histoire d'une ennemie

« Lyrianna,…..pourquoi ? » demanda t il dans son dernier souffle.

Son corps gisait sur le sol, la neige s’empourprait du sang rouge vif qui s’échappait lentement de la petite plaie qu’elle y avait fait, les rayons argentés de l’astre nocturne donnait une allure mystique à cette scène digne des meilleures tragédies d’antan.

Elle regardait celui qui avait été son supérieur, son ami et son amant, de son regard de braise pourtant si froid, depuis longtemps Lyrianna portait ce regard sur le monde, depuis si longtemps.

« les ordres sont les ordres mon amour, toi mieux que quiconque devrais le savoir » lui répondit elle en se retournant. Elle n’avait versée qu’une seule larme, une larme de sang comme à chaque fois qu’elle ôtait la vie.

Elle déploya ses ailes et prit son envol, gracieuse et silencieuse elle prit le chemin du retour, ne tournant pas un instant le regard vers le corps du traitre, elle devait faire son rapport.

Portes secrètes, long couloirs et dédales de pièges, Lyrianna avançait lentement, prenant soin de perfectionner ses gestes à chaque fois que le danger apparaissait, la perfection voilà où était son credo et c’est pour cela qu’elle avait exigé qu’on changea les mécanismes régulièrement, pour la mettre à l’épreuve continuellement.

Elle ajusta sa robe, ses cheveux et ses dagues, ôta un gant et frappa à la lourde porte.

« Entrez »

Elle s’exécuta, prudemment, sur le qui vive, le souffle lent et les sens en alerte, ne jamais être surprise, jamais. Il ne lui fallait pas longtemps pour s’assurer qu’elles étaient seules dans cette pièce, alors elle avança de quelques pas et s’agenouilla sur le sol, elle était la seule personne au monde qui pouvait se vanter de la voir dans cette position de faiblesse, tête baissée, mais elle n’en abusait pas et à peine quelques secondes après que Lyrianna eut baisser la tête, la Dame lui ordonna de se relever.

« le traitre à été exécuté, maitresse, selon vos ordres. » lui dit elle simplement en se relevant.

« voici les documents »

Elle posa une liasse sur la table et se recula de nouveau.

« Lyrianna, il faut que vous preniez une élève » lui dit-elle sans détour. Elle savait très bien que Lyrianna n’aimerait pas mais elle connaissait aussi sa loyauté, aussi n’avait elle pas envie de parler comme elle le faisait à longueur de journée, en politicienne.

Lyrianna blêmit légèrement, mais ne dit rien, se laissant quelques secondes pour se maitriser. La dernière élève qu’elle avait prit sous son aile, était morte très vite.

« Comme il vous plaira » dit-elle « puis je me retirer ou l’élève est elle déjà là ? » demanda t elle d’un ton froid, sans âme.

« Elle vous attend dans votre carrosse, Lyrianna Elle ne vous décevra pas. » lui dit elle en lui accordant son départ d’un geste de la main, avant de se retourner.

Là encore, ici au château de Nahor ou même dans tout Brusthonin, personne n’osait lui tourner le dos, sauf bien sur, la reine.

« Adieu ma Reine » lui répondit-elle calmement, comme à chaque fois. Elle ne savait pas dire au revoir, car elle portait la mort en elle.

La jeune élève attendait, mais n’eut pas le loisir de rencontrer Lyriana qui demanda au cocher de la conduire au manoir, alors qu’elle irait par ses propres moyens. Elle ne voulait pas d’une élève mais s’exécuterait, telle était sa volonté.

Elle s’envola avec grâce, laissant le vent glacer la caresser tendrement, faisant onduler ses longs cheveux noirs en totale harmonie avec les plumes de ses ailes.

« Mademoiselle Lyrianna, ne courez pas mon enfant, ce n’est pas correcte pour une jeune fille de votre rang » lui dit il d’un ton neutre comme toujours. Cet homme ne devait pas avoir de cœur se disait la jeune demoiselle qui s’arrêta de courir, évidemment.

Elle se rendait à son court d’escrime, et comme elle adorait cela, elle avait couru pour rejoindre son maitre qui l’accueillait alors par une réprimande, comme toujours. Elle n’avait que huit ans, mais déjà montrait des signes d’une excellence qui fascinait tant de monde, mais elle gardait la tête froide, ne se laissait pas influencer par les commérages, dussent ils être en sa faveur. Son vieux maitre le lui avait vivement conseillé.

Elle pencha la tête sur le coté, comme le font souvent les enfants quand ils réfléchissent intensément à quelque chose, elle observait les rides sur le visage de son maitre, sa natte toujours impeccable qui tombait sur le coté de son épaule droite, sa moustache fine et délicate qui encadrait ses lèvres toujours pincés, son air sévère de part ses éternels sourcils froncés. On ne pouvait pas dire qu’elle aimait son maitre, qu’elle le respectait oui sans aucun doute et c’est pour cela d’ailleurs que l’alchimie entre cette petite fille sage de haute lignée et ce vieux maitre avait fonctionné depuis le début et jusqu’à aujourd’hui.

« Maitre, pardonnez moi, cela fait deux ans maintenant que je suis votre enseignement, et je n’ai toujours rien apprit » elle se mit en position de salue martial « demain, je ne courais pas » elle attendait la réponse, qui ne vint pas. Comme toujours le vieux maitre était avare de parole.

Escrime, piano, peinture, chant, alchimie et herboristerie, et tant d’autres activités et d’enseignements, il n’y avait peu de place dans la vie de la jeune Lyrianna pour les jeux, les futilités et pourtant on ne peut pas dire qu’elle eut une enfance malheureuse, au contraire, elle aimait sa vie comme elle l’était.

Le bal donné alors pour ses dix huit ans fut grandiose, ses parents de haute lignée de la noblesse d’Atriea, voulaient montrer leur joyau à tous, Lyrianna était sans doute la plus belle jeune fille du moment, la plus courtisée, sans nul doute la plus heureuse. Pourtant, son regard ne reflétait pas la joie de vivre des jeunes filles de son âge, son air sérieux, ses cheveux noirs, ses lèvres rouges, ses yeux sombres, tout cela mettait souvent mal à l’aise les personnes avec qui elle conversait.

Sa mère le lui reprochait souvent, une jeune fille ne devait pas être mélancolique, ce n’était pas de son age. Mais Lyrianna, n’y pouvait rien, c’était sa nature.

Et pourtant, deux jours après ce bal et cet énième reproche de sa mère, Lyrianna reçu toutes les raisons du monde d’être mélancolique, car le monde qu’elle connaissait devait changer à jamais, il devait se séparer en deux.

Elle fut en effet, l’une des quelques survivante du cataclysme et de la guerre, la brisure de la tour de l’éternité révéla au monde la scission des esprits mais aussi de manière plus personnelle, sa nature de deava.

Les siècles passèrent, son apparence changea au fur et à mesure. Ses doigts de devaient plus caresser les touches noires et blanches d’un piano, désormais pourvus de griffes puissantes, ses pieds ne devaient plus glisser gracieusement sur les parquets des salles de balles, là encore par la présence de griffes acérées et vigoureuses, Lyrianna était devenue une machine à tuer.

« une machine à tuer » murmura t elle en volant par-dessus son domaine, pour rejoindre sa jeune élève imposée par sa reine.

Elle sourit.

Lyrianna la toisa du regard, alors qu’elle lui avait entaillé le bras d’un léger coup de dague, elle soupira imperceptiblement.

La jeune fille, les cheveux violets en bataille la regardait de ses yeux rouges et ronds de surprise en ce milieu de nuit, un rictus de douleur sur le coin de ses lèvres vertes qu’elle eut du mal à réprimer. Le simple regard de sa maitresse lui suffit à baisser les yeux sur sa blessure puis sur ses pieds, honteuse de s’être fait encore une fois surprendre dans son sommeil.

Cela fait faisait maintenant quelques mois, que Lyrianna avait prit sous son égide la jeune fille, elle lui enseignait l’art de se déplacer en silence, l’art de voler en rase motte, l’art de reconnaitre les poisons, l’art d’éviter les pièges. Elle lui apprenait également les langues étrangères et tentait à l’heure actuelle de lui inculquer l’art de survivre, et manifestement ce n’était pas gagné au vu des nombreuses petites entailles que la jeune apprentie avait sur les bras et les jambes.

Elle tourna les talons sans un mot et referma la porte, laissant là son élève, à sa honte et à sa douleur, versant des larmes en silence.

La vie au manoir était réglée comme du papier à musique. Le matin était dévolu aux activités intellectuelles, à peine l’astre donnait au monde cette lumière blafarde rougeoyante que Lyrianna vêtue d’une somptueuse robe attendait la jeune fille dans le salon afin de parfaire son éducation. Ce matin là, elle avait décidé qu’elle lui enseignerait le chant, indispensable pour se faire passer pour une jeune fille de bonne famille en société. Il ne suffisait pas de savoir se faufiler dans la pénombre, parfois, il fallait évoluer dans la lumière pour que les ombres en soient magnifiées.

La jeune fille arriva, elle s’était préparée, on aurait dit une poupée tellement elle était jolie dans sa robe aux milles volants. Ses cheveux n’étaient plus en bataille mais savamment coiffés, son visage avait été maquillé, légèrement et elle sentait bon un parfum fleurit mais suave. Elle portait un petit bandage discret sur le bras. Elle était restée sur le pas de la porte, attendant qu’on lui donne l’autorisation d’entrer.

« Approchez jeune fille » lui dit Lyrianna qui avait toujours refusé de connaitre le nom de son élève « votre tenue est parfaite, je vous félicite. Toutefois, vous veillerez à moins vous parfumer la prochaine fois, l’on vous sent arriver depuis votre chambre » Inconsciemment ou pas, la tueuse de glace avait reproduit le schéma de son vieux maitre, en accueillant son élève pas une reproche, nuancée toutefois par la reconnaissance de certaines bonnes actions.

« Tenez » lui dit elle de son ton sans âme « chantez ceci que je juge de votre voix »

La jeune deava s’exécuta, la voix pour le moins tremblante, mais un timbre très joli et une volonté de bien faire évidente. Lyrianna l’accompagnait à la harpe, instrument qu’elle avait apprit à maitriser malgré ses griffes acérées, là encore, une épreuve qu’elle s’était imposée, pour développer encore plus la maitrise totale de ses mains et de ses organes de mort.

« Aujourd’hui nous partons en bas, jeune fille, je veux tester vos reflexes en situation, préparez-vous. » elle quitta la chambre dans un silence étrange, la jeune Aliona se demandait souvent si Lyrianna ne flottait pas plus qu’elle ne marchait, cette faculté de se déplacer dans un silence totale lui faisait peur parfois.

Lyrianna, sans le montrer, était contente de son élève aujourd’hui, car même si elle l’avait encore une fois surprise dans son sommeil, celle-ci avait eut le reflexe de prendre une arme en main à peine éveillée, ses yeux n’étaient pas hagards dans un demi-coma onirique mais son regard était vif. Elle progressait, et c’était très bien même si Lyrianna se sentait du coup obligée de se perfectionner elle-même afin d’être à la hauteur de son apprentie.

Cela faisait deux ans maintenant que Lyrianna avait acceptée de prendre Aliona sous sa direction, pour la former à l’art de l’assassina, et devenir comme elle l’assassin royal d’Asmodée. La jeune fille était très douée, elle apprenait vite et faisait montre d’une excellente discipline, pourtant Lyrianna n’était pas conquise. Elle en avait d’ailleurs fait part à sa Reine qui lui avait rétorqué en souriant que de toute manière il était connu que la Tueuse de Glace n’avait confiance en personne sur ce monde. Lyrianna avait acquiescé en silence, pour elle la suspicion était une question de survie.

Elle avait organisée sa vie autour d’un code simple où le devoir et la loyauté régnaient sur l’honneur et la courtoisie, dans un courage sans faille tout en gardant en mémoire qu’elle n’était pas une héroïne, sa vie ne lui appartenant pas. Lyrianna était prête à donner sa vie pour son seigneur, sa reine, sans poser de questions, questionner le bien fondé d’un de ses ordres est pour elle une impensable trahison. En était-il de même pour cette jeune femme ?

Pour Lyrianna, chaque geste, chaque souffle reflète son âme. L’honneur est la force qui lie et définit son existence, l’éclatante vertu qui l’élève au dessus de l’homme ordinaire. La où l’homme du commun considère qu’il y a des actions importantes et d’autres négligeables, elle sait que c’est chaque menu détail qui tisse la tapisserie de sa vie. On ne peut strictement définir l’honneur, car ceux qui n’en ont pas le moindre ne pourront jamais le comprendre. Aliona avait elle le sens de l’honneur ?

Si le pouvoir des armes est important voir essentiel, le respect a aussi sa place dans son code de conduite, car le monde se dissoudrait rapidement dans le chaos sans l’importance que la tradition accorde à la courtoisie. Et c’est pour cela que Lyrianna met un point d’honneur à inculquer à cette jeune fille, toutes les règles de politesse essentielles dans la vie d’une fille de bonne famille mais lui apprend également à bien se comporter dans n’importe quelle situation, face à n’importe quel interlocuteur, qu’il soit guerrier, marchand, noble ou simple paysan.

Elles mettent leur vie en jeu pour leur Reine. La peur touche le cœur de tous ceux qui doivent se battre pour ce qui leur est cher, mais elles doivent être au-dessus de cette émotion. Le courage n’est pas l’absence de peur, ni la volonté de sacrifier sa vie en se lançant dans un combat désespéré, mais la capacité de continuer à avancer quelle que soit la situation. Et cela, Lyrianna le sait, n’est pas facile à enseigner.

« Mais Dame Lyrianna, pourquoi deviez vous tuer ce Général Draktorian dites moi ? » lui demanda Aliona, un soir après le diner. Elle avait entendu parler de cet acte et voulait en savoir plus, malheureusement pour elle.

Lyrianna la fustigea du regard, lui faisant perdre contenance et lâcher le bout de brioche qu’elle commençait à grignoter, blêmissant à vue d’œil.

« Ne vous ai-je donc rien apprit jeune fille ? Suis-je un si mauvais maitre que cela que vous osiez même penser à poser cette question ? » Lui répondit elle froidement, reposant sa tasse en porcelaine, doucement sur la petite table vitrée devant elle.

« Je…non…mais » balbutia la jeune élève, s’enfonçant encore plus dans la bêtise, au regard de son maitre. Après être devenue bleue pale, elle était à présent écarlate, les yeux brillants de larmes qu’elle s’efforçait de retenir à grande force.

Lyrianna leva de son fauteuil, replissant les pans de sa robe doucement, d’un geste de la main et d’un regard appuyé elle indiqua à Aliona de la suivre, celle-ci s’exécuta sans un mot, se demandant alors ce qui allait arriver.

La pauvre enfant subit simplement un cours magistral sur l’histoire d’Asmodée, Lyrianna lui expliqua la chute de la tour d’Eternité, la prise du pouvoir des différents chefs de section militaire, les rois et reines autoproclamés, les guerres intestines en passant par les guerres avec les Elyseens une fois leur existence découverte. Bien que ce cours fût passionnant, Aliona chancelait de fatigue quand Lyrianna lui eut indiqué que l’histoire était terminée.

« Voilà notre histoire jeune fille, faites de conflits, de trahisons et de guerres incessantes. Croyez-vous que notre stabilité d’aujourd’hui soit venue par le bon vouloir d’Aion ? ! » Elle soupira légèrement « se sont les hommes et les femmes qui ont forgés ce présent et non pas des forces qui nous échappent»

Lyrianna se tourna alors vers Aliona et la regarda droit dans les yeux.

« je vais répondre à votre question. Ce jour là, à cette époque là, deux grands suzerains s’affrontaient au sud des terres d’Asmodée et du résultat de cet affrontement, devait dépendre la victoire de notre faction. Le Général Draktorian était un très bon général, suivit par ses troupes et obéit par ses officiers. Ceux ci étaient d’excellents tacticiens et d’admirables stratèges, toutefois ils manquaient cruellement de cohésions, chacun pensant que son domaine était le meilleur, seule la présence du Général Draktorian protégeait le fonctionnement de cette armée. Sa mort assurait donc leur défaite Et c’est ce qui se passa et ainsi une page de l’histoire fut tournée. »

Lyrianna n’avait pas quitté le regard de son élève qui développait des trésors de résistance pour ne pas tomber littéralement de sommeil, et la flamme qui sortit alors des yeux sombres de Lyrianna pour ponctuer la fin de son discours lui fit un choc qui termina de la maintenir éveillée.

« Je ne veux plus jamais entendre cette question sortir de votre bouche ! Nous vivons pour servir, nous donnons notre vie pour la Reine, jamais nous ne cherchons à savoir pourquoi un ordre a été donné. Jamais.. Aujourd’hui je connais les raison de cet ordre, pour m’être intéressée à l’histoire, et cette mort qui date d’il y a bien longtemps maintenant, à marqué notre histoire, à l’époque je n’en savais rien et me serais bien gardée de demander. Mais je ne juge pas le bien fondé de l’ordre qui m’a alors été donné, ce n’est pas de mon ressort, et cela ne le sera jamais. Notre loyauté doit être sans borne Le jour où elle vous demandera de vous tuer alors la seule question qui vous sera autorisée, sera de lui demander par quel moyen. Avez-vous bien comprit ? »

N’attendant pas de réponse de sa part, elle tourna les talons et se retira sans un mot, laissant là Aliona, encore une fois seule avec ses pensées.

Arrivée devant ce palais magnifique Lyrianna ne pu que sentir sa médiocrité face à cet édifice imposant, reflet de la majesté de la personne qui l’occupait, tout ceux qu’elle croisait alors, baissaient la tête sans qu’elle ne sache pourquoi, elle le devinait pourtant, ici on courbait l’échine, ici ELLE est la seule qui décide, ordonne et prend les décisions.

ELLE l’avait convoquée, ELLE voulait la rencontrer, soit, Lyrianna savait que cette femme était importante, d’une lignée sans âge, qu’elle avait du pouvoir et des relations, après tout pourquoi pas et si la rencontre ne lui plaisait pas alors il serait toujours temps de partir.

Depuis la mort de son maitre, elle n’avait plus le gout de vivre, encore moins qu’avant. Pourtant il lui était impossible de se mettre à mort, elle ne le pouvait pas. Même si elle connaissait le moyen de tuer définitivement un deava, elle ne pouvait pas s’y résoudre, la vie est une chose sacrée pour elle, n’en déplaise à ses détracteurs.

Car détracteur elle en avait depuis qu’elle avait mis son art de l’assassina au service du plus offrant. Vivant dans le luxe et la solitude, elle prenait les contrats qui l’intéressait, elle ne cherchait pas à comprendre, la seule chose qui l’intéressait était de parfaire son art. La dame de glace était son nom de code et seuls les grands de ce monde pouvaient la contacter par un labyrinthe de messages codés, d’intermédiaires et de bourses de kinha bien remplies. Lyrianna quant à elle, puisque personne jusque là n’avait fait le lien entre elle et la Dame de Glace, vivait au manoir familiale qu’elle avait fait reconstruire, à sa manière, d’extérieur un manoir de noble standard, à l’intérieur une véritable forteresse où un intrus serait bien en peine d’y pénétrer.

Elle avait alors un jour reçu un courrier, un simple courrier l’invitant à se rendre au bal donné par celle que certain appelait la Reine d’Asmodée. Lyrianna allait jeter cette lettre, sachant très bien que tous les convives de cette Reine, étaient des politiciens barbants, quand un mot retint son attention, puis un autre. Ce courrier était rédigé dans son propre code, à elle ! Impossible. Le message sous jacent était clair, elle avait été démasquée et donc convoquée.

Lyrianna, debout devant cette grande porte aux dorures outrancières, observa le mécanisme d’ouverture quand le serviteur, bien trop musclé pour n’être qu’un simple laquais, lui ouvrit la porte en l’annonçant à son futur auditoire, par tous ses titres, y comprit la Dame de Glace. Elle frissonna en entendant nommer ce nom à haute voix, d’autant plus qu’il était accolé à son propre nom.

En termes d’auditoire, il n’y avait qu’un trône majestueux fait d’orichalque et d’or de grande pureté, et une femme magnifique, les cheveux adroitement coiffés, portant une robe étincelante. Par un jeu de lumière savamment étudié, la Reine, puisqu’il s’agissait d’elle, était la seule source de lumière de la salle, obligeant ses invités à plisser les yeux en la regardant.

Alors que Lyrianna avançait tranquillement dans cette immense pièce vide, son instinct de tueuse lui fit remarquer deux choses. La première, elles n’étaient pas que deux femmes présentent ici, une myriade d’hommes en armes étaient cachés aux faveurs des tentures, des pilonnes et autres objets de décoration, le jeu de lumière les aidant grandement. La seconde, un homme d’une taille respectable avançait rapidement vers elle, sans vraiment vouloir être discret, comment l’aurait il pu d’ailleurs dans cette boite de conserve, il avait des intentions belliqueuses à son sujet, elle en était certaine.

Alors qu’il osa poser sa main sur sa tête, pour la faire baisser devant sa Reine, il n’eut que le temps de prononcer quelques mots avant de s’écrouler en terminant sa phrase dans un gargouillis immonde. Lyrianna venait de lui enfoncer un stylet qu’elle avait caché facilement aux yeux des gardes qui l’avaient fouillé avant de pénétrer dans la salle du trône.

L’histoire montrera que cet incident n’eut pas d’effet négatif sur le futur commun des deux dames, mais à cet instant, Lyrianna s’attendait à ce que l’ordre de sa mise à mort soit clamé.

« Pardonnez moi, ma Reine mais je n’ai pas comprit ce que vous venez de dire, ce langage m’est totalement inconnu. » dit Lyrianna honteuse de son ignorance et donc de sa faiblesse.

Elles marchaient toutes deux d’un pas lent sur un chemin dallé, où seules raisonnaient les délicats souliers de la reine, ceux de la Dame de Glace étaient bien sur feutrés, comme toujours. Cette matinée de printemps offrait le luxe d’une promenade dans les jardins du château, où séjournait Lyrianna depuis quelques temps maintenant, et chaque jour elle voyait la maitresse du domaine, pour converser de tout, de politique, de guerre, de mode….

Ce matin là, à l’ombre d’un arbre en fleurs roses et précoces, la reine posa une question à Lyrianna dans un Elysiens parfait, tinté d’un accent de la haute société Elysiennes vivant à Sanctum. Bien sur, Lyrianna qui n’avait jamais apprit ce langage fut surprise, puis honteuse. Cet évènement fut alors l’occasion pour les deux femmes de se rencontrer plus souvent, Lyrianna suivait les cours d’Elysien de la Reine elle-même. Elle apprenait vite, car son intelligence n’était plus à prouver, mais également parcequ’elle se souvenait de la langue qu’elle parlait avant, qui lui était très ressemblante, avant le cataclysme, le verbe de sa jeunesse, celui du peuple unis d’Atreia, enfants d’Aion et protecteurs de la tour d’Eternité, selon les propres mots de la Reine. Lyrianna n’était pas une fervente pratiquante en dépit de ses ailes.

Lyrianna avait apprit beaucoup de choses durant son séjour au château, pourtant, elle-même issue de la haute société, ayant conservé son statut durant les siècles, était informée de bien des relations et intrigues de cour, mais la reine lui ouvrit les yeux sur des détails qui lui avaient échappés jusque là. Cette femme avait l’art de démêler les intrigues, l’art de juger les gens, de les percer dans leurs plus sombres desseins, elle lisait dans les âmes. C’est d’ailleurs, en grande partie, cette compétence qui lui attacha la loyauté de Lyrianna mais également cette matinée de printemps pour ce qu’elle allait y apprendre.

La brume commençait à se lever, le jour n’allait pas tarder à la suivre, Lyrianna regarda le ciel et se leva lentement.

Dix ans, cela fait dix ans maintenant qu’elle s’était mise à son service, lui prêtant un serment d’allégeance sans concession, elle lui donnait tout, car elle croyait en elle, et elle ne regrettait rien même aujourd’hui, même ce matin et à vrai dire elle ne le regrettera jamais après ce qu’elle avait donné cette nuit là.

Après une conversation dans un parc, la Reine lui avait offert une nouvelle vie, sa troisième vie finalement, car elle lui avait donné un but, une raison d’exister, une voie à suivre et elle l’en remerciait pour cela. Elle lui avait donné aussi dix ans de bonheur, sentiment que Lyrianna croyait ne plus jamais ressentir après avoir perdu son innocence il y avait bien des années et pourtant…..

Après lui avoir révélé le secret de sa vision, la Rein confia Lyrianna aux bons soins de Enethiel Nuhuriné, le chef de son état major, l’un des rares à pouvoir dire qu’il partageait le même secret de la Reine. Il attendait dans un petit salon, alors que les deux dames marchaient sur le chemin pavé en cette matinée de printemps. Il avait été convoqué au palais et s’y était rendu sur le champ, ne contestant jamais un ordre direct reçu de sa reine.

Quand Lyrianna vit Enethiel pour la première fois elle fut sous le charme de cet homme. Il portait un costume militaire très strict, très ajusté à son imposante stature, ses yeux d’un noir profond faisaient ressortir son teint d’albâtre. Son visage ciselé était encadré de longs cheveux noirs également, strictement coiffé en catogan, seules deux mèches s’en échappaient, lui donnant un air terriblement romantique malgré la dureté de son regard et l’absence de sourire sur ses lèvres fines. Il se leva prestement mais sans hâte à l’arrivée des deux dames, faisant une profonde révérence, un genou à terre devant la Reine et un baisemain à Lyrianna, qui fut relativement surprise.

La Reine leur expliqua alors qu’ils devraient apprendre à travailler ensemble, puisque Lord Nuhuriné devait enseigner à Lyrianna l’art de la guerre et tout ce en quoi il excellait puisqu’il serait amené un jour à mourir, alors que Lyrianna était immortelle. La mention du fait qu’il ne soit pas deava choqua Lyrianna qui pensait que la Reine ne s’entourait que d’immortels, tant sa cause était grande et d’une ampleur dépassant le temps d’une vie. Voilà encore un fait surprenant qui fit de nouveau monter cette femme en haute estime dans l’esprit de Lyrianna. Après tout, il était vrai que les humains avaient des talents que l’on ne pouvait pas forcement avoir par le simple fait d’être deava. En revanche, le rappel de sa mortalité à Enethiel ne le fit, à priori, pas réagir, aucune réaction dans son attitude, comme dans son regard.

Le temps passa, les deux plus chers collaborateurs de la Reine apprirent à travailler ensemble, et bien plus. Etait ce voulu par la Reine, l’avait elle pressentie en les faisant se rencontrer, nul ne le saura jamais, mais ce que l’on voit aujourd’hui comme une évidence, arriva par surprise à ces deux personnes vouées à leur cause, ils tombèrent amoureux fous l’un de l’autre.

Tout d’abord leur liaison resta secrète, avec tout ce que cela peux apporter de bon. Rompue à l’art de la dissimulation et du mensonge, Lyrianna excellait dans cette relation et Enethiel ne s’en plaignait pas, bien au contraire, il ne savait jamais à l’avance quand elle arriverait dans ses quartiers, et quand au petit matin elle se levait pour repartir, il ne l’entendait jamais. Ils étaient heureux et leur amour les faisait monter au firmament, transcendant leurs esprits et leurs cœurs. Lyrianna apprit également, énormément auprès de lui, leurs esprits fusionnaient et ses connaissances grandissaient.

Mais elle voulu plus et Enethiel aussi, la nature rendit grâce à leur vœux, car Lyrianna tomba enceinte, il était alors impossible de vivre leur amour caché, plus longtemps, pourtant cela faisait maintenant presque dix ans….

La Reine reçue cette nouvelle en souriant, l’air heureux d’une personne qui apprend une bonne nouvelle, l’enfant à naitre allait être choyé, sans aucun doute. Pourtant quelques mois plus tard tout devait changer.

Certes la petite Elysianne fut le joyau du palais, une enfant magnifique et pleine de vigueur, la grâce incarnée fruit des amours de ses parents. Pourtant elle ne connaitra jamais les joies de la vie car l’avenir lui réserva une toute autre existence. Le mot existence ne convient pas puisque sa vie ne dura pas plus longtemps que celle d’un papillon.

Sur ordre de la Reine, Lyrianna, du assassiner Lord Nuhurine Enethiel pour hautre trahison, le laissant à terre, sur la neige, à se vider de son sang après qu’elle lui eut planté une dague dans le cœur. Mais elle du également dans la nuit, porter le fruit de son amour perdu, loin du monde, loin de la vie. Car nul en cette terre ne peux vivre sous le même ciel que le meurtrier de son père. Elysianne aurait certainement vengé la mort d’Enethiel. La Reine ordonna alors à Lyrianna qu’elle tue sa propre fille, ce qu’elle fit, une larme de sang sur la joue.