course quotidienne sur Elyséa. La chaleur de la journée avait fait place à une température bien plus agréable et supportable. La faune forestière s'était lancée dans le prélude de son habituel concert nocturne, qui promettait encore une fois d'être de toute beauté.

- "Pourquoi ralentissons nous le pas, Falkhen ?" Demanda Haven au templier.
- "C'est qu'il est encore un peu tôt... J'aurais aimé montré les nymphes à Shayria..."

Sans preter attention à l'exclamation de la petite rodeuse dont la curiosité venait d'être eveillée, Haven se mis les mains sur les hanches et posa un regard inquisiteur sur Falkhen.

- " Tu n'oserais tout de même pas..."

Falkhen paru embarassé...

- " C'est que... La dernière fois je n'ai rien pu faire contre elle... Je voudrais voir si j'ai fait des progrés... Enfin... Tu comprends, non ?"

La clerc ne répondit pas, ou plutot son regard répondit pour elle.

- " Bien... entendu... Allons y dépéchons nous." répondit à son tour le guerrier.

Ils ne tardèrent pas à trouver la cascade.

- " Si le daeva que j'ai rencontré tout à l'heure m'a écouté, ils doivent se trouver derrière le mur d'eau. je vais passer d'abord, pour voir si ça ne risque rien."

Falkhen passa le mur d'eau, sans plus de prudence que d'habitude. Quelques instant passèrent sans que le flux aquatique fut interrompu. Puis le templier repassa la tête et leur intima de venir.

Dans le renfoncement, le daeva aux cheveux verts, les jambes en tailleurs et la tête penchée en avant, n'avait pas résisté à la fatigue accumulée durant cette journée peu commune. Il n'y avait plus de trace d'esprit de l'eau dans la cave... Pas plus que d'asmodien, dont les quelques traces de sang restaient les seules preuves de son passage.

Ils étaient partis, tous les trois finalement, Falkhen devant, faisant de longues enjambées rythmées, menant la cadence tel un militaire chevronné, derrière Shairya et Haven, se tenant la main, la première trottinant et la seconde suivant le rythme sans broncher.. A regarder de loin on eut dit une famille se promenant dans la forêt au crépuscule, balade digestive, symbole d’une quiétude latente, d’un printemps doucereux, de la vie finalement. Mais à y regarder de plus prêt on se heurterait à l’armure imposante métallique du templier, aux postures certes novices de la rodeuse, mais menaçantes quand même et aux effluves d’éther qui émanaient constamment de la clerc, prête à inonder ses amis des faveurs d’Aion, rien de bucolique ni de gaie, non point une famille mais un groupe unis partant à la guerre.

La tension se lisait sur les visages des deux adultes, scrutant la pénombre, fronçant les sourcils au moindre bruit, à la moindre ombre. Un oiseau s’envole, la main d’Haven se ressert sur celle de Shairya, un lapin s’enfuit sur leur passage, une épée est presque sortie du fourreau, les souffles sont courts, les paroles sont rares.

Le ciel semble peser des tonnes sur les épaules de shairya tant l’attitude de ses amis lui semble oppressante. Elle avait saisie que l’heure était grave, Haven le lui avait clairement fait comprendre, par son attitude, ses gestes et ses paroles, pour autant shairya n’avait jamais été réellement confronté à ce genre de situation. Ho oui, elle s’était renseignée, elle avait écouté, lut et apprit, mais tant qu’on n’est pas confronté à la guerre, on ne peut vraiment l’appréhender dans toute son ampleur, dans tout ce qu’elle dégage de négatif. Et encore ici, ils n’étaient confrontés qu’à des villageois qui cherchaient vengeance, à des bêtes sauvages éventuelles et surtout à un ennemi qui n’en était pas un mais pour lequel il fallait rester vigilant. Etrange et fascinant à la fois.

Elle avait lâché un petit cri quand elle avait entendu parler des nymphes, tant de fois calomniées par les villageois, tant de fois encensées par les textes fabuleux, mais elle avait aussitôt mis sa main devant sa bouche, honteuse d’avoir fait tant de bruit, s’excusant mentalement auprès de son maitre Cerf Kalten d’avoir fait cette bourde de débutante. Tout à ses excuses mentales elle n’avait pas trop suivit l’échange entre Falkhen et Haven, mais rendait grâce a leur guide d’avoir ralentit le pas. On ne pouvait pas décemment marcher vite et silencieusement, ni effacer des traces en avançant à la vitesse de l’éclair, grommelait elle pour elle-même.

Ils étaient arrivés, Shairya pesta contre son jeune âge et son inexpérience, c’était à elle normalement d’aller voir si tout était en ordre dans cette caverne, c’était son rôle de rodeuse. Haven tendue à son maximum avait lâchée la main de la petite, pour concentrer son aura à l’extrême afin d’être prête, au cas où.

N’ayant nul connaissance concrète du danger que pouvait représenter ni un Asmodien, ni une nymphe, Shairya avait fait quelques pas autour de ce petit lac où les brumes commençaient à monter et à recouvrir sa surface. La jeune fille était fascinée par la danse des quelques lampyres qui commençaient à arriver faisant vibrer cette étendue d’eau clair sombre, un ballet captivant où la lumière fleuretait avec les ombres. Plus rien n’existait à cet instant, Shairya était transporté dans un monde féerique.

Elle ne remarqua donc pas les joncs qui commençaient à bouger à l’approche d’une créature inconnue, non loin d’elle. Ses mouvements étaient fluides, silencieux, presque gracieux.

Teseus était profondément endormi derrière la cascade. Un sommeil qui pourrait presque paraître surnaturel... Comptant sur une alerte donnée par un esprit de l'eau depuis longtemps dissipé, le Daeva n'avait pas entendu la troupe s'approcher et ne se doutait de rien alors qu'il était ancré dans un monde onirique.

Il rêvait d'un chant qu'il avait peut être entendu quelques minutes avant de sombrer. Une mélodie si douce, si envoutante qu'il ne put résister à l'appel de la torpeur. Un sourire restait figé sur le visage aux yeux clos de Teseus.

Envoutée par la musique ou complètement inconsciente du danger, Shairya commença à danser sur les berges du lac. Pas chassés, saut de biche, virevoltante et tournoyante, elle était partie dans une danse transcendantale, oubliant tout ce qui existait.

Le worg et la nymphe ne bougeaient pas, presque enchantés par ce spectacle improvisé qui s’offrait à eux.

La danseuse s’était débarrassée de tout le superflu, sur les bords du lac on pouvait voir un arc, des bottes, une armure légère de cuir, c’est dans le plus simple appareil qu’elle évoluait maintenant avec une grâce qu’on ne lui connaissait pas. Sa tunique de Ruko collé à la peau par l’humidité de la brume, était si blanche et si fine et l’auréolait d’une lumière étrange, reflétant l’aura des lampyres sur l’eau.

Tout d’un coup, comme une poupée de chiffon, elle s’écroula à terre. La musique avait cessée. La nymphe était partie. Le worg l’avait suivit. Shairya était tombée.

La forêt reprenait le cours normale de son activité, les esprits embrumés n’allaient pas tarder à sortir de leur torpeur……..

Les paupières étaient lourdes, Teseus avait l'impression d'avoir dormi un siècle. Ses membres engourdis mirent du temps avant de répondre complètement aux ordre du cerveau embrumé d'un Daeva fraîchement ensorcelé.

il fallut presque une minute entière pour remettre de l'ordre dans son esprit, que faisait il içi, quelle heure était il, où était il ? Cette sensation d'être perdu alors que la mémoire se reconstitue lors du passage du rêve à la réalité.

Lorsqu'il fut de nouveau complètement lucide, il se retourna vivement pour ne voir que quelques tâches de sang sur la roche humide de la grotte.
"Oh non, quel idiot ! Comment ai je pu être aussi négligeant !"

Il se releva rapidement et passa la cascade pour regarde les environs, son coeur battant la chamade alors qu'il se faisait tout un tas de scénarios dans sa tête alors de nouveau en pleine possession de ses moyens.

Alors qu'il avait traversé la chutte d'eau, aucune trace d'Asmodien, cependant un curieux spectacle s'offrit à lui. une jeune fille endormie prés du lac dans une simple robe entourée d'équipement de rôdeur.

Il trouva aussi le puissant guerrier qu'il avait croisé quelques heures plus tôt accompagné d'une frêle jeune femme.

L'atmosphère était étrange, comme si le temps s'était arrêté. il resta immobile devant cette assemblée, ne sachant quoi dire. il se sentait honteux d'avoir failli à une si simple tâche : veiller au bien être d'un être blessé.
Son regard fixait le sol, Teseus essayait sans relâche de reconstituer le puzzle dans sa tête... mais il n'arrivait pas à remonter à l'instant où il s'était assoupi...

Les lampyres étaient partis, et le lac redevenait calme et serein, tout était normal
....normal...non un éclat argenté attirait l'œil de celui qui observait la scène.

A travers les joncs et les herbes folles, sa chevelure argentée brillait comme une étoile tombée du ciel. Son visage, maintenant détendu par les songes qui avaient effacés toute trace de souffrance, était encadré par quelques mèches d'argent et l'on pouvait deviner à l'arrière de son crane une magnifique et longue tresse savamment coiffée. Ses yeux clos étaient tatoués de signes noirs et cabalistiques, ses lèvres d'un rouge sombre traçaient une ligne parfaite, ses traits étaient comme ciselés dans de l’argent pur, car sa peau était de la même couleur que ce métal précieux.

Oui d'un regard l'on aurait pu croire à une statue d'argent des anciens temps tombée en ruine par le ravage des années mais en s'attardant un peu, l'on pouvait apercevoir les légers tressautements de ses membres, trahissant la vie sous cette carapace d'argent.

Ses vêtements, maintenant déchirés par les luttes, salit par sa fuite et trempé par les eaux du lac avaient du être d’une très bonne qualité, un œil expert aurai reconnu la fibre d’anathe de grande pureté teinte d’un subtil mélange de kandula et de sobi moiré.

Sur sa main, l’on pouvait admirer un magnifique joyau d’Aika, ouvrage d’un expert à n’en point douter au vu des ciselures et des glyphes recherchées gravées avec précision.

Ses mains……non …pas des mains…des pattes …des…. griffes…ce n’étaient pas des mains. Sa longue robe dissimulait également ses jambes…qui là aussi étaient plus des pattes que des jambes…mais tel qu’il était, sans connaissance, offrant son beau visage à qui voulait le voir sans défense, il n’avait rien d’une bête, d’un animal sauvage ou d’une quelconque créature venue des abysses…non, il était simplement un homme à terre, un enfant d’Aion à l’agonie.

Deux yeux rouges et brillants s’ouvrent, un cri presque silencieux et rauque se fait entendre depuis les jonc s, des plumes noires volent en silence autour de lui…..puis …plus rien…un silence…..le silence….

« Mais qu’est ce que je fait ici … »

La clerc venait à peine d’ouvrir les yeux que, stupéfaite de son environnement, elle cherchait à comprendre pourquoi et comment elle se réveillait ici, en pleine nature. Et puis c’était quoi cet endroit. Une brume épaisse envahi encore son cerveau, et toutes ses idées sont mélangés, incohérentes.

Instinctivement elle tente de se relever pour évaluer l’endroit, et peut être savoir enfin où elle se trouve. Il ne lui fallut pas longtemps pour admettre l’évidence. Son cerveau n’était pas encore près pour contrôler efficacement ses muscles. Alors elle se rallonge sur le sol, et ferme les yeux. Réfléchi ma fille, réfléchi. S’il n’était pas encore totalement opérationnel, son cerveau était capable de creuser dans sa mémoire et les derniers événements, pour comprendre. A force de concentration, les idées se mettent lentement en place. Luciola, chasse, Falkhen, Asmodien, … Shairya, la forêt.

C’était çà !! Enfin elle le tenait. En fait elle devait être dans la forêt de Daminu, pas loin de la fontaine, mais pourquoi. La suite de l’histoire prenait lentement une tournure cohérente, le brouillard doucement faisait place à l’histoire de la veille. Au bout de Quelques minutes qui lui parurent des heures, Haven se racontait les événements de la veille, un par un. Bon, maintenant qu’elle savait, il fallait rapidement vérifier que tout le monde allait bien. Un immense Frisson parcourt alors sa colonne vertébrale. Shairya.

« SHAIRYA »

Le cri retenti en même temps qu’elle ouvre les yeux, avec une seule idée en tête, retrouver celle dont elle ne supporterait peut être pas la disparition. En moins de temps qu’il le faut pour le dire, elle saute sur ses jambes, se moquant bien à se moment là si elles seraient capable de la porter ou pas. Ce n’était pas une question de choix, mais de survie !! Capable ou pas, elle n’avait pas le choix. Debout et vite ma fille ….

La clerc se met alors à fouiller partout comme une folle. D’abord dans son environnement proche, puis de plus en plus loin, décrivant des cercles dans les hautes herbes, autour de l’endroit où elle s’était évanouie. Elle bouscule chaque bosquet, bouge chaque roche, remue ciel et terre avec une peur panique soudaine vissée au ventre, Shairya. Les autres aussi l’inquiète bien sûr, mais autant Falkhen et les autres sont de taille à se défendre, et le fait qu’elle-même soit en vie prouvait que c’était probable, autant la petite …

C’est en fouillant les environs qu’elle tombe sur le corps. Stoppée net dans son élan, figée bouche bée. L’asmodien. Il semble en piteux état, peut être même mort. Alors un déchirement secoue son être, tenter de sauver cet homme, visiblement au bord du gouffre si ce n’était déjà trop tard, ou le laisser mourir et chercher sa protégée et les autres Atreides. Que la vie peut être cruelle parfois, nous obligeant à faire des choix douloureux. Pourtant, son amour de la vie et sa formation de Clerc prennent le dessus bien vite. Sans y réfléchir une seconde de plus, Haven se jette sur le corps étendu là, appose ses deux mains dessus, comme elle le faisait enfant, et ferme les yeux.

Une aura lumineuse se forme autour d’elle. Le flux d’Ether fait son œuvre, guidé par la main et la foi de la prêtresse. Elle le sent, se corps absorbe encore l’Ether, alors il n’est pas mort, il reste une chance. Concentrée sur sa tache, elle oublie tout, absolument tout, ne pense plus qu’à une chose, sauver cet homme, cette vie. A aucun moment elle n’avait prêté la moindre attention à la tenue de l’homme. Seule sa vie lui importait, la vie. Le monde s’effaçait autour d’elle pour ne laisser qu’elle et l’homme flotter dans un vide absolu, baigné d’Ether. Soudain le miracle auquel elle vouait sa vie, se produit. Un tressaillement secoue le corps inerte la seconde d’avant. Puis un autre, et encore un autre. Et ainsi jusqu’à ce qu’un râle se fasse entendre. Plus aucun doute, AION lui avait donné la force encore une fois.

Alors comme souvent, quand elle relève des combattants, des larmes se mettent à couler. Des larmes de joie et de peine, d’amour et de souffrance. Depuis toujours elle se demande de quoi son faites ses larmes, sans jamais avoir trouvé de réponse satisfaisante. Peut être simplement des larmes en hommage à celle qu’elle vénérait plus que tout, Usthiel. Des larmes pour prier et remercier AION de lui avoir donné se don. Jamais, elle le savait, elle ne serait capable de payer pour remercier les dieux de se don sans prix. Même si parfois un échec amère, celui de sa famille, lui rappelle que tout être a ses limites.

L’asmodien semble hors de danger. Bien sûr il lui faudra quelques longues, très longues minutes pour se relever, mais il ne risquait plus de disparaitre dans l’Ether. Ce n’est qu’à se moment là, rassurée, que sa peur reprend le dessus. Shairya. Bon sang ….

« Vous allez aller mieux ne vous inquiétez pas, restez là sans bouger !! »

Le ton était ferme et presque autoritaire. Elle ne sait pas si l’homme en a compris le sens, mais à cet instant, il ne compte déjà plus. A peine le temps pour l’homme d’entrouvrir les yeux, que la femme a déjà disparue. Haven reprend sa fouille, toujours cette peur qui lui tord l’estomac, mais pas question de ne pas retrouver Shairya. Aussi la fouille, empreinte de peur, est méthodique et presque calculée. C’était irrationnel, irréel, plus sa peur la poussait vers la panique, et plus son esprit développait des techniques plus efficaces et réfléchies les unes que les autres pour être sure de retrouver l’objet de cette peur intense. L’enjeu pour elle dépassait de bien loin la vie de la jeune rodeuse. C’était sa foi profonde qui en aurait été ébranlée.

« SHAIRYA »

Le cri de nouveau fût strident, et rempli d’émotions si puissantes. La clerc de se rue alors sur le petit corps étendu au sol. A cet instant précis, AION lui-même ne l’aurait pas arrêtée, rien n’aurait sût le faire. C’est presque déjà à moitié en larmes, mais silencieuses, qu’elle se jette littéralement aux cotés de la rodeuse. D’instinct elle pose ses mains sur le petit corps. Mais rien ne se passe. Il lui faut quelques secondes pour se rendre compte que le visage de la jeune femme est paisible et calme. Quelques secondes de plus pour s’assurée que la respiration est normal, que tout est normal. Et c’est toujours en silence que ses larmes se mirent à couler sans retenue. Peur, joie, tant de choses s’étaient invitées en elle. Mais là, devant ses yeux brouillés par se flot de peur qui s’écoule de son propre corps, Shairya semble se porter comme un charme, un ange endormi. Son cœur qui avait failli stopper net quand le corps de la jeune rodeuse lui était apparu, reprenait un rythme normal. Enfin le monde, son monde, pouvais rependre son cours.

« Shairya, Shairya tu m’entend ? Réveille toi, nous devons retrouver les autres »

La voix est douce et calme, tendre, transportant un flux d’amour aussi puissant que le fût sa peur précédente. Sa main, à l’instar de sa voix, caressait avec tout autant de tendresse la joue et les cheveux de la jeune femme endormie. Maintenant tout irait bien.

« Shairya, Shairya tu m’entends ? Réveille-toi, nous devons retrouver les autres »

« Hum délicieux ce thé, je sens comme une légère essence de figue sublimée par le miel de rose » lui dit Shairya en souriant, les yeux toujours clos, son interlocutrice la regarda d’un air d’incompréhension.

La jeune fille était confortablement assise sur un confortable fauteuil de magnolia, flottant aux grés d’une légère brise printanière. Face à elle, une jeune femme sans doute centenaire, lui servait le thé d’un air ravi, ses traits étaient réguliers, ses yeux d’un bleu profond faisaient penser à la mer du sud d’atreia, sa peau couleur de lait d’amande faisait ressortir ses lèvres délicates, couleur de rose. Shairya se sentait bien avec elle, oubliant tout, oubliant même qui elle était.

Elle avait dansé, elle s’en souvient bien, elle dansait avec des jeunes filles comme elle, souvent bien plus dévêtues qu’elle ne l’était. Une fois leurs danses terminées, elles s’étaient reposées laissant place aux jeux, bientôt rejointe par des créatures plus belles les unes que les autres. De belles ondines qui arrivaient par le lac, laissant leur grande chevelure rousse flotter sur la surface de l’eau cristalline, des sylphes coquines aux milles joyaux dans leur chevelure blanche, jouant dans le vent avec les papillons et les libellules, et bien d’autres encore. Le temps passait sans vraiment passer, pourtant vint le temps où la plus belle d’entre toutes arriva.

Elle flottait plus que ne marchait et pourtant à chacun de ses pas, un bouquet de fleurs chatoyantes poussait sous ses pieds, son voile de mousseline d’or flottait au vent laissant derrière lui un parfum de printemps, les rayons du soleil déclinant faisaient briller de mille feu sa chevelure blonde, savamment coiffée sans pour autant être sophistiquée. Elle portait un simple bustier de dentelle et d’or qui pourtant mettait en valeur sa fine taille et sa poitrine généreuse, la jupe de soie aux cents plis produisait un son de clochette à chacun de ses mouvements, presque imperceptible, mais envoutant. Mais rien de tout cela n’avait de grâce comparée à ses ailes diaphanes, si fragiles, si belles aux yeux de Shairya restée sous le charme de cette reine qui avait fait son apparition.

Elles burent le thé et shairya s’endormit fatiguée de cette étrange journée.


« Shairya, Shairya tu m’entends ? Réveille-toi, nous devons retrouver les autres » recommença Haven.

Elle ouvrit les yeux, lentement et regarda Haven qui lui caressait tendrement les cheveux, trop ensommeillée pour remarquer les traces de larmes qui apparaissaient sur les joues de la clerc, elle lui sourit, d’un sourire paisible et heureux.

Après cette expérience Shairya n’avait pas envie de quitter ses bras chaleureux et rassurant, la tendresse qui émanait de son amie était si palpable qu’elle aurait voulu que ses caresses durent éternellement, et pour tout dire seule la voix d’Haven l’avait réveillée, Shairya n’avait pas comprit le tenant de sa phrase et bien sur avait totalement oublié tout ce qui venait de se passer.

« encore un petit peu » lui dit elle en se blottissant dans ses bras, refermant les yeux, profitant de ce moment de tendresse, faisant écho au bonheur qu’elle avait ressentit dans son reve.

Il est des moments dans la vie où l’on aimerait que le temps s’arrête, que les choses restes tel qu’on les voit tel qu’on les ressent, comme figée dans une aquarelle. J’aimerai alors que ce moment se grave dans les esprits et les cœurs, mes chers Atreides.

Saywer fait bonne figure à son auberge, comme toujours. Devant ses clients il ne montre aucunement son inquiétude en pensant aux dangers que sans doute ses amis encours à l’instant où ce gros vieux Sam commande son steak de rynoss. Son visage reste serein alors que la lourde porte de betua s’ouvre, pour laisser place non pas à ses amis ensanglantés ni à la milice de Sanctum venue pour l’arrêter et l’interroger quant à ses activités soupçonnées avec l’ennemis, mais à une famille du village venu déguster un bon ptit plat du père Sawyer. Ha mon ami, comme tu as changé, comme tu es devenu fort, je suis si fier de toi.*soupir* Il est loin le petit garçon que j’ai connu.

Mais c’est plus loin que mon regard est attiré, comme aimanté par cette concentration d’Atreides, par tous ses sentiments forts et mêlés que je ressens dans l’éther qui désormais est ma demeure. Ici et là bas je suis, avant et après je serais, tant qu’un Atreide sera sur cette terre, alors je veillerai, en silence, sur ceux qui je le crois changeront le monde à tout jamais. Eux, je ne les connais pas, comme toi mon enfant, et pourtant je les aime tout autant.

Dans cette foret que j’ai tant traversé avec mon aimée, c’est l’amour de cette Haven pour ce petit cœur qui m’emplit de joie, c’est la volonté indéfectible de ce guerrier qui me gonfle de fierté, c’est la hardiesse de ce jeune Elementaliste qui m’attire et c’est la colère de ce manipulateur d’ether et surtout sa nature asmodienne qui attise ma curiosité.

Ils ont bravés tant de danger pour en arriver là. La milice, je l’ai vue, les paysans en colère qu’ils ont écartés avec intelligence, les nymphes qui sont toujours aussi espiègles et dangereuse. Mais ils ont également vaincu leurs préjugés, leur éducation et tout ce qui faisaient d’eux des Deava de Sanctum bien éduqués. Comme je suis fier de vous mes amis.

Mais le plus dur reste à venir cher Atreides, il reste à venir, qu’Aion vous bénisse et que les Seigneurs empyréens veillent sur vous.

Le spectre s’envola, jetant un dernier regard sur cette scène sylvaine où un guerrier armuré sortait d’un sommeil profond comme dans un comte pour enfant, où l’on aurait pu croire à une enfant se faisant bercer en douceur par sa mère aimante, où un jeune homme aux cheveux verts semblait veiller sur ce couple attendrissant, et où enfin un être aux yeux rouges, perdu, regardait tout cela en souffrant, ne comprenant pas ce qui lui arrivait.

Haven ne compris pas vraiment tout. Mais que lui importait, Shairya s'était spontanément jeter dans ses bras, et le monde aurait bien pût disparaître à cet instant, elle s'en moquait. Elle pouvait sentir son cœur, apaisé, calme, cela la rassurait elle même. Elle ne sait pas combien de temps elle sont restés toutes les deux ainsi enlacées, mais outre le plaisir irrépressible qu'elle en ressentait, il y avais quand même les autres. Et même si elle ressentait une étrange présence Éthérée qu'elle n'aurait su définir, mais qui semblait protectrice et bienveillante, il était temps de s'assurer que tout le monde allait bien.

« Shairya … aller réveille toi, il faut trouver les autres »

Le ton est presque tremblant, vibrant de tendresse. La voix est un murmure.

« Shairya … aller c'est important, il faut que tu m'aide »

"mumf" ne sut que dire Shairya en se reveillant.

Cette fois ci elle avait comprit les paroles de Haven, mais ne se rappelait plus de rien. En se frottant les yeux, elle s'écarta des bras de Haven pour regarder autour d'elle, l'air ahurit.

"où sommes nous Haven ?" lui demanda t elle d'une voix endormie "que c'est il passé ?"

Elle regarda de nouveau autour d'elle, cherchant dans la nature quelque chose qui lui ramenerait la mémoire, mais rien, le grand vide.

"Trouver les autres ? mais....pourquoi ? Ils sont perdus ? ...pff... je ne me souviens de rien.....et puis..j'ai mal à la tête" dit elle d'une faible voix en se touchant l'arrière du crane, où il n'y avait rien, aucune blessure, sans doute les restes des sortilèges des nymphes qui agissaient encore un peu.

Rassurée que Shairya se réveille enfin. Déçue en silence de ne plus l’avoir dans ses bras, tout contre son cœur. Il semblait évident que, comme pour ses propres enfants, trop vouloir pour eux, ou peut être pour soit, n’était pas une bonne chose. Mais comment se résoudre à laisser aller ces êtres si chers à nos cœurs de mères. Une déchirure nécessaire. Mais elle tenta de chasser bien vite ses pensées dont elle avait toujours honte, et de se concentrer sur l’instant présent.

« Allons tu ne te souviens pas ? L’asmodien, Falkhen, la forêt, et pour finir, le chant mélodieux mais au combien assommant des nymphes. Et nous voilà le matin, si les villageois revenaient … »
« Shairya, l’asmodien est un peu plus loin la bas dans les herbes, je l’ai soigné au moins pour que sa vie ne soit pas en danger, mais il va falloir le ramener à la taverne »
« Mais avant tout il faut retrouver Falkhen et Luciola … »
« Et j’ai besoin de ton aide, tu es une rodeuse, alors il faut t’aider de ce don, je compte sur toi »
« Ils ne doivent surement pas êtres bien loin »
« Ca vas aller ? Tu te sens mieux ? »

Malgré sa douceur habituelle, et au vu de l’urgence, Haven tentait, avec tendresse, de secouer un peu Shairya, afin que celle-ci l’aide à retrouver Falkhen et Luciola. Sans être foncièrement inquiète de leur sort, elle devait bien admettre que de les voir là, devant elle, la rassurerait grandement. Non seulement il fallait ramener cet Asmodien à la taverne pour finir de le soigner, mais les villageois risquaient à tout moments de débarquer. Il ne fallait pas perdre trop de temps, l’Astre déjà était franchement dans sa course ascendante, et il faisait déjà presque grand jour.

Le temps que Shairya sorte de sa confusion, Teseus, lui aussi encore un peu sonné, se rapprocha des deux femmes d'un pas lourd et peu sûr. Le spiritualiste était trempé jusqu'aux os... Ses cheveux verts plaqués contre son crane par l'humidité.

" Excusez moi, êtes vous les amis du seigneur Falkhen ? Est ce vous que je devais attendre de l'autre coté de la chute d'eau ? Je suis désolé si c'est le cas mais mon hôte à mis les voiles et j'en ai perdu toute trace. Je me suis plongé dans un sommeil trés profond sans vraiment comprendre comment. J'ai un mal de crane..." teseus se tenait la tête comme pour déserrer un étau qui le compressait.

"Puis je vous être utile en quoi que ce soit ?" Se baissant au niveau d'Haven pour regarder la jeune rodeuse " A t'elle besoin de soins ? De plantes ? Je peux peut être aller chercher quelque chose, je connais bien cette forêt !"

Teseus semblait un peu perdu, il ne savait trop quoi faire. Il avait perdu toute trace de l'asmodien blessé et il se sentait responsable de ce qui pourrait lui arriver.

Haven compris à demi-mots que l’homme était l’élémentaliste dont lui avait parlé Falkhen à l’auberge. Et puis le jeune homme ne semblait pas être agressif ou dangereux. De plus il connaissait visiblement Falkhen, ce qui fini de la rassurer. C’est pourquoi elle ne met pas en garde quand l’homme s’approche d’elle et de Shairya.

« Oui c’est bien nous ».
« Non sa ira, elle va bien ».
« Par contre, vous devriez aller voir la bas, histoire qu’il ne lui arrive rien »

Ajouta t’elle en désignant un petit bosquet non loin, derrière lequel se trouvait l’asmodien blessé.

« Il est hors de danger mais pas encore guéri complètement. »
« Et nous on doit absolument retrouver Falkhen et Luciola, occupez vous de notre invité, on se retrouve ensuite ».

Tout en parlant, elle aide Shairya à reprendre ses esprits et à se remettre sur pied.

« Aller viens, on y vas »