une taverne, une étrangère...rien d'anormal..jusque là.

Shairya s’exécuta docilement. De nature disciplinée elle avait de facto reconnu l’autorité d’Haven et s’était pliée à ses demandes en silence et avait fait demi tour à l’annonce des chambres intérieures. Elle avait gravit les marches d’un pas lent, observant tout ce qui se trouvait autour d’elle. Elle ne pu pas retenir un hoquet d’étonnement en voyant ce couloir de portes, se sentant quelque peu oppressée de se retrouver si serrée entre deux murs, mais elle ne dit rien.

A plusieurs reprise, Haven lui avait dit qu’il était temps de se coucher, elle avait sans doute raison les questions viendraient plus tard, pourtant il y en avait tant qui lui brulaient les lèvres. Mais ces dernières restaient sagement closes, même si un observateur attentionné pouvait discerner dans ses attitudes l’impatience et la curiosité d’apprendre.

Haven ouvrit une porte, parmi tant d’autres et lui indiqua que c’était ici qu’elle dormirait, Shairya pencha légèrement la tête sur le coté pour voir la pièce. Une immense salle entièrement fermée, une chaise de ville, celle réservée aux anciennes, un cube de bois énorme munis de deux portes, c’était sans doute ce qu’Elyssandre appelait un coffre. Mais ce qui surprit le plus la petite Ethernelle fut sans doute le lit, elle habituée à dormir à même le sol depuis des jours et qui ne connaissait que sa couche de ruko et feuilles de méla, fut si surprise qu’elle lâcha un « ho » en courant vers lui.

« Ho Douce Dame Haven !! Ceci est le lit où je vais dormir ? mais….mais …c’est trop…heu…trop » elle ne savait pas comment qualifier tout cela en tâtant le matelas les yeux pleins d’étincelles de joies mêlées à de la curiosité, l’on pouvait largement voir dans son visage désormais bien réveillé l’envie de le toucher.

« Puis je ? »

Haven lui fit un signe "Oui" de la tête.

Elle ne voulait pas se l’avouer mais … elle sentait de plus en plus comme une évidence que réveiller cette petite, même si son intention était bonne, n’allait pas tout à fait dans le sens qu’elle voulait, ou pensait bonne pour Shairya.

En la voyant dormir sur cette table, elle avait cru bon de la réveiller pour lui permettre de passer une bien meilleure nuit dans un lit normal. Force était de constater que désormais, parfaitement réveillée, Shairya faisait preuve d’une curiosité à la fois étrange et si évidente. Il fallait se rendre à l’évidence. Haven avait raté son coup, en voulant bien faire, elle n’avait réussie qu’à éveiller encore plus la curiosité de la jeune femme. Maintenant, elle espérait que cette leçon lui servirait pour le futur.

Bon, il était évident qu’il fallait changer de stratégie. Soit elle lui impose de dormir immédiatement et en silence. Mais rien que cette pensée lui donne des frissons partout, et elle la chasse bien vite de son esprit. Soit elle commence à essayer de comprendre cette demoiselle, qui visiblement n’a pas eu la même vie ni la même expérience que le commun des mortels.

Haven se déplace alors vers le lit et s’assied sur le bord, invitant du regard Shairya à en faire autant.
Haven prend un ton légèrement plus … grave, qu’à son habitude, réfléchie quelques instants à ce qu’elle va dire, et enfin se lance, mais sans précipitation, pour être sur que Shairya comprenne.

« Shairya, je ne sais pas ce que tu as vécu, ni ce que tu sais ou ignore sur notre monde, mais il y a une chose que tu dois apprendre tout de suite. »
« Ici à l’auberge, tu dois prendre tes décisions, personne ne dois décider à ta place ».
« Tu peut écouter les gens qui veulent t’aider, ou pas, c’est ton choix, et personne ne doit le faire à ta place ».
« Quoi qu’il arrive, tu seras, ici, toujours la seul à décider ce que tu dois dire ou faire ».
« C’est la liberté, mais en contrepartie, n’oublie jamais qu’elle a un prix ».

Haven fait une petite pause, se rendant compte que la pauvre Shairya doit être un peu perdue.

« Ce n’est pas facile à comprendre, alors je vais te donner un exemple facile pour commencer ».
« Tu peux décider que tu es encore fatiguée, et te glisser sous cette couverture, faire tout pleins de rêves merveilleux, et demain nous en reparlerons »
« Tu peut décider aussi que tu préfère, puisque tu est réveillée, redescendre dans la grande salle, on rejoins Kalten qui doit être en train de découper sa proie, et tu nous raconte d’où tu viens ».

Haven fait une nouvelle pause de quelques secondes puis elle reprend, sur un ton légèrement plus léger et enjoué.

« Je sait que ce n’est pas facile, mais tu dois prendre cette décision »
« Il faut bien commencer par quelque chose »

Attendant sa réponse, elle lui tend un grand sourire amusé et sincère.

Le oui de la tête la ravie, elle avança donc la main pour tâter le matelas, faisant tout d’abord juste une caresse puis appuya plus fort et finit par appuyer vraiment avec les deux mains. Dormir la dessus allait être vraiment chouette se dit elle. Tout à son manège elle ne vit pas Haven s’approcher du lit en silence, elle sursauta donc légèrement en la voyant proche d’elle et retira instinctivement ses mains du lit et les mis dans son dos, un air de culpabilité sur le visage légèrement rosit par l’excitation, la honte ou la fatigue ou tout à la fois.

Elle obéit à Haven et prit place à ses cotés sur le lit, sensation agréable d’avoir ses petites fesses sur un matelas moelleux mais aussi d’être assise aux cotés d’une Dame. Car Shairya n’avait nul doute à ce sujet, cette femme avait trop de points communs avec Elyssandre pour ne pas être une Dame, et sa présence lui était d’un grand réconfort. La petite Ethernelle se plaça donc à ses coté, les jambes ballantes sur le bord du lit, la tête tournée vers Haven son regard plongé dans le sien.

Quand Haven prit la parole d’un ton plus grave que le ton qu’elle avait employé jusque là, Shairya se raidit un peu, fronçant légèrement les sourcils pour se concentrer sur les paroles d’Haven, ne voulant pas perdre un mot et surtout ne pas la faire répéter si d’aventure son étourderie l’amenait à ne plus vraiment écouter. Elle s’avait que les grandes personnes détestaient répéter, aussi elle écoutât en silence ce que la femme avait à lui dire, ne pouvant toutefois s’empêcher de vivre ce discours en grimaçant de temps à autres, ponctuant ses sentiments par une moue boudeuse, un haussement de sourcil, un sourire ou encore un écarquillement démesuré de ses yeux verts.

Un sourire vint ponctuer la fin de son discours et Shairya sollicita un délai de réponse du regard, patiemment Haven attendit sa réponse. La petite finit par prendre la parole :

« Douce Dame Haven, je ne connais pas ce qu’est la liberté, je ne comprends pas vraiment tout, je dois l’avouer, ce que vous m’avez expliqué et je m’en excuse » dit elle en baissant les yeux « mais je crois que vous avez raison sur un point, il est grand temps de me reposer. J’ai tant de choses à apprendre qu’elles pourront je crois attendre demain » ajouta t elle en souriant, relevant la tête et les yeux vers son interlocutrice « et puis je suis une incorrigible curieuse, une vilaine égoïste qui vous prive de votre repos, en cela je vous prie de nouveau de m’excuser » lui dit elle en lui prenant la main. « Je crois que je suis en sécurité ici, l’homme Cerf Kalten vous est dévoué, il ne me fera aucun mal et je vous en remercie »

Elle descendit souplement du lit, tenant toujours la main d’Haven dans la sienne.
« Je vais faire ma toilette et me glisser dans ce merveilleux lit, digne d’un Seraphims. Et demain sera un autre jour, si tout ne disparait pas alors nous pourront apprendre à nous connaitre »

Le calme était revenu dans l’esprit de la gamine devant Haven qui pouvait remarquer facilement que la fatigue venait de reprendre ses droits sur cette enfant perdue.

Que d’émotions en quelques instants.
Comment pourrait-elle savoir ce que représente pour la Clerc ce simple contact des mains. Un instant elle cru que son cœur allait cesser de battre, mais ne laissa rien transparaitre, ou presque, de son émoi. Cette petite Shairya était décidément une jeune femme pleine de surprise. Pas seulement par ses propos, dont il conviendra d’éclaircir les raisons le lendemain, mais aussi par son comportement quasi … familial.
Quoi que sur ce dernier point, remontait en Haven des souvenirs de sa fille. Trop jeune pour avoir eu le temps, mais qui sait, Haven aime à imaginer que sa petite Ennya serait devenue une belle et douce jeune femme, prête à affronter ce vaste monde et se l’approprier.
Peut être était-ce ce que Shairya allait faire sous ses yeux. Elle n’ose y croire encore.

Quoi qu’il en soit, la fatigue semble gagner de nouveau la jeune femme. Finalement, elle dormira mieux dans un lit que sur une tranche de pain. Haven eu un sourire franc à cette image. Tandis qu’elle suivait la petite du regard.

« Demain il vas y avoir tant de choses à discuter, j’espère que tu sera en forme ».
« Quand à Kalten, non seulement il ne te fera aucun mal, mais il te protégera »

Haven eu un sourire si fort et naturel en prononçant cette phrase.

« Et je te rassure, je ne crois pas que tout vas disparaitre ».

La Clerc pensait comprendre que cette référence à une disparition ne devait pas être étrangère à l’arrivée de la petite à la taverne. Demain tout sera plus clair.

« Et il y a une chose sur laquelle tu as parfaitement raison, il est temps pour moi aussi de me reposer ».
« Je serait dans la chambre juste à coté, si tu a besoin n’hésite pas, quoi qu’il arrive ! »
« Je te laisse te reposer maintenant ».

Haven quitte la chambre tout en ne pouvait quitter des yeux cette enfant, avec un visible bonheur inscrit sur son visage. Puis ferme la porte délicatement.

Enfin elle descend les escaliers pour rejoindre l’arrière boutique, là ou probablement devait encore se trouver Kalten, à découper son animal. Frappe doucement à la porte et entre.

« Kalten ? »

Kalten terminait de dépecer le Toq. L'animal, de belle taille, allait offrir des mets de choix pour qui savait cuisiner. Ce qui n'était pas le cas du rôdeur. Il savait chasser à peu près n'importe quelle proie. Mais cuisiner, il laissait cela aux connaisseurs.

Tout en appréciant la qualité de la peau dépecée, Kalten s'interrogeait sur les réactions de la jeune fille. Pourquoi avait-elle peur de lui ? Et d'abord, de lui ou de quelque chose qu'il représentait ? Pouvoir répondre à cette question risquait d'être difficile. Kalten sentait que la petite ne lui parlerait pas si facilement.

Tout à ses réflexions, il entendait doucement frapper à la porte.
- Kalten ?
Le rôdeur déposa son couteau et vit Haven entrer. Elle semblait elle aussi fatiguée.
- La petite s'est endormie ?

Shairya hocha la tête et fit un pas de coté afin de dégager symboliquement le passage pour qu’ Haven puisse passer. Quand elle se retrouva seule dans cette chambre, Shairya ressentit tout le poids de la fatigue et de la peine qu’elle avait accumulé ces derniers jours.

Elle entreprit donc de faire sa toilette, dans cette bassine d’eau claire. Etrange façon, elle qui avait l’habitude de se laver à grande eau que se fut dans les rivières lors de sa fuite ou dans le petit lac près de la chute d’eau réservée aux jeunes filles de la tribu des Ethernelles. Elle ne s’en sortit pas si mal, elle n’avait qu’éclaboussé la moitie de la pièce. Elle se sentait mieux, propre, lavée de tout, toutes les peines, les traces de vagabondages ou de souillure.

Elle ne prit pas la peine de se vêtir, car la nudité n’avait pas de taboo d’où elle venait, et ici il faisait bon, la fraicheur de la nuit ne passait pas les lourds murs de cette étrange demeure qui n’était pas un temple aux dires de la Dame Brizza. Shairya commença à nettoyer les dégâts qu’elle avait causés sur le parquet. Puis elle sortit de sa besace, divers objets, manifestement fabriqués avec les moyens du bord, elle ouvrit la fenêtre et commença à les disposer les uns à la suite des autres, tout en priant entre deux dépôts.

Son manège ne dura pas longtemps, mais suffisamment pour que l’on entende ses petits pas sur le sol, si peu habituée qu’elle était à marcher pour ne pas déranger son voisin du dessous.

Kalten a écrit:

- La petite s'est endormie ?

Haven entendait les petits bruits de pas sur le plancher pas très bien insonorisé. Et il ne faisait aucun doute que le chasseur, bien plus alerte qu’elle dans se domaine, les avait entendu lui aussi. En guise de réponse elle luit fit un sourire entendu.

« J’espère que oui bientôt » ajouta t’elle quand même.

« Par contre, je ne sait pas si elle vas bien dormir, elle semble un peu perturbée par notre environnement qui est totalement nouveau pour elle. Elle semble penser que tu est un Cerf »

A ces paroles, Haven ne put réprimer un sourire. De plus elle pensait bien que le chasseur n’en prendrait pas ombrage, venant de cette petite visiblement un peu perdue.

« Je vais me coucher moi aussi, et je n’ai pas l’ouï d’un chasseur. Si cela ne te dérange pas de rester un peu sur le qui vive cette nuit. D’abord nous ne savons pas si cette petite est en danger, et nous ne savons pas non plus si elle-même n’est pas un danger pour nous. Tu sais bien que nous ne pouvons pas nous permettre de … enfin tu sais ».

Sur ces paroles Haven fut prise d’un bâillement à arracher la mâchoire.

- Je vais me coucher moi aussi, et je n’ai pas l’ouï d’un chasseur. Si cela ne te dérange pas de rester un peu sur le qui vive cette nuit. D’abord nous ne savons pas si cette petite est en danger, et nous ne savons pas non plus si elle-même n’est pas un danger pour nous. Tu sais bien que nous ne pouvons pas nous permettre de … enfin tu sais.

Kalten hocha la tête.

- Je pense aussi qu’elle semble un peu effrayée par ce qu’elle voit. Elle est…différente. Nous en saurons peut être un peu plus demain.

Puis Haven bailla.

- Je vais la veiller. Il ne lui arrivera rien. Va te reposer, tu sembles en avoir besoin, Haven.

Kalten salua la clerc et délaissa son couteau de travail pour prendre ses armes. Il raccompagna Haven jusqu’à l’escalier menant au chambre et lui souhaita une bonne nuit. Puis il sortit.



Le rôdeur trouva rapidement ce qu’il cherchait. Il grimpa dans l’arbre et s’assit afin de surveiller les alentours. De là où il était, il pouvait voir les différentes entrées de l’auberge et la fenêtre de la chambre donnée à Shairya. Si quelqu’un arrivait, il le verrait.

Tout en déposant son arc sur ses jambes, il vit les différents objets que la jeune fille avait déposés sur le rebord de la fenêtre. Un sourire amusé se dessina sur son visage quand il repensa aux paroles de Haven « Elle semble penser que tu est un Cerf ».

Kalten leva les yeux vers la lune, qui diffusait une douce lumière. Inspirant profondément et lentement, le rôdeur ferma les yeux et fit le vide. Il aimait cet instant de tranquillité, cette communion avec ce qui l’entourait. Son instinct lui disait que tout était tranquille. Rouvrant les yeux, il se remit à surveiller l’auberge. Son sourire était toujours là.

[Mode Voix Off de Narrateur style Desperate :p]

Pour chacun d’entre nous le monde est spécial et unique. Chaque esprit, chaque histoire nous donne une perspective différente sur la vie que pourtant nous partageons tous, sans jamais voir la même. Certains sont là pour une vie harmonieuse et partagée entre le genre humain et la nature qui l’héberge. D’autres pour se prouver à eux même que d’autres voies sont possibles s’ils font plus d’efforts. Fuir à corps perdu un passé, pour se créer un avenir, ou encore se jeter corps est âme dans une nouvelle vie pour ne jamais oublier celle que l’on a perdue.

Pour chacun d’entre nous la route est sinueuse. Pourtant il existe parfois, un souffle, une alchimie, et de tout ces esprits, éprit de liberté et de justice, née un avenir, une lumière partagée et familière. Ainsi chacun dans son univers de songes et de rêves d’avenir, participe un peut à créer l’ensemble. Et il n’existe plus alors de lieux où l’on se sente aussi bien.

Ce peut être un temple isolé, habité par des esprits forts et sages, ou encore un coin de terre, cultivé avec l’amour de donner à cette terre le don de la vie. Une branche d’arbre qui porte à elle seule tant d’histoires, que le vent raconte à celui qui sait entendre toutes ces vibrations, ou une forge, âtre brulante de l’âme de celui qui sait changer la nature des choses pour leur donner une âme. Pour peut que l’esprit du lieu respecte vos espérances. Pourquoi pas une taverne …

La nuit sera longue pour nos aventuriers. Mais nul doute qu’au petit matin, les espoirs les plus fous nés du petit jour, viendront réchauffer les cœurs autant que l’astre, qui déverse sur nous sans rien demander en retour, son énergie bienfaitrice.

Les esprits convergerons, les regards se croiseront, et le nouveau jour sera née encore une fois, pour pouvoir inventer le suivant.

[Mode Voix Off de Narrateur OFF, désolé j’avais envie :p]